Une Espagne divisée et appauvrie
Direction l'Espagne dans "Micro européen", en compagnie de Juan Jose Durado, correspondant espagnol à Paris. Le pays connaîtra près de 13% de chômage à la fin de l'année, pour une population de 47 millions d'habitants. L'inflation est sévère et les prix des aliments notamment ne cessent d'augmenter.
L’Espagne est plus divisée et appauvrie que jamais. Micro européen décrypte aujourd'hui la situation économique ibérique, avec José-Manuel Lamarque et son invité, Juan Jose Durado, correspondant espagnol à Paris.
franceinfo : L’actualité espagnole n’est pas au plus haut, l'inflation est galopante, les prix explosent.
Juan Jose Durado : Les prix explosent. D'ailleurs, les prix des aliments, ces derniers mois, ont monté en Espagne encore plus, à un peu plus de 2,3% par rapport au mois dernier. Ce qui fait que sur la dernière année, les prix de l'alimentaire ont augmenté de plus de 15%.
Ça a un impact sur les familles, ça oblige les mamans et les papas, quand ils vont au supermarché, à ne pas prendre la marque des pâtes qu'ils prenaient tous les jours pour prendre les premiers prix, parce qu'ils voient qu'à la fin du mois, ils n'y arrivent pas. La réalité, c'est ça, c'est que les gens ont du mal à remplir leur frigo parce que les prix alimentaires ont augmenté.
Alors il y a eu les sécheresses. Forcément les prix de première nécessité ont explosé. Mais c'est vrai qu'aujourd'hui, côté prix, l'Espagne n'est pas très bien servie. Et il y a l'inflation. Sur le mois d'octobre, l'inflation est à 7,3, à peu près. Au mois de juillet, elle était à 10,8. Et donc effectivement, les choses ne vont pas si bien que ça, même si parfois on peut toujours trouver un pays où c'est pire.
Oui, et même si avec le Portugal, vous avez réussi quelque part à sauver le marché de l'énergie en mettant des garde-fous à Bruxelles ?
C'est vrai que l'électricité, depuis le mois de juin, pour les Espagnols est moins chère que pour d'autres pays, et ça s'explique. Tout d'abord parce que l'Espagne et le Portugal, c'est en réalité comme des îles énergétiques : on n'est pas interconnecté avec le reste de l'Europe.
Comme d'habitude, l'Ibérie dans toute l'histoire ?
Voilà, donc je crois qu'on était à 3,5 des pourcentages d'interconnexions avec l'Europe, parce que l'électricité qui est fabriquée en Espagne et au Portugal et à 70% d'origine renouvelable. Le vent, le soleil et l'eau. Donc, on n’importe pas du gaz russe en Espagne, au Portugal. Non, essentiellement, on importe du gaz liquide. D'ailleurs, l'Espagne et le Portugal, ce sont les deux pays qui ont le plus d'infrastructures justement pour reconditionner ce type de gaz.
Donc on paye une électricité moins chère. Mais les espagnols sont obligés de faire attention quand ils vont laisser allumer ou pas, quand ils vont mettre le lave-linge, le matin, l'après-midi ou plutôt le soir, pareil pour le lave-vaisselle, il faut quand même faire attention à tout aujourd'hui en Espagne.
Et le chômage ?
Vous savez, l'Espagne est un pays qui va terminer l'année à peu près avec 13% de chômage. Vous comparez avec la France qui est autour de 7%, donc c'est pratiquement moitié moins que l'Espagne. Avec une population moindre. Parce que nous avons autant de chômage qu'en France, c'est-à-dire 3 millions. Il y a 3 millions de chômeurs en Espagne pour 47 millions d'habitants. On a le même nombre de chômeurs qu'en France, mais 20 millions d'habitants en moins. Vous comprenez bien qu'en Espagne, on aime le soleil, on aime faire la fête. Mais ces temps-ci, c’est assez compliqué de la faire.
Est-ce que c'est parce que c'est très compliqué que la situation politique espagnole est de plus en plus compliquée ?
La situation politique espagnole est de plus en plus compliquée parce qu'il y a un clivage de plus en plus profond, entre une Espagne dite de droite et une Espagne de gauche. Dans quelques mois, il va y avoir des élections en Espagne, en 2023, au mois de mai, des élections municipales, régionales, et puis à la fin de l'année, vous allez avoir des élections législatives. Ce qui amène à des partis, notamment du côté de la gauche, des partis qui sont en coalition au gouvernement et qui ont commencé à marquer des différences entre eux, même au sein du gouvernement, justement pour ne pas perdre de l'électorat avant les prochaines élections.
Mais la droite espagnole est aussi très divisée entre la droite conservatrice du Parti populaire, incarnée à l'époque par Mariano Rajoy, et aujourd'hui par Monsieur Feijóo. Et l'extrême droite espagnole des Vox, avec Santiago Abascal qui est aussi en pleine restructuration.
Ce qui explique aussi la résurgence des républicains espagnols ?
Il y a la résurgence des républicains espagnols parce que vous avez un parti qui est carrément républicain, et qui est au gouvernement. C'est Unidos Podemos, la branche dont le leader était Pablo Iglesias. Et ce parti-là, bien sûr, insiste beaucoup sur cet aspect républicain. La réalité, c'est que vous avez, en face, un Parti socialiste aussi. Un gouvernement qui a renoncé à la République, depuis l'époque de Felipe Gonzalez, pour s'accommoder d'un régime qui est une monarchie constitutionnelle, comme l'est l'anglaise ou encore la belge.
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