Profession : reporter. Israël-Palestine, sous un ciel de missiles
C'est une évidence, rien ne vaut la réalité du terrain. Elle nourrit l'expertise. Le conflit israélo-palestinien, on peut en débattre sur les plateaux parisiens, mais le vivre entre Jérusalem et Gaza dans la peau du reporter, annihile toutes les certitudes déclamées. Entretien avec Frédéric Métezeau, correspondant permanent de Radio France à Jérusalem.
"Tout ce qui est dit avec aplomb sur les plateaux télés et radios partout dans le monde vole en éclats à Jérusalem". Frédéric Métezeau le sait bien. Lui qui suivait le conflit israélo-palestinien depuis Paris, ce conflit qu'il découvre aux fenêtres de sa maison à Jérusalem. Idéologies et militantismes s'entendent de loin dans le fracas des bombes, dans la douleur des victimes, avec l'odeur de la mort qui frappe des enfants innocents, et dans la peur d'une sonnerie d'alerte. Les logiques binaires, jamais bonnes à entendre, ne peuvent exprimer la réalité du conflit israélo-palestinien.
Virulence des réseaux sociaux
Alors qu'envoyés spéciaux et correspondants font tout pour qu'émergent les nuances dans leurs reportages, ils doivent subir la virulence des réseaux sociaux qui aimeraient les enfermer dans un camp, et prévenir tout travail de réflexion. Depuis que le conflit existe, c'est devenu caricatural, le même journaliste peut être taxé de positions pro-israéliennes et pro-palestiniennes à la fois.
Sur un théâtre de guerre, la propagande militaire fait partie de l'arsenal. Dans les territoires, l'agresseur, c'est toujours l'autre. Et c'est la logique des représailles qui l'emporte. Le journaliste n'oublie pas que le fait est la valeur cardinale du métier. Et que les tentatives d'instrumentalisation ne visent qu'à désinformer ou discréditer. C'est tellement plus simple de réduire le journaliste à une expression partisane qui va amoindrir le propos et la force de son reportage.
Essayer de comprendre sans perdre la concentration
Le reporter doit donc se défaire de ce bruit ambiant qui ne vise qu'à l'amener à se justifier, à le déstabiliser, à détourner son attention pour l'entraîner sur le terrain d'une polémique idéologique. Le reporter ne doit pas perdre la concentration dans l'exploration des nuances et dans le recueil des paroles, qu'elles soient israéliennes ou palestiniennes.
Dans ce climat passionné, où souffler sur les braises est devenu un réflexe, le reporter doit passer l'écran de fumée qui s'échappe des ruines pour comprendre la globalité et la restituer. Si toutefois il y a quelque chose à comprendre, ce n'est pas toujours évident quand la violence n'obéit qu'à la haine ou la vengeance.
Les ingrédients d'un climat explosif
Fréderic Métezeau nous parle donc d'un conflit qu'il connaît bien par ses lectures dans les journaux, des débats radio qu'll animait à Paris, et qu'il découvre par l'odeur, le son et des images qui ne sont plus sur écran, mais dans ses yeux.
Avec les sirènes, alors qu'il est en reportage dans la Vieille Ville et que sa famille est à la maison, par la surprise de voir un ciel scintiller de missiles quand l'atmosphère était à la joie du déconfinement. Et pourtant, comment être surpris alors que le Hamas s'organisait, que l'extrême droite israélienne scandait "Mort aux arabes", et que la solution des deux États restait au stade de l'intention.
Sans trop y réfléchir, sur place, on voyait bien que tous les ingrédients d'un climat explosif étaient réunis, jusque dans le quotidien de Sheikh Jarrah, quartier de Jérusalem-Est, point de crispation de voisins irréconciliables.
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