Moocs en VF : c'est parti !
"Du
manager au leader", par le CNAM,
"Philosophie
et modes de vies" de l'université Paris Ouest , "Espace
mondial" par Sciences po Paris... au total 88.000 personnes seraient
déjà préinscrites pour suivre un des huit Moocs de France Université Numérique.
Une trentaine sont annoncés pour le printemps. On est loin des millions
d'inscrits sur les plateformes américaines comme edX, Coursera ou Udacity, mais
c'est un début – 88.000 étudiants, c'est trois ou quatre fois les effectifs
d'une université française.
Et le ministère d l'Enseignement supérieur y croit, il va
même investir.
Oui. 3 millions sur CréaMOOC, un appel à projets destiné au
financement d'équipement - studios de tournage notamment – ils seront
mutualisés entre plusieurs universités ; Geneviève Fioraso veut une
" fabrique à Mooc ", ce sont ses termes, dans chaque communauté
d'universités. Et 5 millions d'euros seront également dégagés, via un fonds
d'investissement, pour la création de Moocs de formation professionnelle,
c'est-à-dire pour adultes.
L'avenir des Moocs est donc tous publics ?
Probablement. C'est en tout cas ce qu'on
voit aux Etats-Unis. Et ça se vérifie en France. C'est ce qui explique le
succès du cours " Du manager au leader " sur la plateforme FUN. Selon
Philippe Dedieu, directeur du numérique au CNAM, cité par educpros : " Cela intéresse des personnes déjà en entreprise
et qui ont quitté l'université depuis longtemps ou qui n'ont pas eu la chance
d'y aller. Ce thème est emblématique de la situation de
nombreux cadres en France qui se retrouvent en situation de management sans
avoir jamais reçu de formation. " L'Etat a
donc bien l'intention de les utiliser pour faire de la formation pour adultes.
Deux projets ont été annoncés, l'un pour former les enseignants à réaliser des
Moocs, un Mooc sur les Moocs, et un autre pour les enseignants. Il sera
consacré à la culture numérique. " Il est très important,
je cite Geneviève Fioraso, de faire progresser la culture du numérique auprès
des nouveaux enseignants en formation. Nous allons former 300.000 enseignants
sur les dix prochaines années, cela constitue le renouvellement du tiers du
corps enseignant : c'est énorme ".
Ces cours sont gratuits. Comment va-t-on les
financer ? C'est l'Etat qui devra payer ?
Pas forcément. Le Cnam met en place une mécanique qui existe
aux Etats-Unis : le Mooc est gratuit, mais il ne délivre qu'une
certification symbolique ; " pour ceux qui veulent une certification
en bonne et due forme, explique Philippe Dedieu, ils peuvent se retourner vers
le catalogue du CNAM ". Catalogue payant.
Donc c'est un produit d'appel.
Exactement. Une façon de montrer ce que vous êtes capables de
faire, de séduire, de gagner des parts sur un marché de plus en plus
concurrentiel à la fois au niveau national et au niveau international.
Donc ces Moocs ne sont pas conçus pour remplacer les cours
physiques ?
Pas encore du moins en France. Mais la question va se poser de
manière de plus en plus forte, sous la pression des étudiants. " La demande de certification de la part des inscrits est
énorme " indique l'université Paris 2 Panthéon Assas. C'est également le
cas dans les grandes écoles.
Pourquoi ne pas généraliser cette certification ?
Tout le monde va freiner pour diverses
raisons. La première c'est que pour pouvoir certifier massivement, il faut en
partie automatiser le système d'évaluation. Les systèmes existent, automatisés,
humains, hybrides, mais on se heurte là à une réticence culturelle – il va
falloir prouver que ces évaluations sont aussi rigoureuses que les évaluations
classiques. Second obstacle, et il est de taille : un certificat Coursera
coûte aujourd'hui environ 60 euros. Pour 20 cours par an, cela fait donc 1.200
euros. Quand une école coûte 8 ou 10.000 euros elle ca devoir prouver qu'elle
apporte autre chose. C'est un bouleversement du modèle économique : dans l'esprit
des gens, le cœur du modèle de l'enseignement supérieur c'est la délivrance du
savoir. Si ce savoir est démonétisé, il va falloir valoriser les services
offerts aux étudiants, et les formes de transmission du savoir que les Moocs par
définition ne peuvent pas mettre en œuvre, c'est-à-dire tout ce qui peut ne se
faire qu'en présentiel – les TP par exemple. C'est une révolution que la presse
connaît bien : aujourd'hui très peu de personnes sont prêtes à payer pour
avoir de l'information – elle est gratuite, immédiate -, il faut donc donner de
la valeur ajoutée pour faire payer.
Les cours commencent donc aujourd'hui sur la plateforme
France Université Numérique. Ils s'annoncent réussis ?
Pour l'instant on n'a vu que les vidéos
de présentation. En moyenne on est encore loin de l'efficacité américaine, où
les vidéos de présentation sont conçues comme des spots de publicité, très
scénarisés, très courts aussi, rarement plus de 2', où vous ne verrez pas un enseignant quitter la caméra du regard pour
regarder ses notes ou le prompteur... Il y a un côté Hollywwod là où nous en
sommes encore à l'âge du film d'auteur. Et c'est vrai que l'avenir de cette
forme d'enseignement va aussi dépendre de cette capacité à adopter les codes de
l'audiovisuel, à assumer une démarche " commerciale ",
surtout si on veut vendre des certificats aux internautes. Le savoir va rester
au cœur, mais il sera rejint par la capacité à transmettre, par les qualités
pédagogiques. Mais pour l'heure je pense qu'il faut saluer les pionniers, et
retenir comme François Taddei, qui dirige le Centre de recherches
interdisciplinaires, la plate-forme FUN " a pour
principale vertu de mobiliser toujours plus d'acteurs ". C'est là, selon
lui, sa principale innovation. Et ce n'est pas rien.
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