Nouveau monde. Biométriques, sécurisés : les moyens de paiement du futur, presque ludiques, sont déjà là !
La carte bancaire en plastique va-t-elle disparaître au profit de nos smartphones ? Thales, devenu le leader mondial de la carte à puces, nous a ouvert les portes de ses laboratoires près de Marseille. C’est là que sont imaginés les nouveaux moyens de paiement, futuristes et déjà disponibles. Un reportage de Benjamin Vincent.
Deux sites, à quelques kilomètres de Marseille : Gemenos et la Ciotat. C’est là, dans des laboratoires à l’abri des regards, que la division Identité et Sécurité numérique de Thales imagine les moyens de paiement du futur, tout en fabriquant des dizaines de millions de SIM et de cartes bancaires à puce, chaque mois.
Contrairement aux apparences et à ce que cette ambiance feutrée pourrait laisser imaginer, "Le monde du paiement n’est pas un univers poussiéreux, explique Amélie Tournant, responsable de la stratégie Services bancaires et paiement, parce que les consommateurs veulent des moyens de paiement nouveaux, variés, et une nouvelle relation avec leur banque".
Cette industrie n’a, en fait, pas eu tellement le choix : l’apparition, depuis cinq ans, des moyens de paiement dématéralisés dans les smartphones, liés aux GAFA et autres géants de la Tech (Apple Pay, Google Pay, Samsung Pay, etc), a agi comme un électro-choc.
Le pouce remplace le code secret
Pour autant, l’objet carte bancaire qui porte leur marque au quotidien, reste précieux en tant qu’outil marketing pour les banques, toujours à la recherche d’évolutions technologiques qui séduiront leurs clients. Exemple en date le plus récent : la première carte bancaire biométrique, imaginée par Thales DIS, à la Ciotat. Et ce n’est pas de la science-fiction : BNP Paribas la propose dans toute la France depuis le début de l’année. On la reconnaît à ce petit carré sur lequel on pose son pouce pour s’identifier au moment de payer.
C’est la première carte à offrir la même simplicité et la même sécurité que les smartphones avec Apple Pay ou ses concurrents dématérialisés : plus besoin de taper de code à quatre chiffres sur le clavier du terminal de paiement. Il suffit d’approcher la carte bancaire biométrique à 1 ou 2 cm, et de poser son pouce sur le lecteur d’empreinte digitale, pour être authentifié et valider l’achat.
Ali Zeamari, ingénieur expert en biométrique chez Thales DIS, explique :
La différence, c’est que vous n’avez plus cette limitation de 50 euros. Aujourd’hui, on peut acheter une voiture, juste en présentant la carte, et c’est le doigt qui va faire l’authentification, et c’est votre empreinte digitale qui va remplacer le code PIN.
Ali Zeamari, ingénieur expert en biométrique chez Thales DIS
BNP Paribas a d’abord testé cette carte biométrique à l’automne 2020, avant de la généraliser, dans toute la France, depuis le début de l’année : "Cette offre répond à une attente de nos clients, notamment dans un contexte de crise sanitaire où les tendances du sans contact se sont accélérées", explique-t-on chez BNP Paribas.
Pour Thales, cette carte biométrique représente une prouesse technique à plusieurs titres. La première a consisté à intégrer les différents composants électroniques dans la tranche de la carte, entre les couches de plastique, sans en changer l’épaisseur, ni la souplesse. La seconde prouesse, c’est d’avoir trouvé comment alimenter en énergie cette carte qui n’embarque aucune pile.
En réalité, la carte réussit à récupérer, sans contact, une toute petite quantité d’énergie résiduelle, à proximité du terminal de paiement, suffisamment pour faire fonctionner le lecteur d’empreinte digitale et transmettre l’information. Pour son premier paramétrage à la sortie de la boite, la carte biométrique est d’ailleurs fournie avec un accessoire qui lui fournit cette dose d’énergie pour pouvoir mémoriser l’empreinte digitale.
La CB qui parle aux malvoyants
Depuis l’apparition du sans contact, les cartes bancaires ont des antennes, incrustées dans l’épaisseur du plastique. Et il y en a désormais une, capable de parler via un smartphone. Voici la première carte bancaire pour malvoyants, développée par Thales, à la demande de HandSome, une startup qui cherche à développer l’accessibilité des malvoyants aux services bancaires.
Une seule statistique suffit à donner son sens au projet : 89% des déficients visuels ont déjà été victimes d’une fraude, d’une erreur ou d’une arnaque chez un commerçant, selon Julien Delamorte, fondateur de HandSome. Il y a les commerçants qui changent le montant de la transaction – quand ils n’ajoutent pas carrément un zéro - sans le dire au client, et il y a ceux qui font croire que la transaction a échoué pour inciter le client à taper son code, une deuxième fois, et donc à payer deux fois.
Avec cette carte bancaire qui "parle", les malvoyants ont enfin accès à l’information, grâce à une voix synthétisée qui détaille chaque étape : du montant de la transaction à la validation du code PIN et à la confirmation de l’achat. La carte parle via le haut-parleur du smartphone pour les besoins de notre démonstration, mais l’idéal, dans un magasin, c’est une oreillette Bluetooth pour un maximum de discrétion.
Dans un monde qui se digitalise, même plus besoin de dégainer sa carte bancaire ou son smartphone pour payer... Amélie Tournant nous présente des objets du quotidien : devant nous, un bracelet en cuir à la limite du bijou - on dirait presque un produit artisanal - il y a aussi un bracelet flexible pour le suivi de son activité sportive - avec un faux air de fitbit - et une montre. Tous intègrent le paiement sans contact : la technologie tient sur une pellicule flexible transparente d’à peine 1 cm sur 2. Et il y a encore plus petit : une bague. Avec elle, et sa surface d’à peine 3 à 4 mm2, pas de biométrie - les montants resteront donc limités - mais déclencher un paiement jusqu’à 50 euros en approchant sa bague NFC d’un terminal de paiement, il parait que c’est l’un des nouveaux chics de cette rentrée. Une bague, comme dans La Nuit des temps, le roman de René Barjavel publié en 1968…
Plastique végétal ou maïs
En cette fin 2021, Thales propose d’autres cartes bancaires révolutionnaires par leur matériau. Les unes sont faites en plastique végétal : en acide polylactique, c’est-à-dire, et plus simplement, à partir de fécule de maïs. D’autres sont fabriquées avec du vrai plastique issu du pétrole, certes, mais un plastique ramassé dans les océans puis recyclé : une demande d’American Express avec une autre contrainte : reproduire fidèlement le logo Centurion au milieu de la carte, enjeu majeur pour l’identité de la marque. Un défi sur ce matériau changeant et jamais tout à fait identique, d’une carte à l’autre.
Quel que soit le support, quelle que soit la technologie, Philippe Vallée a une obsession : un paiement sûr, simple et presque ludique :
"C’est une question d’usage, d’ergonomie, et finalement liée à l’environnement dans lequel vous êtes, pour utiliser le moyen de paiement en question, explique le vice-Président exécutif de la branche Identité et Sécurité numérique chez Thales, qui a connu la naissance de la carte à puce dans les années 80. Je crois plus à une complémentarité de toute cette palette de solutions qu’à un moyen qui viendrait éliminer tous les autres."
Et après ? Payer par la pensée, c’est pour bientôt ? "Ah non, ça n’est pas pour tout de suite !" s’amuse Philippe Vallée avec un grand sourire. Quand il s’agit de passer à la caisse, James Bond a encore quelques années devant lui...
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