Education : 60.000 postes, une réforme, et pourtant la grève...
Un mécontentement qui
résulte d'une série de facteurs chronologiques, politiques, démographiques, symboliques,
mais avant tout mathématiques. Il y a en France 64.300 établissements
scolaires. C'est-à-dire plus que les 60.000 postes qui doivent être créés sous la mandature. Dès lors que le ministère choisit de concentrer les efforts sur
certains types d'établissements, cela signifie que des milliers d'écoles, de
collège et de lycées ne verront aucune différence.
D'autant plus que
cette année la majorité de ces créations de postes a servi à recréer une
formation pour les enseignants...
Oui. Et ça coûte
très cher puisque que les enseignants en formation n'effectuent qu'un mi-temps.
Donc même si vous " gagnez " un poste de ce genre, eh bien ça n'ajoute
même pas un poste complet à votre établissement. D'où le sentiment, tout à fait
réel sur le terrain, que rien ne change.
Voilà pour le
facteur mathématique. Passons au facteur chronologique.
Le début de l'année
est la période où les établissements sont informés des moyens qui leur seront
attribués à la rentrée suivante. C'est donc traditionnellement une période de
haute tension, raison pour laquelle les mouvements de protestation liés aux
moyens naissent souvent en hiver pour s'épanouir au printemps. Mais cette année
le chronologique rencontre le politique avec la proximité des élections
municipales. Ainsi les querelles qui secouent la gauche dans le département de
la Seine-Saint-Denis ont à l'évidence un impact sur l'effervescence qui règne
dans les établissements.
Beaucoup de ces
établissements sont dans l'éducation prioritaire... Ils n'ont pas d'autres
raisons de se mobiliser ?
Si. La réforme qui
a été annoncée par Vincent Peillon fait le choix de cibler les moyens nouveaux
sur certains collèges pour éviter l'un des grands maux de l'éducation prioritaire qui est le
saupoudrage des moyens. La philosophie de départ était de " donner plus à
ceux qui ont moins ", à l'arrivée on donne à peine plus à ceux qui ont
beaucoup moins. C'est avec cette logique que veut rompre la réforme. Mais le
résultat, eh bien c'est forcément la déception de ceux qui n'ont pas été
retenus.
Dans un contexte,
vous l'avez mentionné, de pression démographique...
Oui, c'est un des
autres facteurs de mécontentement notamment en Seine Saint-Denis. Le département
s'apprête à encaisser une augmentation de 11.000 élèves supplémentaires, c'est
équivalent de la taille d'une ville comme Orthez. 6.000 d'entre eux dans le secondaire,
c'est l'équivalent de trois gros lycées ou de 10 collèges – c'est considérable.
Une partie des moyens supplémentaires sera consacrée à l'absorption de cette
augmentation. Ajoutez à cela la création de 6 nouveaux collèges, ce qui amène
un redécoupage de la carte scolaire qui va toucher une quarantaine de collèges...
Sans parler du caractère très imprévisible des mouvements de population dans ce
département.
Il y a en enfin les
facteurs symboliques...
Oui. Ils sont bien
exprimés dans la formulation de ce communiqué du Snes du Val de Marne : "Le discours ambitieux de
Vincent Peillon avait suscité des espoirs dans la profession. La douche est
glacée pour les enseignants qui travaillent dans les quartiers les plus touchés
par la crise. Même tonalité dans la lettre de Stéphane Troussel, le président
du conseil général de Seine Saint Denis qui dénonce lui le manque de
remplaçants dans les écoles primaires : " La situation dégradée à laquelle nous devons
faire face n'est pas acceptable, écrit-il, et elle met à mal la continuité du
service public d'éducation. Les absences de courte durée ne sont plus
remplacées et celles de longue durée le sont de moins en moins. ". " Votre
projet d'éducation prioritaire propose 100 collèges (REP+) spécifiquement dotés
car particulièrement touchés par des difficultés sociales et scolaires ",
disent de leur côté les enseignants du lycée Maupassant de Colombes, cités par
le café pédagogique. " Mais cela ne peut raisonnablement se faire en
déshabillant d'autres établissements qui concentrent eux-aussi d'importantes
difficultés ".
Quelle issue
peut-on imaginer à ces mouvements de protestation ?
Les conditions d'un
grand mouvement ne semblent pas réunies, car si les moyens semblent mal
répartis aux enseignants, il n'en demeure pas moins qu'ils sont réels et
considérables. Le syndicat SE-Unsa plaide pour plus de pédagogie, plus d'explication
des choix au niveau local : " Il serait pour le moins paradoxal dit-il
qu'un plan national ambitieux vire localement à la déroute par défaut de
concertation et de communication ". En somme pour contrer les chronologiques,
politiques, démographiques, symboliques, et mathématiques, il plaide pour une
réponse pédagogique.
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