Pour en parler avec nous, Jean-Michel , rédacteur en chef à Que Choisir. Vrai ou faux ? Y aurait-ilvolonté délibérée des industriels à fabriquer des produits avec une durée devie limitée ? La preuve que lesindustriels fabriquent des produits dont les durées de vie seraient sciemmentraccourcies dès leur conception est impossible à apporter.Un même appareil peutavoir une durée de vie différente selon l'usage qu'on en fait. Le mêmelave-linge, par exemple, va s'user beaucoup plus vite chez un jeune ménage avec deux enfants en bas âge qui va faire tourner la machine tous les jours que chez uncouple de retraités qui ne fera "une machine" qu'une fois parsemaine.Mais il est vrai qu'auquotidien chacun a pu constater des choses troublantes.Comme quoi, par exemple ?A Que Choisir , nos tests n'ont jamais révélé d'obsolescence vraimentprogrammée, au sens où, par exemple, une puce électronique viendraitinterrompre le cycle de fonctionnement d'un appareil.En revanche, on peutaffirmer que l'obsolescence, sans être planifiée, peut être organisée sous desformes diverses : ce sont des produits qui sont plus fragiles aujourd'huiqu'autrefois, des produits irréparables, des pièces détachées introuvables...Tout ça contribue à l'obsolescence des produits.En quoi les produits sont-ils aujourd'hui plusfragiles ?Prenez les lave-linge, 80% des appareils aujourd'hui commercialisés sont désormais dotés de cuve enplastique et les roulements à billes - qui sont des pièces indispensables quis'usent très vite - sont directement moulés dans la cuve. S'ils nefonctionnement plus, impossible de les réparer, il faut changer toute la cuve.Et comme ce changement de cuve va coûter très cher, le mieux est de changercarrément de machine. Industriels et vendeurs ont donc tout intérêt à forcer leconsommateur à se débarrasser de l'appareil pour en racheter un autre.Autre exemple avec lestéléviseurs à écrans plats où c'est le condensateur qui flanche le plussouvent. La plupart des grandes marques s'approvisionnent à moindre coût sur lemarché asiatique où les composants peuvent être de piètre qualité. La durée devie des condensateurs s'en ressent fatalement. Certains fabricants ont même trouvé" astucieux " de placer le condensateur là où il chauffera le plusvite : résultat, il gonfle et se casse. Votre téléviseur ne s'allume plus,le voilà bon pour la casse car le SAV du vendeur prétendra que votre appareilest irréparable.Pourtant réparer, ce serait avoir un comportementresponsable, cela éviterait le gaspillage...Oui, à condition que laréparation soit possible. Or, aujourd'hui, de plus en plus de produits sontirréparables et cela pour plusieurs raisons.La première, c'est qu'iln'existe plus de pièces détachées. Les fabricants sont pourtant tenus de mettreà disposition des pièces détachées pendant un certain temps, même après la finde production du produit. Mais ils le font de moins en moins, il faut gérer lesstocks, ça coûte cher.L'autre raison, c'estqu'une multitude d'articles sont conçus d'une telle façon qu'ils sontirréparables.Aujourd'hui, unsèche-cheveux, un grille-pain, un fer à repasser, un petit appareilélectroménager sont composés d'un moteur électrique enfermé dans une coque enplastique auto-soudée. En cas de panne ou de cordon électrique qui s'effilocheou se coupe, c'est impossible à réparer.Aux Etats-Unis, sous lamenace d'une " class-action ", Apple a préféré dédommager ses clientsqui avaient acheté des iPod dans lesquels les batteries étaient inamovibles. Aubout de 18 mois d'utilisation, il fallait racheter un nouveau lecteur MP3.Aujourd'hui, Apple propose des batteries de remplacement.Et puis, il y a aussi le coût de la réparation quipeut être dissuasif Les prix du petitélectroménager sont si bas à l'achat que, même si elle était possible, laréparation n'en vaudrait pas le coup. Au prix de l'heure de main-d'œuvre, on nerépare plus, on jette. Qui va accepter de dépenser 50 € pour faire réparer unecafetière électrique vendue 35 € en magasin ?Et puis il y a des cas oùl'obsolescence est savamment entretenue.Qu'entendez-vous par là ?Dans le domaine del'informatique, c'est le cas avec l'arrivée de nouveaux logiciels. Si votreordinateur date un peu, il va manquer de mémoire vive pour télécharger cenouveau logiciel ou sa mise à jour. Même chose avec les smartphones, s'il n'estpas de la dernière génération, télécharger certaines nouvelles applications vaêtre impossible. Il faudra acheter un modèle récent pour y parvenir.Le consommateur n'est-il pas parfois fautif ?Oui, bien sûr, il y auratoujours ceux qui voudront le smartphone ou le baladeur dernier cri. Mais çac'est un phénomène de mode qui a toujours existé, même s'il est plus présentaujourd'hui. Et les industriels savent habilement en jouer pour lancer sanscesse de nouveaux modèles.Une proposition de loi du sénateurd'Europe-Ecologie-les Verts, Jean-Vincent Placé, prévoyait d'allonger la duréede vie des produits. Elle n'a pas été retenue dans le projet de loiConsommation de Benoît Hamon. Vous le regrettez ? Un peu car la propositionaurait permis d'avoir un comportement un peu plus vertueux. Le texte prévoyaitnotamment des sanctions pouvant aller jusqu'à 37.500 € d'amende et deux ansde prison pour les industriels qui limiteraient volontairement la durée de viede leurs produits. Il prévoyait aussi d'allonger la durée légale de garantie.Elle est actuellement de deux ans, la proposition était de la porter à cinq ans, puisà dix ans. Et puis il s'agissait de favoriser la réparation en mettant àdisposition les pièces détachées essentielles au fonctionnement d'un produitdurant dix ans.Cela implique aussi queles consommateurs jouent le jeu en ne recherchant pas systématiquement lesproduits les moins chers et en ne cédant pas aux sirènes des derniers gadgetshigh-tech, en privilégiant systématiquement l'achat du neuf.