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Discriminations : pourquoi les entreprises ont avantage à diversifier leur recrutement

Sept entreprises ont été montrées du doigt, cette semaine. Elles sont soupçonnées de pratiquer des discriminations à l'embauche, à l'encontre de candidats portant des noms d'origine maghrébine. Les résultats d'une vaste campagne de "testing".
Comment convaincre les entreprises de diversifier leur recrutement ? Quels avantages peuvent-elles y trouver ?

Article rédigé par franceinfo, Philippe Duport
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
815.000 nouvelles entreprises, soit une progression de près de 18%  en 2019, par rapport à l'année précédente. (Photo illustration). (MAXPPP)

Saïd Hammouche est le fondateur du cabinet Mozaïk RH, qui lutte contre les discriminations dans le recrutement.

Franceinfo : qu’est-ce que vous avez envie de dire à ces entreprises prises en flagrant délit de discrimination à l’embauche ?

Saïd Hammouche : j’ai envie de leur dire que le sujet est avant tout une affaire économique. Si on veut créer de la valeur ajoutée dans les entreprises françaises, des produits plus performants, des services qui touchent davantage de consommateurs, on est obligé d’avoir de la diversité dans le recrutement. L’individu s’enrichit avec la différence. Cette capacité de créer, innover, avoir de nouvelles idées, créer de la cohésion dans un groupe, c’est du bienêtre, et le bienêtre fait la performance.

Est-ce qu’il y a un type d’entreprises qui discrimine plus particulièrement ?

Il y a deux grandes tendances. Il y a d’une part en France une culture de la cooptation et de la recommandation. Si je suis exclu de ce cercle qui a le pouvoir, je ne serai jamais convoqué en entretien de recrutement. Une partie de la population reste sur le côté de la route, c’est ce qui constitue ce taux de chômage qui explose dans les quartiers populaires. Or on a plein de jeunes qui souhaitent travailler et qui n’ont pas de problème pour se réveiller le matin et occuper des postes à responsabilité. Le deuxième fait c’est que quand on est à la tête d’une petite entreprise, quand on a dix quinze salariés, on fait tout. Il est souvent limité à cause de ses biais cognitifs qui l’empêchent de réaliser qu’il y a un potentiel. Vous avez d’ailleurs créé un outil pour permettre aux entreprises de recruter différemment… On considère qu’il faut donner accès gratuitement à un vivier de candidature qui aura été qualifié. On a créé une plateforme qui s’appelle diversifiezvostalents.com, qui a été cofinancée avec de grands mécènes, comme Sanofi, SFR ou BNP Paribas, et aussi l’Etat. Et grâce à cette synergie d’acteurs, on donne accès à 20.000 profils qui cherchent soit un emploi, soit un contrat en alternance, soit un stage. Donc j’invite les recruteurs qui veulent jouer la carte de la différence à aller sur diversifiezvostalents.com. Ils pourront identifier des profils qualifiés sur les soft skills, c’est-à-dire les habilités naturelles de l’individu.

Quels sont vos conseils aux candidats ?

A force d’observer qu’on n’est jamais convoqué à un entretien d’embauche, il y a une auto-censure qui s’exerce. C’est la double peine. Je ne me représente plus en capacité de prendre des responsabilités dans une entreprise, je sais que je n’ai aucune chance, je ne candidate plus. C’est dramatique parce qu’on a une population qui est complètement invisible et on a une population de recruteurs qui n’arrivent pas à les trouver. Donc il faut redonner confiance, créer des passerelles, montrer qu’il y a des milliers d’offres et les diffuser. Et moi j’ai une volonté très forte, avec la Fondation Mozaïk, on pense que si les employeurs faisaient l’effort de recruter des candidats boursiers – il y a 35% de boursiers en France – on pourrait réduire les inégalités sociales, et aussi de promouvoir la diversité culturelle dans les entreprises françaises.

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