Rester optimiste même si, autour de nous, tout va mal
Mais peut-être n'est-ce pas une fatalité. Pour cerner les secrets d'un
optimisme à toute épreuve, Anne Laure Gannac, de Psychologies Magazine.
Peut-on être optimiste dans un contexte négatif ?
Non seulement on le peut, mais c'est bien le seul moment où cela a du sens. Etre optimiste quand tout va bien c'est une lapalissade. Quoique, chez les grands anxieux, le bien-être est parfois plus terrifiant que les difficultés parce qu'ils en redoutent la fin. Mais sinon, oui, c'est quand le contexte est sombre que notre force d'optimisme est censée être la plus vive.
Mais dans ce cas, comment ne pas sombrer dans la naïveté ou
l'idéalisme ?
C'est LA question. D'abord, je crois que cette crainte doit beaucoup à notre culture. Le philosophe Michel Lacroix parle du pessimisme comme d'un "logiciel culturel français" , dont il trouve les racines dans la culture du doute et de la critique systématique propre au cartésianisme.
L'optimiste ne se laissera pas démonter par
un environnement social, économique, politique qui, en effet, génère un
sentiment d'impuissance
Ensuite, il y a une erreur de définition : l'optimiste ne nie pas la réalité, au contraire. Il la considère, elle peut le déprimer passagèrement, mais ensuite il s'y adapte pour continuer ses projets. Churchill a eu cette phrase qui dit tout : "un pessimiste voit la difficulté dans chaque opportunité, un optimiste voit l'opportunité dans chaque difficulté".
En fait, c'est juste regarder la coupe à moitié pleine plutôt qu'à moitié vide ?
C'est plus qu'un mode de pensée, c'est un mode d'action. Autant le pessimisme condamne à la passivité : à quoi bon agir, chercher, faire des projets si tout va de mal en pis ? Alors que l'optimiste ne se laissera pas démonter par
un environnement social, économique, politique qui, en effet, génère un
sentiment d'impuissance. C'est cela, la source principale de notre
morosité : le sentiment qu'on ne peut rien faire pour améliorer la
situation. A défaut de pouvoir faire confiance au monde et à son évolution,
l'optimisme trouve en lui la confiance nécessaire pour agir et servir ses
projets, son désir. Et plus on agit dans ce sens, plus on trouve dans nos actes de quoi nourrir cette énergie qu'est
l'optimisme.
Sauf qu'il n'y a pas beaucoup de signaux qui donnent confiance****
C'est très vrai : quand on est quotidiennement perfusé à la négativité, il faut avoir une sacrée dose de confiance en soi pour rester positif. D'autant que notre rapport à la vie s'apprend et se cultive beaucoup dans l'imitation. On le vit tous les jours : discutez dix minutes avec une personne à l'optimisme radieux et vous serez positif une bonne partie de votre journée. A l'inverse, si on vous accueille en vous parlant de la guerre en Syrie, des médicaments qui ne serviraient à rien ou de la tuerie de Chevaline, ce jour-là, vous aurez plus de mal à faire des projets pour votre avenir. Le plus terrible pour notre psychisme, c'est la répétition, et en l'occurrence, celle des mauvaises nouvelles
et des pensées sombres.
On n'est pas plus lucide quand on constate la violence et l'horreur de la vie que lorsqu'on en perçoit la beauté
Mais rappelez-vous votre état d'esprit pendant les vacances, quand vous étiez avec vos proches, que vous faisiez tout ce que vous aimiez. Vous suiviez sans doute toujours l'actualité, le monde n'allait pas mieux, et pourtant, vous étiez plus imperméable à ses difficultés.
Oui, mais parce qu'en vacances, la priorité c'était d'en profiter avant la rentrée, justement.****
C'est cela : la priorité c'était le plaisir. Alors, bien sûr, c'est plus facile de trouver du plaisir en vacances qu'au travail dans le contexte actuel. Il n'empêche que favoriser des émotions positives au quotidien en cherchant le plaisir là où il se trouve est toujours possible.
Quand Etty Hillesum se trouvait dans les camps en 43, elle a écrit dans son journal : "nous sommes passés devant des seringas, des petites roses et des sentinelles allemandes ." Elle a vu les sentinelles, elle a aussi vu les roses. On n'est pas plus lucide quand on constate la violence et l'horreur de la vie que lorsqu'on en perçoit la beauté. C'est nier la réalité que de
privilégier un seul
de ces aspects. Mais je vous parle là, bien sûr, d'un déni conscient : il y a des réalités inconscientes qui nous composent aussi et qui expliquent qu'on n'est pas égaux en matière d'optimisme...
Un conseil pour cultiver cet optimisme "lucide" en ce moment ?
Il y a un exercice très simple à mettre en place, en famille. De quoi peut-on parler pendant le dîner ? De ce qui s'est mal passé dans sa journée, de sa fatigue, de ses inquiétudes
pour l'avenir.
C'est important, ça nous soulage et il n'est absolument pas question de nier nos émotions négatives en pensant que tout ira mieux. Ça c'est de la psychologie positive pour imbéciles. En revanche, on peut décider que ce ne sera pas à ce moment qu'on en parlera, mais que là, on va s'efforcer de raconter tout ce qui a été source de plaisir dans la journée.
Et si on n'y arrive pas, si les pensées négatives sont plus fortes, alors attention. C'est un signal à écouter, il y a un besoin profond insatisfait, un désir qui se heurte à la réalité comme à un mur, donc c'est crucial d'aller voir de plus près, éventuellement avec l'aide d'un professionnel. La quête du bien être ne peut pas, je crois, passer avant celle de la vérité.
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