Améliorer l'architecture pour favoriser les apprentissages ?
Revue
publiée par le CIEP, qui vient de paraître. Elle ne permet pas de trancher pour
une raison toute simple : la notion de réussite varie dans le temps et
dans l'espace, or, selon la revue, " la définition de l'espace scolaire
dépend étroitement de la conception qu'une société se fait de l'éducation et de
la pédagogie ".
Y a-t-il une conception dominante ?
Oui.
Elle est traditionnelle. Elle se caractérise essentiellement par le découpage
entre espace d'enseignement et espaces communs. 4 murs, 65 mètres carrés, une trentaine de sièges, c'est pour la classe. Le
geste architectural, on le trouve ailleurs, dans les halls, les cafeteria, les
cours de récréation...
Faire beau, c'est important ?
Pas
forcément. Luca Paltrinieri, un des coordinateurs de la revue, pointe un paradoxe
: " On s'aperçoit que plus l'espace scolaire est beau et moins les usagers
ont tendance à se l'approprier. " En fait, " Le geste esthétique ne
doit pas l'emporter sur la fonctionnalité des bâtiments ". En outre la transparence
totale peut être oppressante pour les élèves ; c'est comme dans les open
sapces dans les bureaux : vivre en permanence sous le regard des autres, c'est une forme de contrôle, qui n'est pas moins pesante. La transparence
totale, si elle " favorise le besoin d'interaction sociale des adolescents,
en maintenant les contacts visuels ", a donc elle aussi ses limites. " La
transparence totale n'est pas synonyme de liberté et de démocratie ", dit
Luca Paltrinieri, " le risque est de créer une société où tout le monde surveille
tout le monde. Reste que selon les auteurs de la revue les espaces bien pensés
" apportent des réponses aux problèmes de violence, en favorisant le
vivre ensemble ".
Quand on voit des architectures différentes, c'est qu'on a affaire à des
pédagogies différentes.
Oui. On peut penser par exemple aux écoles à aires
ouvertes – St Merri, à côté de Beaubourg, à Paris, est dans ce cas. Pas de murs
entre les classes. Ça facilite la circulation, paradoxalement ça impose le
calme – si tout le monde se met à crier, on ne s'entend plus – mais c'est avant
tout fondé sur une approche pédagogique singulière. Et puis vous avez l'expérience
de Reggio Emilia en Italie, pour les tous petits... C'est une expérience lancée
en 1963, qui dure encore et qui est
chaque année visitée par des acteurs de l'éducation du monde entier. Cette
approche est basée sur des principes comme la démocratie et le droit des enfants,
qui passent par l'écoute, le dialogue et la participation (les familles, mais
aussi les citoyens qui le souhaitent, font partie intégrante de la vie à
l'école) – je cite ici la description qu'en
donnait la chercheuse Emilie Dubois en 2010 : " À l'entrée de
l'école, on trouve toujours une multitude de panneaux destinés aux parents, aux
visiteurs, aux enfants. Ce sont des panneaux d'information où les événements
importants et les projets de l'établissement sont affichés. Les salles de
classe sont subdivisées en deux zones contiguës : la salle de cours et le
mini-atelier. On y trouve aussi une salle de musique, une salle pour les
archives, une grande cuisine ouverte, une cantine elle aussi ouverte, des
petites bibliothèques, un atelier "
Qu'est-ce qui limite l'innovation en France ?
Beaucoup
de choses ; D'abord la façon dont l'école s'est structurée, son côté
sanctuaire, fermé, et la domination d'une pédagogie frontale où on n'apprend
pas les uns des autres mais du maître. D'où le rapport à la classe, généralement
fermée..
Idéal, ce serait de moduler...
Oui ;
et c'est ce qu'on voit désormais dans le supérieur avec le modèle de la D School de
Stanford : tout est mobile donc l'espace s'adapte aux besoins. On peut
faire des grandes salles de 100 personnes ou des mini ateliers pour 4. En
Australie, un coup de projecteur est donné sur quatre établissements secondaires
qui ont opté pour des choix de configuration audacieux : les espaces
d'apprentissage s'ouvrent, le mobilier est monté sur roulettes, les cloisons
sont mobiles pour permettre davantage de flexibilité, des " quartiers "
d'apprentissage sont créés et les TICE sont accessibles en tout lieu et à tout
moment...
Le problème c'est d'anticiper...
Oui,
on construit pour longtemps. C'est ce que rappelle le proviseur Philippe
Tournier, " on construit toujours pour une période qui excède le temps de
nos croyances pédagogiques "
A l'arrivée, a-t-on des espaces adaptés ?
"
Il ne s'agit pas de dire que les espaces scolaires sont inadaptés en France
", explique Maurice Mazalto, l'autre coordinateur du dossier : " les lois
de décentralisation et le transfert des responsabilités aux collectivités
territoriales ont permis de faire émerger des architectes régionaux plus
proches de leur environnement et plus investis dans les projets
d'établissements scolaires. " Il rappelle aussi que " Les collectivités
territoriales ont repris en main un patrimoine en déshérence. ". Mais à l'évidence
Nos établissements sont encore majoritairement conçus comme des lieux où l'enseignement
est central et pas l'apprentissage. En tout cas dans le scolaire, qui serait
bien inspiré de regarder du côté du supérieur où les learning labs se
multiplient, des espaces modulaires, coopératifs , qui permettent aussi bien le
cours magistral – car il a toujours ses vertus – que le travail en petit
groupe, des espaces aussi qui font une large place aux technologies de l'information
et de la communication.
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