Collège : l'Inspection générale plaide pour une révolution copernicienne
Rapport intitulé "Le
traitement de la grande difficulté au cours de la scolarité obligatoire".
Il conclut à la nécessité d'une profonde réforme.
Le
collège n'est pourtant pas son premier objet.
Non. Il s'intéresse effectivement
aux 20% d'élèves qui n'ont "pas acquis les compétences nécessaires " pour
affronter les défis de la vie adulte au terme de la scolarité
obligatoire, mais aussi, plus largement, à tous ceux qui sont à un moment ou à
un autre en grande difficulté.
Comme
se définit-elle ?
Difficilement ! "Il n'y a pas un " élève-type ", un
profil de l'élève en grande difficulté" écrivent les inspecteurs. Ils
s'insurgent contre le raccourci qui consiste à les enfermer dans le triptyque
enfant issu de catégorie sociale défavorisée + maîtrisant mal la langue +
présentant des difficultés de comportement.
On retrouve ces trois ingrédients
chez la majorité de ces élèves, mais à des "dosages" et dans des
articulations très différents, et en outre certains élèves en grande difficulté
ne présentent aucune de des caractéristique. "De même, ajoutent les auteurs, ils peuvent être reconnus " handicapés " ou ne pas l'être, être porteurs
de troubles du langage ou n'en pas porter, devenir des " décrocheurs " ou
poursuivre une scolarité pénible mais sans rupture jusqu'à 18 ou 20 ans. Ils
n'ont en commun que l'échec d'une étape de leur parcours".
Et
le fait qu'on a beaucoup de mal à les aider...
Oui. Notamment au collège, car si
la grande difficulté s'installe souvent dès la maternelle, le collège en
général et la classe de quatrième en particulier, se révèlent souvent fatale à ces
élèves qui exigent une attention très individualisée.
Que
proposent les auteurs de ce rapport ?
En fait, le rapport est à double
détente. Premier étage : il préconise toute une série d'améliorations du
système existants qui sont d'ailleurs sur la table depuis longtemps voire qui
ont déjà été testés. Renforcer encore l'individualisation du suivi à
l'intérieur des établissements, réserver un temps d'accompagnement quotidien à
ces élèves, former les enseignants, travailler fortement le lien avec les
parents, donner plus de liberté d'organisation aux établissements, notamment
dans l'agencement des emplois du temps, pour que chacun puisse adapter ses
réponses aux besoins de ses élèves... Cette part variable doit, selon eux, être
au minimum de 20 à 30% des horaires. Faute de quoi, écrivent-ils, "Quelles
que soient la bonne volonté des professeurs et leur capacité à organiser la
classe de manière différenciée, les besoins des élèves les plus en difficulté
ne peuvent trouver réponse seulement à travers un emploi du temps hebdomadaire
fixe et commun à tous, établi en fonction de programmes annuels avec pour
principale variable une offre optionnelle essentiellement limitée aux langues.
Aucun parcours personnalisé ne peut être établi dans ce cadre" .
Et
cela suffirait ?
Probablement pas... C'est ce que
laisse entendre une seconde lecture possible du rapport, qui laisse affleurer
la conviction profonde des auteurs : le collège tel qu'il est aujourd'hui conçu
n'y arrivera pas. "La réduction de la grande difficulté passe
inévitablement par un changement profond de l'organisation et du
fonctionnement du collège". Ils suggèrent une révolution copernicienne :
adapter le collège aux élèves en difficulté, au lieu de continuer à tenter
d'adapter les élèves, en difficulté ou pas, à l'organisation du collège.
Et
la formation des enseignants... On y revient souvent... Est-elle adaptée ?
Non. Elle n'est pas mobilisée sur
cette question "ou seulement à partir de situations spécifiques telles que le
handicap". En fait on prévoyait des modules à la fois brefs et pointus,
intitulés "diversité" ou besoins éducatifs particuliers", et on les prévoyait
après la prise de fonction pendant les premières années d'enseignement. C'est
un peu la situation tout à fait ubuesque qu'ont connu des dizaines de milliers
d'anciens des IUFM, à qui on donnait le cours intitulé "Réussir sa première
classe" après la rentrée – ça ne servait plus à grand-chose, et au passage, ça
alimentait la défiance vis-à-vis de la formation.
Pourquoi
une telle aberration ?
Elle renvoie selon les auteurs du
rapport au substrat idéologique, presque inconscient, de l'Education nationale
: vous avez l'idée qu'il faut d'abord s'occuper des grandes masses, de la
norme, et que tout ce qui relève de l'exception vient après – raison pour
laquelle, dans un tout autre registre, le système traditionnel est également
peu adapté aux élèves précoces. C'est
cette logique qu'il conviendrait de renverser selon les Inspecteurs, "Il n'y
aura pas de prévention ni de réponse adaptée aux situations de grande
difficulté, si la formation ne prend pas en compte dans son fondement que
l'enseignant aura à gérer dès sa première leçon des élèves présentant une
hétérogénéité forte et sans doute des situations de grande difficulté"
Un
changement radical...
Oui, "s'appuyer sur les principes
de l'école inclusive, désormais inscrite dans la loi pour passer d'une logique
de traitement des difficultés, donc des écarts à la norme, à une logique
beaucoup plus préventive de réponse aux besoins éducatifs particuliers" . C'est
le genre de changement à peu près impossible à tenter sans une légitimité
politique et démocratique extrêmement forte, or comme il n'a jamais été
question de cela dans le programme de François Hollande et qu'en outre la
présidentielle est bien loin, on voit mal comment une telle réforme pourrait
être lancée aujourd'hui. On va donc probablement continuer à essayer de faire
tourner rond une roue carrée au lieu d'essayer d'inventer la roue.
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