La consommation de viande en question
Une affaire qui vient nourrir évidemment la cause des
végétariens : les livres, les documentaires sur ce régime alimentaire n'en
finissent pas de sortir. Est-ce que tout cela peut
suffire pour nous faire changer nos habitudes alimentaires, où quand même, la viande
bien cuisinée, le bon pot au feu, font figure de mets de choix dans le pays de
la gastronomie ? La réponse d'Anne-Laure Gannac, de Psychologies Magazine .
Oui et non. Il y a deux temps qui
s'opposent : le temps du scandale, du choc, de la forte médiatisation
d'une telle affaire qui crée de la méfiance, du rejet. Et tout cela a un
effet : on voit en ce moment que les ventes de plats préparés ou congelés
à base de viande sont en recul. Mais pour combien de temps ? Face à ce temps là, très court, du scandale, il y a celui, bien plus long, des
habitudes alimentaires. Les habitudes, elles, s'inscrivent d'abord dans des
traditions : or, la France est, originellement un pays agricole, d'élevage
et un pays qui a développé sa gastronomie autour de la viande. Et à ces
traditions, ou comme pour les soutenir, sont venues se greffer toute sortes de
certitudes, d'a priori qu'il est très difficile de bousculer. Ce qui explique
sans doute qu'en France, il n'y ait que 3 % de végétariens aujourd'hui,
alors que la moyenne Européenne est à 5 %, et qu'aux Etats-Unis elle monte
à plus de 10 %.
Les Français friands de viande
Si la viande a toujours été aussi prisée c'est parce
que, à l'origine du moins, elle coûtait cher. Cela a évolué mais il en reste l'idée qu'un plat sans viande est un plat de pauvre. Il y a tous ces autres a priori selon lesquels un plat sans viande n'est
pas équilibré, que la viande est indispensable pour la bonne santé, que c'est
plein de fer, que ça donne de l'énergie, de la force...
Pourtant, on ne
compte plus le nombre d'études qui sont sorties, ces dernières années, pour
démontrer la fausseté de ces préjugés et, plus encore, qui ont mis en
lumière les méfaits d'une alimentation trop riche en protéines animales.
Mais cela ne suffit pas encore pour modifier des habitudes vieilles de
plusieurs siècles. L'être humain est un être habitudinaire : il se plaint
de sa routine et en même temps il la chérit. Il est dans le "je sais bien
mais quand même", sorte de doux déni.
Une accumulation d'information peut-elle changer à terme nos
comportements alimentaires ?
Ce qui facilite le processus de
changement, quel qu'il soit, c'est la répétition, qui prend ici la forme d'une
accumulation d'informations.
Outre l'argument santé, il y a l'argument "silhouette" qui est
avancé par nombre de spécialistes et relayé par la presse féminine, mais aussi,
bien sûr l'argument écologique : on sait que la consommation de viande
produit plus de gaz à effets de serre que l'ensemble des transports sur la
planète.
L'argument humanitaire, aussi, puisque
les trois quarts des terres agricoles mondiales sont destinées au bétail
que seule une minorité déguste...
L'argument "cause
animale" qui est sans doute le plus parlant dans nos sociétés qui
chérissent leurs chiens, chats, et chevaux !
Cette affaire met en lumière la
question de la traçabilité, de la fiabilité des circuits longs, de la
transformation des produits. Ce
souci de savoir ce qu'il y a dans nos assiettes devient une préoccupation
généralisée, alors que jusque-là il pouvait faire passer les végétariens pour
des obsessionnels rabat-joies. Après ce scandale, il sera plus difficile de
les marginaliser ou de les moquer lors des dîners. !
Le régime végétarien est très médiatisé
Le régime végétarien est porté par des arguments de fond, pas seulement
éthiques ou sensibles, mais rationnels : la production sans cesse
croissante de viande à l'échelle mondiale requiert sans cesse plus de terre,
plus d'eau... A terme, ce n'est pas viable. Sauf qu'il y a, en apparence, dans
le régime végétarien, un aspect privation, frustration qui est difficilement
acceptable par notre époque hédoniste et libertaire.
En fait de mode,
celle qui apparaît surtout aujourd'hui, c'est celle des "flexitariens". C'est-à-dire le fait de manger beaucoup moins de
viande. Ce qui, pour un végétarien, n'a pas de sens : soit on mange des
animaux, soit on n'en mange pas. Mais c'est un régime très cohérent avec notre
époque, parce qu'il repose sur le non-choix, donc sur le "non-renoncement". Au fond, c'est faire avec un principe de réalité et avec un principe
de plaisir, pour celui qui adore la côte de bœuf.
Le 20 mars 2013 ce
sera la Journée sans viande.
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