Faut-il parler des secrets de famille?
Aujourd'hui, nous vivons dans une société plus libérale et pourtant, les secrets de famille existent toujours. Or, nous savons maintenant à quel point les secrets peuvent être source de malaises et de problèmes sur plusieurs générations. Comment s'y prendre ? Explications avec Christilla Pellé-Douël journaliste à Psychologies Magazine.
Rappelons
que nous savons aujourd'hui à quel point les
secrets sont dommageables grâce aux travaux d'Anne Ancelin
Schutzenberger, qui est à l'origine de la psychogénéalogie, et de nombreux autres spécialistes, dont Boris Cyrulnik. Les secrets n'ont
donc pas disparu, car nous avons toujours des interdits et des tabous.
Ils ont simplement changé: le psychiatre Serge Tisseron
constate que la procréation artificielle en est
souvent un. Les addictions le sont
aussi.
Quelles
sont les conséquences de tels secrets?
Un poids
lourd, voire très lourd à porter pour les générations suivantes. Ce que nous ne savons pas reste
"su" néanmoins par l'inconscient qui
le manifeste de diverses manières: des maladies, des
accidents, des comportements étranges, des diificultés à avoir des relations
amoureuses, à avoir des enfants. Ce que
nous ne savons pas nous hante, devient un fantôme dans la crypte pour
reprendre l'expression de Boris Cyrulnik et nous empêche d'avancer ou de
vivre. Alexandre Jardin a ainsi fait éclater le secret de sa famille
autour du rôle de son grand-père Jean Jardin, chef de cabinet de Pierre Laval durant la
guerre, en particulier dans la rafle du Vel dHiv. Dire ce secret à la face du monde, enquêter sur ce sujet ont permis à Alexandre Jardin d'aller mieux, d'abandonner ce qu'il défini comme une relation troublée avec la réalité. Un autre exemple, cité par Anne Shutzenberger, celui
d'une de ses patientes victime d'un cancer du sein exactement au même âge que sa grand-mère, dont la maladie avait toujours été cachée.
Comment
faire pour révéler un secret?
D'abord,
il convient de faire la différence entre ce qui peut ou
doit être gardé pour soi, ce qui est la vie privée et le secret que
Serge Tisseron définit comme ce qui qu'il est
interdit de connaitre et qui est douloureux pour soi et les autres. Un fait
privé devient un secret dès qu'il y a symptôme: dépression, larmes, angoisses. Ce qui n'est pas dit est
manifesté autrement. D'ailleurs, souvent
la révélation d'un secret n'est que la confirmation d'une hypothèse : "Je le savais!" ou "Je m'en
doutais..." Mieux vaut donc dire, même si c'est douloureux. Mais
avant de se lancer, quelques précautions sont bienvenues:
d'abord en parler à quelqu'un d'extérieur, comme un psy ou quelqu'un de
la famille ce qui permet de mettre à distance et de faire baisser
la charge émotionnelle. Enfin, si le
secret concerne plusieurs personnes, mieux vaut l'annoncer à toutes en même temps afin d'éviter de recréer un secret sur du secret.;
Mais on
comprend qu'il soit difficile de parler, on a peur de faire du mal.
Oui, sauf
que la plupart du temps c'est l'inverse qui se produit : un immense
soulagement, la levée d'un poids. Enfin, les choses deviennent claires, des
éléments qui semblaient épars se mettent en place, tout prend son sens: les places
dans la famille, le pourquoi de certains comportements. Les hypothèses, les élucubrations disparaissent. Il
y a sans doute un moment de mise au point, de questionnement après la révélation, mais les professionnels l'assurent, tout rentre
dans l'ordre et les symptômes disparaissent ou s'atténuent. Et puis dire les choses permet de rompre le système et aux générations suivantes de vivre dégagés.
Deux
livres:
La psychogénéalogie A. Ancelin-Schutz
Payot
Les
secrets de famill e de Serge Tisseron PUF 2011
Un
article signé Anne-Laure Gannac dans le numéro de novembre de Psychologies Magazine.
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