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Bizutage, l'éternel retour

Avec la rentrée s'ouvre la saison du bizutage. Il est interdit, mais il perdure. Cette année encore, le Comité de lutte contre le bizutage va donc informer et alerter.
Article rédigé par Emmanuel Davidenkoff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
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Pour en savoir plus :

Le texte de la chronique :

Le Comité national contre le bizutage lance demain une nouvelle campagne de sensibilisation. 70.000
flyers qui seront diffusés par les mutuelles étudiantes – ils seront dévoilés
demain par le Comité national contre le bizutage, qui rendra publiques par la même
occasion les enquêtes réalisées sur le sujet par les deux grandes fédérations
de parents d'élèves, la PEEP et la FCPE. Et le soutien, comme chaque année, du
ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche, qui va rappeler aux
responsables d'établissements que le bizutage, c'est interdit.

 

Interdit...
en toutes circonstances ?

Le code pénal est clair : "le fait pour
une personne d'amener autrui, contre son gré ou non, à subir ou à commettre des
actes humiliants ou dégradants lors de manifestations ou de réunions liées aux
milieux scolaire et socio-éducatif est puni de six mois d'emprisonnement
et de 7500 euros d'amende."

Donc ce ne sont pas seulement les actes humiliants ou
dégradants qui sont prohibés, ça, il l'étaient en dehors du contexte du
bizutage. Ce qui compte dans cet article de loi, c'est que l'interdiction intègre
le fait qu'on puisse subir le bizutage volontairement – "le fait pour une
personne d'amener autrui, contre son gré ou non"

Et c'est
cette précision qui est centrale.

Oui. Le comité contre le bizutage va le rappeler
demain : si le bizutage persiste, c'est parce qu'il y a une pression
sociale au sein des établissements , aussi bien d'ailleurs pour faire partie
des bizuteurs que pour accepter d'être bizuté. Les étudiants, quand vous les
interrogez, ne comprennent d'ailleurs pas toujours que le bizutage soit
interdit ; ils vous disent "mais j'étais volontaire". Et bien
volontaire ou non, vous n'avez pas le droit de subir des actes dégradants ou
humiliants. La loi en quelque sorte protège votre dignité y compris contre
vous-même.

Cette pression
sociale, elle fait aussi peser une loi du silence sur le sujet...

Oui. On vous fait comprendre qu'en cas de refus vous
serez mis au ban de la vie étudiante, et plus encore évidemment si vous dénoncez
les faits à l'extérieur. Et de fait, cela arrive encore.

Résultat,
très peu de plaintes.

Oui. Le CNCB n'en a reçu que 31 l'an passé, et il n'y
a que six affaires qui ont abouti devant les tribunaux.

Des
chiffres très faibles... Ils pourraient signifier que le bizutage est en recul...

Il l'est. D'abord il a été rebaptisé, on parle généralement
de Week end d'intégration, WEI, mais les étudiants prononcent " Why ".
Les épreuves sont censées ne pas être dégradantes. Faites un tour sur YouTube
et tapez bizutage ou WEI, et vous jugerez. Je l'ai fait hier. Exemple en Médecine
à Toulouse en 2012, les jeunes filles devaient enfiler des préservatifs sur des
bananes que les jeunes hommes tenaient en lieu et place de leur sexe, puis miss
chaudière était désignée par acclamation parmi les lauréates – tout cela il
faut le préciser dans la joie et la bonne humeur, au nom de la légendaire
tradition paillarde des carabins comme on nomme les étudiants en médecine. 2012
toujours, Staps, ce sont les sportifs, à la fac de Poitiers, vous verrez un
reportage de France 3 montrant des jeunes gens parfois entièrement nus, la tête
plongée dans des bassines contenant des mixtures pestilentielles, là ils ont
l'air moins heureux mais tous grands gaillards, pourtant en pleine forme – ils
sont étudiants en sport – ne semblent pas se rebeller. Arts et métiers 2009
vous verrez entre autres des jeunes gens torse nus à quatre pattes sur un air
de rap – je précise qu'aux Arts et métiers on réfute le terme bizutage pour
parler de "traditions". Bien d'autres exemples à voir en ligne.

Tout cela
semble bel et bien dégradant vu de l'extérieur, mais ça ne l'est pas forcément
de l'intérieur ?

C'est le grand argument des défenseurs du bizutage,
et ils sont nombreux dans certaines filières où il fait partie d'une tradition
associée au folklore étudiant.

Justement,
quelles filières sont les plus concernées ?

Toujours les mêmes. De ce point de vue les
signalements reçus en 2012 par le Comité national contre le bizutage reflètent
les principaux bastions de ces pratiques : fac de médecine et de sport,
classes préparatoires, grandes écoles de commerce et d'ingénieurs, formations
militaires...  Le bizutage ne concerne que
des filières sélectives, parfois hautement, et des  filières préparant à des métiers ou la
soumission à l'autorité sera très forte – les deux se combinant parfois. Mais
ce sont aussi des filières où il règne un esprit de corps important, dont
certains pensent qu'il commence à se construire par le bizutage.

Pourtant le
bizutage recule nous dites-vous.

Oui. La pression du ministère, des mutuelles, des
associations, tout cela pèse. Mais on assiste à un déplacement avec par exemple
des épreuves organisées pour intégrer certaines associations, en dehors de la période
de rentrée. Et puis, tout simplement, au fil de l'année, lors des soirées étudiantes.
Toutes les écoles qui connaissent une vie sociale dense, qu'elles l'avouent ou
non, sont confrontées à des problèmes liés à la consommation excessive d'alcool,
l'alcool qui est également présent dans bien des cas de dérapages lors des Week-ends d'intégration.

Je suis
victime ou témoin d'un bizutage, un geste qui sauve ?

Refuser. Ça
a l'air idiot mais dans bien des cas cela suffit. On peut aussi évidemment
contacter le comité national contre le bizutage

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