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En Afghanistan, les femmes et les enfants après

Thibault Lefèvre, grand reporter de France Inter rentre d'Afghanistan. Son reportage ausculte une société sous régime taliban. 

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Sur les 15 millions de femmes que compte l'Afghanistan, 11 millions vivent en milieu rural dans des zones reculées.  (JAVED TANVEER / AFP)

"Dis maman, j'ai 6 ans, et je ne veux pas me marier avec le Monsieur, même s'il vous donne beaucoup d'argent". Sous régime taliban, on questionne évidemment le droit des femmes mais aussi celui des enfants tout aussi préoccupant et encore plus criant au lendemain de Noël. Thibault Lefèvre, grand reporter de France Inter rentre d'Afghanistan. 

Quand il arrive à Kaboul, il est surtout frappé par la misère, un niveau de pauvreté qui pousse à une mendicité récurrente, presque agressive. Dans les rues de la capitale ou même à Kandahar et dans les provinces reculées, c’est le même constat, les enfants tendent la main et cherchent à se nourrir. Les boulots saisonniers n’existent plus et une sécheresse exceptionnelle a craquelé la terre qui n’a rien produit. Aucun revenu pour les pères de famille qui espéraient ramasser quelques pièces en travaillant dans les champs.

Alors une des principales sources de revenu qui s’impose est la dot. Dans cette société patriarcale et dans la tradition pachtoune, c’est une coutume. Qui est dénoncée, mais qui n’est pas inhérente à la charia. Taliban ou pas, la jeune fille est promise à un homme dès son adolescence.

Des jeunes filles qui grandissent sans être éduquées et des femmes qui ne peuvent plus circuler seule dans la rue sous gouvernance talibane. Un vrai problème pour des femmes qui avaient obtenu le divorce à Kaboul ces dernières années et qui doivent se débrouiller sans hommes. Le droit des femmes et des enfants est donc piétiné.

Il reste aux femmes la poésie. Le "landai" une forme à deux vers, facile à mémoriser et véhiculer par la voix. On le récite, on l'apprend, on le répète. Il doit être accrocheur. C'est la langue du cœur et des tripes. Sans artifice et au péril de leurs vies.

Taliban, tu m'interdis d'aller à l'école. Je ne deviendrai jamais médecin. Pense à une chose : un jour, tu tomberas malade.  

Sur les 15 millions de femmes que compte l'Afghanistan, 11 millions vivent en milieu rural dans des zones reculées. Et 700 000 d'entre elles, soit à peu près 5% de la population féminine ont atteint ces dernières années un niveau d'études similaire au bac. Donc, ce "landai", elles l’utilisent un peu comme un rap qui exprime une série de frustrations impossibles à contenir. Obligées de se marier jeune à un homme, souvent un plus vieux dont elles ne veulent pas, ces femmes extériorisent ainsi leur refus.


"Faire l'amour à un vieillard, c'est comme baiser avec une tige de maïs flasque noircie par la moisissure"

Zarmima est une figure martyre. Elle téléphonait pour réciter des "landai" à ses amies. Mais un jour, ses parents l'ont surprise en train de réciter un quatrain d'amour. Ils n'ont pas supporté ce qui s'apparentait à un crime adultérin. Ils l'ont battue et enfermée. Elle s'est immolée par le feu. Ce qui s'exprime dans ces poèmes, c'est préférer la mort à la vie qu'elles doivent mener.

"Je suis comme une tulipe dans le désert. Je meurs avant de m'ouvrir. Et la brise du désert éparpille mes pétales".

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