Pascal Picq : "Nous pouvons repousser l'espérance de vie grâce aux nouvelles technologies et la connaissance de la génétique"
Le paleoanthropologue Pascal Picq est l'invité de la "Mise à jour" à l'occasion de la sortie de son livre "Le Nouvel âge de l'humanité". Cet échange avec une lycéenne traite du transhumanisme, un courant culturel et intellectuel qui théorise la possibilité de repousser les limites humaines.
Selon un sondage YouGov paru en 2016, 14,6% des Français croient que les progrès techniques à venir permettront à l'homme d'atteindre une espérance de vie de cinq siècles. La technologie peut-elle répondre à ce souhait ? Pascal Picq, paleoanthropologue publie Le Nouvel âge de l'humanité aux éditions Allary, une discussion avec une lycéenne qui pourrait lever le voile sur cette interrogation.
Il est question ici de transhumanisme, un courant culturel et intellectuel qui prône les découvertes scientifiques et la technologie, lesquelles pouvant repousser les limites physiques et intellectuelles de l'homme. La technologie pourrait donc guérir bien des maux, une idée aussi prometteuse que déroutante. "L'anthropologie est associée à la révolution numérique qui a beaucoup touché nos sociétés (...), les robots sont toujours là, accompagnés maintenant de l'intelligence artificielle. Les laboratoires de recherche des grands acteurs du numérique comme Google sont extrêmement actifs pour vaincre le vieillissement, rajeunir, vaincre la maladie..." explique-t-il.
Le transhumanisme, vecteur d'"amortalité"
Pascal Picq se montre inquiet par ces évolutions et de la vitesse avec laquelle elles ont un impact sur notre quotidien. En effet, certains ingénieurs tels que Ray Kurzweil et Elon Musk pensent "que le monde va basculer grâce à un dépassement possible de ce qu'a légué notre évolution, notre limite biologique", ce qui respecterait la loi de la singularité. Une loi, dictant "que les lois du monde que l'on connaît basculent dans un autre monde et ne s'appliquent plus".
Le transhumanisme véhicule non pas l'idée d'immortalité, mais d'"amortalité" nuance le paléontologue et anthropologue. "Il reste quand même des circonstances dont on ne nous sommes pas maîtres. Néanmoins, avant la Renaissance, la maladie était léguée à la volonté divine. Ensuite, la modernité ainsi que la science et la médecine ont relativisé la nature de ces problèmes en les attribuant à des problèmes techniques. Les baby-boomers ont bénéficié de ces progrès. Aujourd'hui, ils nous disent que la mort peut donc être traitée comme un problème technique." Ces avancées pourraient soulever de nombreuses questions, à l'image de la génération des baby-boomers dont "seule la mort semble désormais lui faire face alors qu'elle a connu une évolution technique sans précédent dans l'histoire de l'humanité."
"Vers un monde post-darwinien"
Mais l'auteur du Nouvel âge de l'humanité ne croit pas à cette espérance de vie prolongée d'environ quatre siècle, pensée par près de 15% des Français : "Cela ne va pas se passer comme cela d'un point de vue évolutionniste. On ne connaît personne, à part Jeanne Calment, qui a dépassé les 120 ans. Nous héritons tous du temps de la gestation, du sevrage, de l'adolescence... Il s'agit de périodes très plastiques, l'évolution peut donc travailler dessus, on appelle cela l'hétérochronie. Les transhumanistes ont raison lorsqu'ils affirment qu'on peut dépasser cet âge grâce à des nouvelles technologies, la connaissance de la génétique... L'idée est bel et bien de passer dans un monde post-darwinien que l'on ne connaît pas et dans lequel on ne peut pas prédire l'espérance de vie", conclut Pascal Picq.
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