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Les entrepeneurs sociaux sont des acteurs majeurs de l'innovation en éducation

Question d'éducation "spécial innovation" pendant toutes les vacances de la Toussaint. Cette semaine en direct de Doha, au Qatar, où se déroule la 5e édition du Wise, le World Innovation Summit for Education - sommet mondial pour l'innovation en éducation, qui s'achève aujourd'hui jeudi. Emmanuel Davidenkoff est à Doha, au Qatar, où il a  rencontré beaucoup d'entrepreneurs sociaux.  
Article rédigé par Emmanuel Davidenkoff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 15 min
Franceinfo (Franceinfo)

Que ce soit dans des
associations, des ONG, parfois des entreprises, les entrepreneurs sociaux  trouvent des réponses souvent originales aux problèmes d'éducation.

Exemple
avec un fran
ç ais, S é bastien
Marot.

Fondateur de Friends
International
, il est arrivé au Cambodge pour trois jours,
en faisant escale pour le Japon ; il y est depuis 19 ans. Les centres de
formation qu'il a créés, essentiellement en Asie du
sud est, accueillent chaque année 25.000 enfants des rues, au
total ils sont près de 400.000 à y être passés. On y apprend par exemple les métiers de la restauration, de la coiffure, de la mécanique, de la soudure, mais aussi à lire, écrire et compter. À chaque fois les produits ou services sont vendus dans des
boutiques, ce qui finance 50% des dépenses en moyenne, le reste
vient de fondations ou d'organisations internationales.

Une r é ussite
qui ne s'est pas faite en un jour.

Non. Quand Sébastien Marot raconte cette aventure, il commence par faire
la liste de ses erreurs. La première remonte à ces fameux trois jours du début. Il est comme pris à la gorge par l'écart entre les très riches et les très pauvres. Il veut aider ces
enfants des rues. Il commence donc par leur apporter à manger. Puis il découvre qu'il n'est pas le seul
à le faire - " certains faisaient huit repas par jour,
raconte-t-il, autant dire que notre charité avait pour principal effet de
les maintenir dans la dépendance et dans la rue ".
Comment mieux aider ces enfants ? L'un d'entre eux lui dit : " nous avons
besoin d'un endroit où dormir, et d'éducation ". C'est ainsi que mûrit l'idée de ces ateliers-école. Ils connaîtront d'autres péripéties mais sont aujourd'hui
bien rodés.

 

Autre histoire
extraordinaire, celle de l'am
é ricain É ric
Glustrom...

Et là aussi tout commence par un voyage, en Ouganda cette fois,
dans un camp de réfugiés congolais. Éric pose la même question : comment vous aider ? Même réponse : aidez nous à nous éduquer. Il créé donc Educate! et commence à lever des fonds pour offrir
des bourses à ces jeunes réfugiés. Détail qui n'en est pas un : il est à l'époque âgé de 17 ans. C'était il y a 10 ans. Aujourd'hui, Educate! emploie 55
personnes et à développé tout un programme destiné à insuffler l'esprit
d'entreprise aux lycéens ougandais. Dès la première année le programme touche 1.300 jeunes, qui créent 632 entreprises. Alors qu'ils ne sont encore que lycéens, ils gagnent déjà l'équivalent du salaire mensuel
moyen dans le pays. En 2012, le gouvernement a intégré ce programme dans ses cursus
et il a fait des petits en Tanzanie, au Mexique ou encore au Congo. Prochain
horizon : Éric aimerait devenir prophète en son pays et offrir la même approche de
l'entrepreneuriat aux jeunes américains. Il vient donc de
lancer rien moins qu'une université, Watson University, dans sa
ville natale de Boulder, dans le Colorado. 15 étudiants se sont inscrits
cette année mais Éric envisage rien moins que de révolutionner l'université américaine.

Cette question
de la g
é n é ralisation
est strat
é gique. Comment
passe-t-on d'une innovation qui r
é ussit localement
à
un changement g
é n é ral
des syst
è mes ?

C'est ce sur quoi travaille
Annie Duflo d'Innovation for Poverty Actions. L'objet de cet organisme est
d'analyser de manière extrêmement poussée les conditions auxquelles un
dispositif fonctionne. Certaines sont d'une simplicité inattendue. Elle a par exemple découvert que le simple fait de donner des vermifuges aux
enfants accroît le taux de scolarisation.
C'est un geste très naturel dans les pays développés, il l'est beaucoup moins en
Inde ou ou au Kenya où le dispositif a été testé. Et ça marche : si les enfants ne
sont pas malades, eh bien ils viennent à l'école et ces petites pilules sont plus efficaces que de
grandes campagnes de sensibilisation sur l'importance de la scolarité. Autre exemple à Madagascar. On a découvert que les parents sous estimaient l'importance de l'éducation de base, pensant que si un enfant n'avait pas la
capacité d'aller jusqu'au lycée eh bien ça ne valait même pas la peine de l'envoyer à l'école. Là il a suffi de sortir des
statistiques sur le salaire moyen des personnes qui avaient été au bout de l'école primaire par rapport à ceux qui ne l'avaient pas
fait pour que les parents se rendent compte que le retour sur investissement était extrêmement intéressant. Ce sont des actions qui ne coûtent pas cher et dont l'efficacité est, proportionnellement, très élevée.

Tout cela
rentre-t-il dans la cat
é gorie de ces
"innovations frugales" dont vous nous disiez lundi qu'elles
é taient
une tendance importante en ce moment ?

Même si tous ne s'en réclament pas, on peut le dire.
Ce que tous ces entrepreneurs sociaux apportent, par la force des choses, ce
sont des solutions peu onéreuses d'où l'intérêt d'essayer de les étendre, de changer d'échelle. C'est vraiment la question qui occupe tout le
monde. Ce qui est frappant, c'est que rares sont ceux qui prétendent inventer de nouvelles approches pédagogiques. Ils savent que l'impact des dispositifs centrés sur les enfants est énorme et prouvé de longue date. Ils cherchent donc avant tout des façons de passer à l'action.

 

Ces innovations
peuvent-elles nous inspirer en France ?

Pas forcément en tant que telles, notamment parce qu'elles répondent souvent à des problèmes qui n'existent plus que de manière marginale dans un pays développé comme le notre. Mais leur philosophie est extrêmement instructive. Au fond elles promeuvent toutes l'idée que l'innovation sociale est intimement liée à l'innovation scolaire, en
d'autres termes que l'école et les enseignants ne résoudront pas tout tous seuls, qu'il faut être capable de faire travailler ensemble tous les acteurs
qui s'occupent au sens large de l'éducation d'un enfant. Il y a
aussi la conviction que les meilleures intentions du monde ne servent à rien si on n'est pas capable d'écouter les gens, au niveau local.  En somme, peut-être que si on avait confié la réforme des rythmes scolaires à des entrepreneurs sociaux, sa mise en œuvre en eut été beaucoup nettement plus fluide.

 

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