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Rapprochement école-entreprise, des enjeux structurels et culturels

Actualité marquée aujourd'hui par l'installation par Vincent Peillon d'un Conseil National Education Economie. Il sera présidé par Jean-Cyril Spinetta, le patron d'Air-France KLM, et chargé de faciliter le dialogue entre l'éducation, l'économie et l'emploi. Puis Vincent Peillon enchaînera par l'ouverture du colloque " Entreprendre : de l'envie à l'action " organisé par l'Association Jeunesse et Entreprises ... 
Article rédigé par Emmanuel Davidenkoff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 15 min
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L'objectif est triple : rapprocher l'école du monde
économique et réciproquement, instiller un peu d'esprit d'entreprise dans le
système, et au bout du compte – et c'est l'obsession du gouvernement – agir en
faveur de l'emploi des jeunes.

Ce n'est pas la
première fois qu'une structure est créée pour rapprocher école et monde
économique.

Loin s'en faut. Elles ont souvent produit des rapports extrêmement
intéressants. Ce fut le cas par exemple du haut comité éducation économie
emploi créé en 2001 par Jean-Luc Mélenchon, alors ministre délégué à l'enseignement
professionnel. Il avait également été à l'origine des lycées des métiers, qui
se réinventent actuellement en campus des métiers et des qualifications.

Mais en dehors de ces
structures institutionnelles, où en est-on des liens entre école et entreprise
sur le terrain ?

Ils sont nombreux. Au collège via les modules de découverte
professionnelle ou les stages de troisième, au lycée technologique et bien sûr,
encore plus, au lycée professionnel. Idem dans le supérieur, en BTS ou DUT
évidemment mais aussi, de plus en plus, à l'université notamment dans les
licences professionnelles. L'Education nationale a en outre signé des dizaines
de conventions avec des grandes entreprises ou avec des fédérations
professionnelles.

Alors où est le
problème ?

Il est structurel et culturel. Structurel : vous avez cette
concurrence entre les CFA privés et les CFA publics et les lycées
professionnels, concurrence autour des formations en alternance notamment. Ça ne
facilite pas l'information et la communication des élèves et des familles,
notamment au niveau du collège. Culturel aussi : la défiance demeure entre
monde éducatif et monde économique. Le grand débat sur l'école mené voici dix
ans par Claude Thélot, auquel un million de personnes avaient participé, ce
grand débat avait pourtant montré que les français demandaient à l'école de transmettre des
connaissances et de préparer au monde de l'emploi, à part égale, c'était en
quelque sorte fromage et dessert. Mais les représentations ont la vie dure. Et
le contradictions culminent autour du deuxième enjeu de cette journée, " l'esprit
d'entreprise ".

**Justement l'Association
jeunesse et entreprise diffuse aujourd'hui les résultats d'un sondage effectué auprès
de 2.000 lycéens et étudiants. Que dit-il ?

** 73% des jeunes interrogés demandent que l'Ecole développe largement le
goût d'entreprendre et cette demande émane de tous les types d'étudiants.

D'où un certain nombre de propositions. Elles tournent
depuis longtemps et elles imposeraient une véritable révolution pédagogique. La
première : sensibiliser les jeunes à la notion de prise de risque. Pour ça , on le sait, le système de notation qui
consiste à enlever des points à partir d'un idéal – le 10/10 ou le 20/20 auquel
d'ailleurs on n'accède rarement une fois sorti du primaire - ce n'est pas idéal.
Prendre des risques ça veut dire ne pas avoir peur de se tromper, de se faire
casser comme disent les jeunes, surtout publiquement.

Ça renvoie à la valorisation de l'échec...

Oui, et c'est une des
propositions de l'Association. Savoir utiliser l'erreur ou l'échec pour apprendre,
rappeler que des grandes découvertes se sont faites en se trompant, que ce n'est
pas grave. Beaucoup d'enseignants le font mais un peu dans leur coin. Ce n'est
pas la pédagogie dominante. Il y a aussi une éducation des parents à faire.

Autre ressort : valoriser les projets personnels.

Oui. Là aussi on le répète
depuis longtemps. Les choses évoluent mais lentement. C'est comme sur le
travail en équipe. Mais en fait il n'y a guère que les TPE, les travaux
personnels encadrés, au lycée, pour  vraiment
illustrer cette volonté. Pour le reste, généralement, on réussit – ou on échoue
– seul. Il est très rare que le système éducatif renvoie aux enfants et aux
adolescents l'idée qu'une réussite peut tenir à la capacité à coopérer. Une
fois encore ça se fait parfois en classe, par exemple avec des exposés en
groupe, mais c'est rarement pris en compte dans les examens et concours.

Sauf dans le
supérieur...

Oui, et au primaire. Mais beaucoup
plus rarement dans le secondaire. C'est lié à la fois au découpage entre disciplines,
au fait que les programmes n'imposent pas vraiment de travail en commun, c'est
lié aussi aux examens. Il faut vraiment creuser pour trouver quelques épreuves
qui valorisent autre chose que la performance scolaire individuelle – les TPE
on l'a dit, le sport quand on a une note en contrôle continu qui prend en
compte les capacités dans les sports d'équipe. Mais les exemples sont rares.

Les derniers
axes de progrès sont plus classiques...

Oui, l'alternance, mais qui se heurte en ce moment aux
difficultés de l'économie. Et le développement des mini entreprises ou des junior
entreprises. On est là dans des dispositifs qui existent de longue date, dont l'efficacité
est avérée, mais qu'on peine à étendre. Les 27 membres de ce nouveau Conseil
national Education Economie, que
Jean-Marc Ayrault et Vincent Peillon viennent d'installer, ont donc du pain sur
la planche.

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