Cet article date de plus d'onze ans.

L'université à la croisée des chemins

Geneviève Fioraso, ministre de l'Enseignement supérieur et de la recherche, fait en effet sa rentrée. À l'heure où l'université française est à la croisée des chemins...
Article rédigé par Emmanuel Davidenkoff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Franceinfo (Franceinfo)

Le script de la chronique :

L'université française est à la croisée des
chemins, et l'université à la française
également. Le premier objectif est d'attirer de nouveau les bacheliers les plus
brillants à l'université.

Actuellement
ils s'en détournent...

C'est en tout cas ce dont se plaignent ouvertement beaucoup d'universitaires. Sauf en médecine ou, dans une certaine
mesure, en droit. Mais les filières sélectives publiques ou privées triomphent.
Filières publiques comme les IEP, les sciences Po de province, mais aussi les
classes préparatoires, les IUT, les BTS, à l'université les bilicences... Filières privées avec la formidable
croissance de ce secteur - il a augmenté ses effectifs de 50% au cours des dix
années écoulées.

D'où la
multiplication de "plans" pour ça favoriser la réussite en licence...

Oui. Valérie Pecresse en avait lancé un.
Geneviève Fioraso poursuit dans cette voie mais avec une nouveauté fondamentale
: sa loi doit faciliter l'orientation des bacs techno en IUT et des bacs pros
en BTS. Ces bacheliers sont en effet ceux qui échouent le plus en premier cycle
universitaire. L'idée est de rationnaliser les flux et des les envoyer dans des
filières où ils ont plus de chances de réussir. L'autre axe est évidemment
d'améliorer l'accueil des nouveaux étudiants en premier cycle. On va donc
essayer de lutter contre cet échec des deux côtés : en dissuadant ceux qui
échouent le plus et en aidant mieux ceux qui viennent à la fac.

Avec également
des aides matérielles

Oui.
Les bourses seront revalorisé de 0,8%. Un nouvel échelon "0 bis" est créé qui
permettra à 52.600 étudiants de plus d'avoir une bourse – 1.000 euros / an.

Introduction aussi d'un 7e échelon pour les étudiants issus des familles
les plus modestes :  15% pour eux,
soit donc 5.500 € par an dès cette année. Autre mesure, 1.000 allocations
individuelles supplémentaires (de 4.000 à 5.000 euros) seront versées à 7.000
étudiants en situation d'autonomie

Des efforts aussi côté logement

Geneviève
Fioraso a promis 40.000 logements supplémentaires en cinq ans, dont la moitié en
Ile-de-France. Dès la rentrée, 8.500 logements seront livrés (4.600
réhabilitations et 3.900 constructions nouvelles). Et l'expérimentation de la
nouvelle caution locative étudiante pour 2.000 jeunes dès cette rentrée.

Vous
disiez que c'est aussi l'université "à la française" qui est à la
croisée des chemins.

Oui car dans il existe désormais un
véritable marché mondial de l'enseignement supérieur avec multiplication des
classements  et nécessité de faire valoir
son excellence au regard de canons internationaux.

Avec par
exemple le fameux classement de Shanghai, dans lequel la France ne brille pas
vraiment...

Oui. On ne brille pas ; ceci dit on
progresse. Et ça a été l'enjeu de décisions prises par Valérie Pecresse et avec
lesquelles Geneviève Fioraso n'a pas rompu, même si sa philosophie est un peu
différente. Le principe, c'est que la plupart de ces classements mettent en
avant les capacités de recherche des universités. Pourquoi ? Parce que le modèle
de l'excellence dominant aux États Unis est celui de l université de recherche

  • ce sont ces univérsites dont on connait tous les noms, Harvard, Yale,
    Stanford ou Berkeley. Or à ce jeu là, l'université à la française est desservie
    par son organisation et notamment par le fait que de larges pans de la
    recherche française  sont abrités par des
    organismes autonomes comme le CNRS Ou le CEA. Qu'à t on fait ? Eh bien de
    manière un peu artificielle mais néanmoins efficace on essaye de regrouper les
    universités pour accroître quantitativement leur visibilité en matière de
    recherche. Par exemple à Aix Marseille, Strasbourg ou Lyon, vous n'avez plus
    comme avant trois ou quatre universités mais une seule entité.

Ca permet
donc de cumuler leurs résultats mais est-ce que ça change quelque chose pour
les étudiants ?

Ça commence, tout doucement, d'autant que
ces fusions se doublent de rapprochements avec les grandes écoles, dans le
cadre des Pres. On voit donc bien l'idée générale : rapprocher université et
recherche pour monter dans les classements internationaux, rapprocher
universités et grandes écoles pour aider les grandes écoles, qui ont moins de
capacite de recherche, à se positionner dans les mêmes classements, mais aussi
pour créer des ponts , pour les étudiants, entre universités et grandes écoles,
et au final refaire de l'université le centre de gravité de l'excellence dans
l'enseignement supérieur.

Puisqu'on
parle de modèle international : l'université "à la Francaise", c'est
aussi la quasi gratuité, et l'absence de sélection... Ça peut tenir ?

Sous un gouvernement de gauche, en principe
oui. Mais pour que le modèle garde de l'attractivité, il faut qu'il prouve
qu'il peut faire aussi bien que les modèles sélectifs et payants. Sachant que
ces modèles pourraient évoluer considérablement dans les années à venir avec le
numérique. On a déjà parlé souvent des Moocs, les cours massifs en ligne. Ils
font baisser le prix de la matière première que délivré l'université, je veux
parler des savoirs. Et certains experts américains prédisent que des dizaines
de facs américaines de qualité moyenne vont fermer dans les 10 ou 20 ans à
venir car plus personne ne sera prêt à débourser des dizaines de milliers de
dollars pour apprendre des choses qu'on trouve gratuitement sur le web. Alors
il y a encore loin de la coupe aux lèvres, il faudra notamment qu on puisse
obtenir l'équivalent des diplômes actuels via ces Moocs, mais à l'évidence les
modèles économiques vont bouger. Genevieve Fioraso en parlera aussi, mais début
octobre - elle doit dévoiler sa stratégie sur le numérique.

Ça peut
être une façon pour l'Etat de dépenser moins ?

Je ne le crois pas. Toute une partie de
l'attractivité des établissements va se jouer, encore plus qu'aujourd'hui, sur
la capacité à bien accueillir, à bien encadrer, à bien coacher , a bien loger,
les étudiants, sur le terrain, tout cela coûte cher en bâtiments, en
équipements, en postes d'enseignants. Malgré les efforts réels de l'Etat ces
dernières années les universités  restent
relativement sous financées, ce qui créé d'ailleurs des tensions parfois vives
dans les établissements, et plusieurs d'entre eux sont en grande difficultés
financières.  Là aussi l'université est à
la croisée des chemins et pas seulement en France : elle doit être valable de
chercher des financements complémentaire car la crise a vidé les caisses des
États. L'argent sera un des nerfs de la guerre des campus.

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