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De l'utilité de la Journée Mondiale de la Terre

Aujourd'hui, lundi 22 avril, c'est la Journée Mondiale de la Terre, un événement célébré chaque année depuis 1970. Le but : sensibiliser à la question de l'environnement et plus précisément du changement climatique. Pour cela, toute la journée, diverses activités et conférences sont proposées dans plus de 190 pays auxquelles on estime que plus d'1 milliard de personnes participent. Mais est-ce bien utile, au fond ?
Article rédigé par franceinfo
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Les campagnes
de sensibilisation à l'écologie sont toujours plus nombreuses, et pourtant on
n'a pas l'impression que cela change grand chose. Est-ce que cela n'a vraiment rien changé ? Pas si
sûr : au quotidien, nos comportements ont tout de même beaucoup évolué ces
dix dernières années. Le tri sélectif, les achats d'ampoules basse
consommation, de produits locaux... il y a des prises de conscience. Et plus
largement, on observe des changements de valeurs, dans le rapport à la
consommation notamment, on reste des grands consommateurs, mais tout de même,
on remarque, jusque dans les sondages que nous-mêmes pouvons faire par exemple
sur Psychologies.com, on voit que la tendance classique au "vouloir
toujours plus" a cédé la place, chez beaucoup, à une quête de simplicité
et de sobriété. Sinon dans les actes, en tout cas dans les idées et les
valeurs, une évolution est visible.

Il y a pourtant encore un décalage entre les intentions et les
comportements. Des études sur la propreté
de l'environnement avaient montré, il y a quelques années, que 95 % des
personnes interrogées se disaient prêtes à ramasser des papiers par terre. Sauf
que seules 2 % le faisaient vraiment. En fait, ce décalage ne vaut pas que dans
l'écologie, les psychologues le constatent dans tous les domaines. Autrement
dit, nos actions ne peuvent pas découler seulement de nos idées, de notre
raison. Pourquoi ? Parce que nous ne sommes pas que raison, que rationnel,
nous sommes aussi, voire surtout, irrationnel, inconscient, névrosés aussi,
auxquelles nous tenons plus qu'à tout autre chose...  C'est peut-être l'une des choses que notre
époque oublie trop souvent : la volonté ne suffit pas.

 

Nous sommes naturellement résistants au
changement. Parce que changer c'est se heurter à la peur de l'inconnu (c'est le
fameux : "je sais ce que je perds, pas ce que je gagne"),
parce que vivre en pilotage automatique est bien plus confortable que de se
remettre en question. Et puis parce que, dans ce cas précis de l'écologie, on
peine à croire que changer à l'échelle individuelle puisse modifier le cours du
monde, tout simplement. Le sentiment d'impuissance freine spontanément
l'action.

L'un des leviers sur lesquels on s'appuie, souvent, pour
sensibiliser à l'écologie, ce sont les enfants. Est-ce qu'on sait si cela fonctionne ?
Est-ce que leur parler de l'avenir de la planète peut réellement les
toucher ?

Il suffit
de voir comment les enfants nous regardent de travers dès qu'on oublie de trier
nos déchets ou qu'on laisse couler l'eau du robinet... Sur ces actes très
concrets, très quotidiens, les enfants sont facilement réceptifs, parce que
c'est à leur portée. Quant à leur parler de l'avenir de la planète, c'est autre
chose. Un enfant vit au présent, c'est le propre -pour ne pas dire le luxe- de
l'enfance. Faut-il les en priver ? Je serai tentée de répondre que non. Si
tant est, d'ailleurs, que l'on puisse les en priver...

Ceci dit, les enfants ne sont pas les seuls à vivre au
présent. Nous avons nous aussi beaucoup de mal à nous projeter dans l'avenir et
donc à nous en sentir responsables.

Pourquoi ?

D'abord parce que, pour paraphraser Freud, le moi est
incapable d'imaginer sa propre mort. C'est une question de survie
psychique : se projeter, de surcroit dans un monde hypothétiquement
sombre, nous est très difficile. Et puis pour des raisons plus sociétales et
contemporaines : le règne de l'immédiateté et du court-termisme qui se passe
sur fond de crise, donc de peur du lendemain et de sentiment d'insécurité, tout
cela nous rend plus enclin à vivre dans l'instant. L'état d'esprit actuel
pourrait se résumer  à : "Profitons, avant qu'il ne soit trop tard". Ce qui n'est pas très propice
à un engagement pour le futur de la planète.

Autrement dit, toutes ces
campagnes de prévention, de sensibilisation ne servent à rien !

Et bien non, au contraire, parce que le contexte dans lequel
nous baignons est essentiel pour modifier nos attitudes. Pour une raison
surtout : il est bien plus facile de changer en groupe que tout seul. Donc
plus notre environnement -au sens, cette fois, de ceux qui nous entourent, du
contexte dans lequel nous vivons- plus cet environnement manifeste des désirs
de changements, plus nous sommes encouragés à y participer.

La journée mondiale de la Terre ne serait pas à
considérer comme une énième journée mondiale parmi d'autres ? Elle aurait
un réel intérêt ?

En annonçant que plus d'1 milliard de personnes sont soudain
unies autour d'un même souci, d'un même cause, l'avantage c'est qu'on joue sur
le besoin et sur le désir -un peu naïf, certes, mais profond- de croire dans
une humanité solidaire. Donc on joue sur la corde sensible et vite émue de
chacun. Et puis, en effet, c'est motivant parce qu'on se sent porté dans un
mouvement général. La politique des petits pas individuels c'est essentiel, et
cela a déjà porté ses fruits, on en parlait au début. Mais les solutions
globales, les mouvements de groupes, de société sont tout de même plus porteurs
et motivants. Le but c'est de ne pas se sentir seul à agir... Ou, plus encore,
en lutte contre une autre partie de la population, plus influente. Et sur ce
point, il faut aussi mentionner l'Université de la Terre, qui aura lieu ce
week-end à Paris et qui chaque année depuis 2005, réunit, autour de ces
questions de l'environnement, des entrepreneurs, des politiques, et des
citoyens engagés, donc des mondes qui, a priori se sentaient en discordance sur
ces questions et ces valeurs.

Vous pouvez retrouver les activités proposées
sur le site earthday.org
. Et ce week-end, à Paris, l'Université de la Terre, dont le programme
est sur universitedelaterre.org.

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