Micro européen. Le siège du Parlement européen : quand Bruxelles veut faire oublier Strasbourg
Le siège du Parlement européen n'est pas Bruxelles mais Strasbourg. "Micro européen" s'intéresse à un vieux serpent de mer : le retour des sessions parlementaires européennes à Strasbourg, capitale de la démocratie européenne.
Lundi 26 avril 2021, à 17h00, une cinquantaine d'élus, parlementaires, conseillers départementaux, eurodéputés, avaient rejoint Frédéric Bierry, président de la Collectivité européenne d’Alsace, pour demander le retour des sessions plénières au Parlement européen de Strasbourg, parce que la 13e session va se tenir une nouvelle fois à Bruxelles, alors que le siège du Parlement est à Strasbourg.
Autour de Frédéric Bierry étaient présentes : Jeanne Barseghian, la maire de Strasbourg, les eurodéputées Anne Sander et Fabienne Keller, la conseillère municipale socialiste Catherine Trautmann, la présidente de l’Eurométropole Pia Imbs, et le président de la région Grand Est, Jean Rottner, et ce, devant le bâtiment Louise Weiss, le parlement européen de Strasbourg.
Tous, et toutes tendances politiques confondues, ont dénoncé l’instrumentalisation et l'alibi de la situation sanitaire pour maintenir les sessions à Bruxelles, un passage en force bruxellois très mal digéré à Strasbourg en particulier, et en France en général. D’ailleurs le "ras-le-bol" des élus s’est traduit le 19 avril dernier par l’adoption d’une motion par la Collectivité d’Alsace afin de "mettre fin à l'instrumentalisation de cette crise sanitaire qui affaiblit l'institution". Les élus et les eurodéputés comptent bien sur le président de la République pour faire pression, parce que la probable perte du parlement à Strasbourg est inenvisageable pour l’Alsace comme pour la France.
"Nous ne venons pas à Srasbourg, pour protéger les Strasbourgeois !"
Ce furent les mots d’une députée européenne belge dernièrement, comme quoi le Covid a bon dos !... "Les conditions sanitaires sont réunies pour accueillir les eurodéputés, Il faut qu'on montre notre détermination à faire respecter les traités européens. C'est aussi pour cette raison que nous avons saisi la médiatrice européenne, Emily O’Reilly, pour dysfonctionnement du Parlement européen", avait déclaré Frédéric Bierry, devant le Parlement.
À noter encore que le siège de la médiatrice européenne n’est pas à Bruxelles, mais bien à Strasbourg, et ce, Madame O’Reilly devrait aussi le respecter en quittant Bruxelles. La question du siège du Parlement européen se voudrait être un serpent de mer pour les uns, tandis que les autres ne cessent d’imposer une doctrine bruxelloise.
"Nous voulons revenir à la normale. Strasbourg est notre capitale"
Ainsi se prononçait le président du Parlement européen, David Sassoli, en décembre dernier. Les choses étaient une fois de plus claires et nettes, comme quoi le siège du Parlement européen, donc la maison des citoyens et citoyennes de l’Union européenne, est bien à Strasbourg, qui est aussi la capitale de la démocratie européenne.
Cette ville appelée Argentoratum sous les Romains, puis Straßburg, soit Straße, "rue" et Burg, "château", est depuis toujours à la croisée des routes, un important carrefour Nord-Sud, Est-Ouest de l’Europe occidentale vers l’Europe orientale, au cœur de la naissance de l’Europe. Lors du Congrès de La Haye, du 7 au 10 mai 1948, présidé par Winston Churchill, où se sont retrouvés quelques 750 délégués venant de très nombreux pays du continent, ce premier congrès européen a vu la naissance de la première assemblée parlementaire européenne, le Conseil de l’Europe, et la création du Mouvement européen.
Ainsi a été décidé que le siège du Conseil de l’Europe serait Strasbourg, ville symbolique entre la France et l’Allemagne, à l’heure où la réconciliation n’était pas encore au programme, le Conseil de l’Europe s’y installait en 1949. Puis à la création de la CECA, Communauté européenne du charbon et de l’acier, en 1952, l’assemblée parlementaire siégeait aussi Strasbourg, ainsi qu’à l’occasion de la création de la CEE, la Communauté économique européenne en 1958.
Strasbourg, siège unique des séances plénières du Parlement européen, a été inscrit dans les traités européens à l’unanimité pour Maastricht, article 341 du traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne. À noter que ceci a été confirmé en 1997 par la Cour de justice de l’Union européenne, et inclus dans le traité d’Amsterdam, toujours en 1997.
Quand Bruxelles s’oppose à Strasbourg
Pour les partisans de Bruxelles, qui ont tendance à ignorer les traités européens, Bruxelles serait la ville idéale avec son quartier européen, Conseil européen, Commission européenne, et autres institutions de l’UE. Quelque part on pourrait se demander pourquoi les élus européens représentant les citoyennes et citoyens de l’Union européenne et devant défendre l’intérêt général, seraient-ils tentés de militer pour Bruxelles, la ville des cabinets de lobbies divers et variés ? D’intérêts privés…
Quant à la démocratie européenne, ne serait-il pas dangereux de concentrer tous les pouvoirs de décisions en un seul et unique lieu ? Pouvoirs tant décriés par les citoyens et citoyennes de l’Union, à commencer par les euro-technocrates. En somme une oligarchie euro-optimiste vivant dans une bulle, si souvent dénoncée par les eurosceptiques. Comme l’ont signalé certains experts, "la démocratie européenne ne peut être la propriété exclusive de Bruxelles". Soit que Strasbourg serait le témoin d’une Europe polycentrique. En somme, Strasbourg serait perçue comme le symbole d’une Europe plus proche des 448 millions d’Européens.
D’ailleurs le polycentrisme européen était une volonté des Pères de l’Europe, en lieu et place de ce qui pourrait ressembler à une Europe égocentrique quand la devise de l’Union européenne est "L’Union dans la diversité", soit l’Europe des peuples. Et, cerise sur le gâteau, l’hémicycle bruxellois devra bientôt être rénové, soit un coût de 500 millions d’euros, dépense fort mal venue aujourd’hui pour les électeurs européens.
Enfin, il faut dire que Bruxelles est aussi devenue centralisatrice quant aux "sommets européens". Jusqu’en 1999, les sommets se tenaient dans le pays présidant l’Union, et depuis, tout a été rapatrié à Bruxelles, un effet "coquille" étouffant.
L’offre strasbourgeoise
Aujourd’hui, tout est mis en œuvre par l’Etat et la Collectivité européenne d’Alsace pour que les fonctionnaires viennent s’établir et travailler à Strasbourg.
Strasbourg se situe sur l’axe rhénan et la vallée rhénane, important centre universitaire, technologique, industriel et économique européen. Strasbourg compte de nombreuses institutions, le Conseil de l’Europe ; le Parlement européen ; la Cour européenne des Droits de l’homme ; le site d’eu-Lisa soit l’agence de l’Union européenne qui s’occupe de la gestion opérationnelle des plus importants systèmes d’information au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice ; le Médiateur européen ; le secrétariat de l’Assemblée des Régions d’Europe ; l’Etat-major de l’Eurocorps ; la Commission Centrale pour la Navigation du Rhin, la plus ancienne institution européenne 1815, bien avant la naissance la naissance du Royaume de Belgique ; la Fondation européenne de la Science ; l’Université internationale de l’espace ; la Pharmacopée européenne ; le Programme international Frontière Humaine ; le siège de la chaîne franco-allemande Arte ; l’Observatoire européen de l’Audiovisuel ; le programme EURIMAGES du Conseil de l’Europe et la Fondation René Cassin, Institut international des droits de l’homme.
Strasbourg est aussi la deuxième ville diplomatique de France avec 75 représentations diplomatiques et consulats, elle partage avec New-York et Genève le privilège d’accueillir de nombreuses institutions internationales sans être capitale d’Etat. Les détracteurs de Strasbourg auraient du mal à la considérer comme une ville "loin de tout".
9 mai 2021, journée de l’Europe, une bonne occasion pour Strasbourg
Le lancement de la conférence sur l’avenir de l’Union européenne se fera le dimanche 9 mai prochain, à Strasbourg. Si cette conférence concerne l’avis des Européens et des Européennes, la France et l’Alsace comptent beaucoup sur le président de la République, Emmanuel Macron, pour y défendre la légitimité de Strasbourg, siège du Parlement européen.
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