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Des détenues "disaient qu’elles partaient en voyage quand elles allaient en prison", raconte la photographe Bettina Rheims

La photographe Bettina Rheims présente au château de Vincennes (Val-de-Marne) une exposition d’une cinquantaine de portraits de femmes en détention réalisés au sein de quatre établissements pénitentiaires.

Article rédigé par Anne Chépeau
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
L'exposition "Détenues" est installée dans la Sainte-Chapelle du château de Vincennes (Val-de-Marne) jusqu'au 30 avril. (ANNE CHEPEAU / RADIO FRANCE)

Bettina Rheims a conjuré sa peur de l’enfermement en allant à la rencontre de ces femmes détenues. "L’enfermement a toujours été une de mes grandes peurs, explique la photographe. J’ai toujours pensé que ça pouvait nous arriver à toutes et à tous, à n’importe quel moment." Jusqu'au 30 avril, au château de Vincennes, dans le Val-de-Marne, elle expose une cinquantaine de portraits réalisés au sein de quatre établissements pénitentiaires. 

Le courage d'accepter

L'artiste a dû convaincre ces détenues de poser devant son appareil. Beaucoup étaient méfiantes. Bettina Rheims leur a longuement expliqué son projet. Ces portraits allaient permettre de les ramener à la lumière, d’exprimer leur singularité et leur féminité pour qu’on les regarde à nouveau. "C’était très courageux pour elle d’accepter parce que c’était accepter, pour le reste de leurs jours, le 'label de la détention', raconte l'artiste. Alors que beaucoup m’ont dit qu’elle ne l’avait pas dit à leur famille. Il est là, le paradoxe. Certaines m’ont raconté qu’elles disaient qu’elles partaient en voyage quand elles allaient en prison." 

Une cinquantaine de portraits de femmes détenues sont présentés au château de Vincennes (Val-de-Marne). (ANNE CHEPEAU / RADIO FRANCE)

Bettina Rheims a photographié ces femmes dans un studio improvisé à l’intérieur de l'établissement pénitentiaire. Pour cette séance, les détenues ont choisi des vêtements, une coiffure et un maquillage. "Délibérément, je voulais qu'on ne voit pas la prison, qu’il n'y ait pas d’accessoire, qu’elles ne soient pas photographiées dans les cellules, qu’on ne voit pas les barreaux, qui sont toujours ce qu’on voit quand on montre la prison, se justifie la photographe. Le fond blanc est une manière de gommer l’anecdote. Il ne reste plus que ces portraits de femmes qui pourraient être vous ou moi."

Si vous regardez bien, il se passe quelque chose dans les yeux. Je voulais que la prison se voit dans les yeux.

Bettina Rheims, photographe

à franceinfo

Ces regards disent la tristesse et la solitude de ces femmes. Qu’elles aient 20 ans ou 70 ans, le travail de Bettina Rheims rappelle que l’on peut aussi vieillir en prison. De ce projet, la photographe dit qu’elle est ressortie profondément changée. "J’ai l’impression que je ne regarde plus les gens de la même manière, explique-elle. J’ai l’impression que mon écoute a changé. Je me suis rendu compte à quel point il était important d’écouter les gens. À tout jamais, il y a quelque chose qui a changé. Je me suis beaucoup humanisée."

Des mots et un livre

Dans l’exposition, de courts textes accompagnent les portraits des détenues. Des notes que Bettina Rheims avaient prises sur son téléphone portable en sortant des séances photos. Ces mots viennent éclairer la vie de ces femmes détenues. L’une d’elles raconte ainsi que son rêve est d’ouvrir et de fermer une porte elle-même.

De cette expérience, la photographe a également tiré un livre, Détenues (éd. Gallimard), sorti le 11 février et préfacé par Robert Badinter. Après le château de Vincennes, l'exposition poursuivra sa route au château de Cadillac, en Gironde, du 1er juin au 4 novembre.

Exposition "Détenues" au château de Vincennes (Val-de-Marne) : un reportage d'Anne Chépeau

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