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Améliorer l'architecture pour favoriser les apprentissages ?

Y a-t-il un lien entre architecture scolaire et réussite des élèves ? C'est la question qui parcourt le dernier numéro de la revue internationale d'éducation...
Article rédigé par Emmanuel Davidenkoff
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 15 min
Franceinfo (Franceinfo)

Revue
publiée par le CIEP, qui vient de paraître
. Elle ne permet pas de trancher pour
une raison toute simple : la notion de réussite varie dans le temps et
dans l'espace, or, selon la revue, " la définition de l'espace scolaire
dépend étroitement de la conception qu'une société se fait de l'éducation et de
la pédagogie ".

Y a-t-il une conception dominante ?

Oui.
Elle est traditionnelle. Elle se caractérise essentiellement par le découpage
entre espace d'enseignement et espaces communs. 4 murs, 65 mètres carrés, une trentaine de sièges, c'est pour la classe. Le
geste architectural, on le trouve ailleurs, dans les halls, les cafeteria, les
cours de récréation...

Faire beau, c'est important ?

Pas
forcément. Luca Paltrinieri, un des coordinateurs de la revue, pointe un paradoxe
: " On s'aperçoit que plus l'espace sco­laire est beau et moins les usa­gers
ont ten­dance à se l'approprier. "  En fait, " Le geste esthé­tique ne
doit pas l'emporter sur la fonc­tion­na­lité des bâti­ments ". En outre la transparence
totale peut être oppressante pour les élèves ; c'est comme dans les open
sapces dans les bureaux : vivre en permanence sous le regard des autres, c'est une forme de contrôle, qui n'est pas moins pesante. La transpa­rence
totale, si elle " favo­rise le besoin d'interaction sociale des ado­les­cents,
en main­te­nant les contacts visuels ", a donc elle aussi ses limites. " La
transpa­rence totale n'est pas syno­nyme de liberté et de démo­cra­tie ", dit
Luca Paltrinieri, " le risque est de créer une société où tout le monde sur­veille
tout le monde. Reste que selon les auteurs de la revue les espaces bien pensés
"  apportent des réponses aux pro­blèmes de vio­lence, en favori­sant le
vivre ensemble ".

Quand on voit des architectures différentes, c'est qu'on a affaire à des
pédagogies différentes.

Oui. On peut penser par exemple aux écoles à aires
ouvertes – St Merri, à côté de Beaubourg, à Paris, est dans ce cas. Pas de murs
entre les classes. Ça facilite la circulation, paradoxalement ça impose le
calme – si tout le monde se met à crier, on ne s'entend plus – mais c'est avant
tout fondé sur une approche pédagogique singulière. Et puis vous avez l'expérience
de Reggio Emilia en Italie, pour les tous petits... C'est une expérience lancée
en  1963, qui dure encore et qui est
chaque année visitée par des acteurs de l'éducation du monde entier. Cette
approche est basée sur des principes comme la démocratie et le droit des enfants,
qui passent par l'écoute, le dialogue et la participation (les familles, mais
aussi les citoyens qui le souhaitent, font partie intégrante de la vie à
l'école) – je cite ici  la description qu'en
donnait la chercheuse Emilie Dubois en 2010 : " À l'entrée de
l'école, on trouve toujours une multitude de panneaux destinés aux parents, aux
visiteurs, aux enfants. Ce sont des panneaux d'information où les événements
importants et les projets de l'établissement sont affichés. Les salles de
classe sont subdivisées en deux zones contiguës : la salle de cours et le
mini-atelier. On y trouve aussi une salle de musique, une salle pour les
archives, une grande cuisine ouverte, une cantine elle aussi ouverte, des
petites bibliothèques, un atelier "

Qu'est-ce qui limite l'innovation en France ?

Beaucoup
de choses ; D'abord la façon dont l'école s'est structurée, son côté
sanctuaire, fermé, et la domination d'une pédagogie frontale où on n'apprend
pas les uns des autres mais du maître. D'où le rapport à la classe, généralement
fermée..

Idéal, ce serait de moduler...

Oui ;
et c'est ce qu'on voit désormais dans le supérieur avec le modèle de la D School de
Stanford : tout est mobile donc l'espace s'adapte aux besoins. On peut
faire des grandes salles de 100 personnes ou des mini ateliers pour 4. En
Australie, un coup de pro­jec­teur est donné sur quatre établis­se­ments secon­daires
qui ont opté pour des choix de confi­gu­ra­tion auda­cieux : les espaces
d'apprentissage s'ouvrent, le mobi­lier est monté sur rou­lettes, les cloi­sons
sont mobiles pour per­mettre davan­tage de flexi­bi­lité, des " quar­tiers "
d'apprentissage sont créés et les TICE sont acces­sibles en tout lieu et à tout
moment...

Le problème c'est d'anticiper...

Oui,
on construit pour longtemps. C'est ce que rappelle le proviseur Philippe
Tournier, " on construit tou­jours pour une période qui excède le temps de
nos croyances pédagogiques "

A l'arrivée, a-t-on des espaces adaptés ?

"
Il ne s'agit pas de dire que les espaces sco­laires sont inadap­tés en France
", explique Maurice Mazalto, l'autre coordinateur du dossier : " les lois
de décentralisation et le trans­fert des res­pon­sa­bi­li­tés aux col­lec­ti­vi­tés
ter­ri­to­riales ont per­mis de faire émer­ger des archi­tectes régio­naux plus
proches de leur envi­ron­ne­ment et plus investis dans les pro­jets
d'établissements sco­laires. " Il rappelle aussi que "  Les collectivi­tés
ter­ri­to­riales ont repris en main un patrimoine en déshérence. ". Mais à l'évidence
Nos établissements sont encore majoritairement conçus comme des lieux où l'enseignement
est central et pas l'apprentissage. En tout cas dans le scolaire, qui serait
bien inspiré de regarder du côté du supérieur où les learning labs se
multiplient, des espaces modulaires, coopératifs , qui permettent aussi bien le
cours magistral – car il a toujours ses vertus – que le travail en petit
groupe, des espaces aussi qui font une large place aux technologies de l'information
et de la communication.

 

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