Micro européen. La Turquie en proie à toutes les inquiétudes
Sortie du coronavirus, comment la Turquie fera-t-elle face à la crise économique annoncée ?
La crise du coronavirus a peu touché la Turquie. Pour plus de 82 millions d’habitants, les cas de coronavirus confirmés sont de l'ordre de 162 000 environ, avec plus de 4 000 morts. 60% des cas ont été constatés à Istanbul pour l’instant, et tous les chiffres seront peut-être modifiés à la hausse quand le virus aura disparu. Pour l’heure, l’indice sur lequel nous nous basons est celui du wordmeters.info.
Une épidémie en retard
Il faut dire que la Turquie, comme l’indique notre invité, l'écrivain Ahmet Insel, a bénéficié de plusieurs facteurs. Tout d’abord, l’épidémie est apparue un mois après qu’elle fut déclarée en Europe. Ensuite, les chiffres plutôt bas s’expliquent par le fait que la Turquie est composée d’une population plus jeune que les états européens.
Ensuite, lors de l’accession au pouvoir de l’AKP, le parti du président Recep Tayyip Erdoğan, sa politique avait été favorable au développement du secteur hospitalier, allant en parallèle avec des hôpitaux privés qui avaient eu une politique de création de lits de réanimations et de soins intensifs, afin, raison financière oblige, de pouvoir surfacturer auprès de la sécurité sociale turque.
Ainsi, à l’heure de l’épidémie, voyant cette dernière s’étendre en Europe, les services hospitaliers ont eu le temps de s’organiser. Quant à la question des lits de réanimation des hôpitaux privés, elle fut une aubaine pour ce pays, qui s’est vu mieux doté que certains états européens. Quant au confinement, il fut strict, avec un couvre-feu pour les jeunes et les personnes âgées.
Après l’épidémie, la crise économique
Cette dernière arrive, dans trois mois, nous dit notre invité. Pour l’heure, la situation économique est gelée en Turquie, même s’il n’y a pas eu d’arrêt important de la production. Toutefois, la chute du PIB fait prévoir une récession entre 5 et 10%, avec un taux de chômage qui exploserait, et sans aucuns moyens financiers pour la Turquie pour amortir le choc, comme ce sera le cas en Europe.
La situation économique turque est grave, avec un gouvernement démuni qui se ferme à l’économie mondiale, des mouvements de capitaux arrêtés, accompagnés d’une fuite de ces derniers, et une convertibilité de la monnaie presque suspendue.
Un autocrate vent debout
Face à une telle situation, le président Recep Tayyip Erdoğan augmente ses tensions envers la Grèce, provocations aériennes, maritimes, tentatives d’ingérences dans les ZEE, zones économiques exclusives, grecques et chypriotes, provocations à la frontière nord de la Grèce ; aussi, coups de force en faisant débarquer des migrants sur les côtes grecques, et ouverture des frontières vers l’Europe des réfugiés sur le sol turc, avec souvent l’incursion d’agents des services turcs parmi les migrants.
Comme le dit Ahmet Insel, le président turc veut montrer ses biceps. Les tensions du fait du président turc sont un signal pour un soutien à son pouvoir des nationalistes turcs. Recep Tayyip Erdoğan n’a de cesse de vouloir museler toute opposition, une opposition qui a bien du mal aujourd’hui à s’unir. Enfin, les jeunes en Turquie qui aspirent à plus de liberté ont choisi la chanson des partisans italiens, O bella ciao, afin de marquer leur présence par des actions d’éclats tous azimuts, même si elles sont fortement réprimées.
Une jeunesse grecque solidaire de la jeunesse turque
Le Grup Yorum, groupe musical de gauche très populaire, a vu ses concerts interdits par le gouvernement turc. Les artistes de Grup Yorum sont en butte à plusieurs procès, de nombreuses arrestations, ses concerts interdits donc.
Deux de ses membres sont décédés ; Helin Bölek, kurde de 28 ans, l'une des voix du groupe, est morte à son 288e jour de grève de la faim, à Istanbul, le 3 avril dernier, il protestait contre la répression du gouvernement turc à l’égard du groupe, ainsi que Ibrahim Gökçek, qui a succombé à son 323e jour de grève de la faim, le 7 mai 2020, quelques semaines après Helin Bölek.
Lors des obsèques des deux artistes, la police turque est intervenue, procédant à des arrestations. Par solidarité avec le Grup Yorum, à la mémoire de Helin Bölek et Ibrahim Gökçet, ainsi qu’à Mustaka Koçak, 28 ans, décédé à son 297e jour de grève de la faim, où il clamait son innocence pour accusation de terrorisme par le pouvoir d’Ankara, des artistes et jeunes grecs se sont réunis sur les marches de l’Odéon d’Hérode Atticus, au pied de l’Acropole, à Athènes, en ce mois de mai 2020, interprétant la chanson Tencere Tava Havasi, chanson symbolique, hymne de la jeunesse turque des événements de Geizi en 2013, quand elle s’opposait à l’autocratie d’Erdogan.
Une Turquie qui inquiète ses voisins
La Turquie d’Erdogan est une Turquie qui inquiète aujourd’hui ses voisins. Présente militairement en Libye et en Syrie, elle apparaît comme une force belliqueuse et une puissance belligérante, ce qui n’arrangera en rien le futur de ce pays si séduisant quand on le connaît bien, et dont on ne peut que regretter le sort réservé à ce peuple turc, si attachant.
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