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Planète Sport. Quand Erdogan sème la discorde dans les rangs de la Mannschaft

En 2018, l’équipe nationale allemande de football se retrouve dans la tourmente lorsque deux de ses joueurs d’origine turque apparaissent publiquement aux côtés du président Erdogan, en pleine période de tension politique entre l’Allemagne et la Turquie. Retour sur un épisode qui a mis à l’épreuve le modèle multi-culturel de la Mannschaft.

Article rédigé par Cyril Sauvageot
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Mesut Özil et le président Erdogan posant ensemble, le 13 mai 2018, à Londres. (AFP PHOTO / TURKISH PRESIDENTIAL PRESS OFFICE / KAYHAN OZER)

Au printemps 2018, la Mannschaft s’apprête à remettre en jeu son titre de championne du monde de foot. À quelques semaines du Mondial, une photo prise à Londres dans les vestiaires d’Arsenal, va enflammer les réseaux sociaux et plonger l’Allemagne dans la tourmente. On y voit deux stars d’origine turque de l’équipe nationale, Mesut Özil et Ilkay Gündogan, poser tout sourire en compagnie du dirigeant de la Turquie Recep Tayip ErdoganAu plus fort des tensions diplomatiques entre Berlin et Ankara, la mise en scène passe très mal en Allemagne et suscite une avalanche de réactions politiques.

Les deux joueurs se défendent et assument : cette entrevue était "purement amicale". Une ligne de défense qui ne convainc pas Hans Stark, chercheur à l’Institut Français des Relations Internationales. "Les joueurs ont peut-être affirmé qu’il n’y avait rien de politique dans cette rencontre, mais tout ce que fait Erdogan est toujours politique, indique le chercheur. Il s’adresse régulièrement à la population turque d’Allemagne, à qui il nie le fait d’être Allemands et de vouloir s’intégrer, en insistant sur le fait qu’ils sont Turcs."

Erdogan importe en Allemagne les oppositions qui existent, entre Turcs et Kurdes par exemple, ou bien tout simplement des différences politiques entre Turcs sur le sol allemand.

Hans Stark

à franceinfo

Le sujet est sensible en Allemagne où vit la plus forte communauté turque d’Europe, divisée entre pro et anti-Erdogan. Face à la pression politique et médiatique, Gündogan affirmera bientôt regretter d’avoir pris cette photo. Mais pas Mezut Özil. Tancé par la fédération allemande de football, le milieu de terrain vedette, joueur-clé de la Mannschaft, ne décolère pas contre l’encadrement de l’équipe nationale qu’il accuse de racisme.

Quelques semaines plus tard, l’Allemagne sort la tête basse du Mondial en Russie, éliminée dès le premier tour pour la première fois dans l’histoire de la coupe du monde. Özil, critiqué pour son manque d’engagement, préfère claquer la porte et annonce qu’il quitte la sélection.

Pour les Allemands, ce mondial désastreux marque la fin d’une époque. Le titre de 2014 avait consacré l’émergence d’une nouvelle Mannschaft plus colorée, intégrant des joueurs d’origine turque ou africaine, un peu comme la France black-blanc-beur, championne du monde en 1998. Mais l’insouciance a laissé place aux tensions politiques de 2018, avec en toile de fond la crise migratoire des dernières années, les relations glaciales entre Berlin et Ankara, et la poussée du parti d’extrême-droite AfD.

"Bien sûr, cette histoire a donné un prétexte à l’extrême-droite pour critiquer la philosophie du multi-culturalisme, explique Hans Stark. Il n’en demeure pas moins que l’Allemagne est devenu un pays d’immigration et que le sport n’échappe pas à ça. Ces joueurs là font partie intégrante du pays sur le plan sportif mais aussi du show biz allemand. Et c’est accepté, peut être pas par tous, mais par la majorité des Allemands, ceux qui ne votent pas pour l’AfD." Fâché pour de bon avec l’équipe nationale, Mesut Özil reste quant à lui fidèle à son ami Erdogan. Le président turc a même été témoin à son mariage, il y un an à Istanbul.

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