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On ne pouvait pas le rater. Le jour où une femme devenait titulaire du baccalauréat

Chaque jour de la semaine, Franck Cognard s'intéresse à une date qui aura marqué la vie de tous les jours. Parce qu'il est question de bac, de pionnière, et de machisme ordinaire, on ne pouvait pas rater le 16 août 1861.

Article rédigé par franceinfo - Franck Cognard
Radio France
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Temps de lecture : 2 min
Diplôme du baccalauréat général. Photo d'illustration. (JEAN FRANCOIS FREY / MAXPPP)

Le 16 août 1861, à sept heures du matin, des curieux, et quelques curieuses, se massent à l'entrée de la faculté de lettres, place des Terreaux à Lyon, pour y voir entrer une institutrice de 37 ans. Celle-ci est alors conduite dans une pièce à part. Pas question que Julie-Victoire Daubié, première femme à passer le baccalauréat, soit mélangée aux autres candidats. Une femme qui passe le bac, c'est une incongruité, qui inspire en 1874 un chansonnier. Le titre, La bachelière du quartier latin, n'a jamais été enregistré ou ré-enregistré par la suite, quel dommage ! Heureusement, il reste les paroles : 

"Au professeur, elle fait perdre la tête.

Elle leur fait voir ses jambes dans une pirouette

V'là la morale, faut pas que ça vous blesse

C'est au beau sexe qu'elle s'adressera 

Quand c'est des vieux qui jugent une jeunesse

C'est pas malin le baccalauréat"

Délicieuses paroles. "Si une femme réussit l'examen, elle le doit moins à ses neurones qu'à son vagin." C'est la version XIXe siècle de la promotion canapé.

Julie-Victoire Daubié, au lendemain de l'épreuve, obtient son bachot, qui est à l'époque le premier niveau universitaire. Résultats : six boules rouges, trois boules blanches et une boule noire. Rouges, ce sont  les "avis favorables", blanches les "ne se prononcent pas", noire "les avis défavorables". C'est ainsi que les examinateurs se prononçaient à l'époque.

Champagne et fin de l'histoire ? Pas du tout. Le Jean-Michel Blanquer de 1861, Gustave Rouland, ministre de l'Instruction publique, refuse de signer le diplôme obtenu, parce que "cela ridiculiserait le ministère". Il le fera, contraint, forcé et sans doute bougon un an plus tard. Clairvoyant, le garçon ! Aujourd'hui, Julie-Victoire Daubié a donné son nom à une cinquantaine d'établissements scolaires, de résidences universitaires, de places, tandis que Gustave Rouland n'a eu droit qu'à une petite rue triste du centre de Dieppe.

Parce qu'elle a été journaliste économique aux travaux reconnus en France et aux États-Unis, parce qu'elle publia entre autres La femme pauvre au XIXe siècle, parce qu'elle fut une pionnière, il ne fallait pas rater Julie-Victoire Daubié présentant le bac le 16 août 1861. Pionnière, mais pas dans le sens d'une ruée vers l'or, où quand un prospecteur déniche un filon le lundi le monde entier déboule le mardi. Trente-et-un ans après le bac de Madame Daubié, en 1892, seules 10 femmes passaient l'épreuve. Quarante-huit ans après, en 1909, elles n'étaient que 100.

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