Micro européen. Croatie, élections présidentielles le 22 décembre, stagnation ou bond en avant ?
Ce dimanche 22 décembre, l’avenir de la Croatie est entre les mains des Croates, lourde responsabilité ! État membre de l'Europe depuis 2013, la Croatie se verra à la tête de la présidence tournante de l’Union européenne pour six mois le 1er janvier 2020.
À l’heure des élections présidentielles en Croatie, dont le premier tour se déroulera ce dimanche 22 décembre, l’élu(e) à cette élection devra assumer une double charge : présider la Croatie et l’UE à partir de janvier prochain.
11 candidats et 3 favoris
Comme le précise notre invité, l’ancien journaliste Marko Galic, si les 11 candidats pourraient former une équipe de football croate, ce sont trois figures qui arrivent en tête dans ce suffrage, soit : l’actuelle présidente de la république, Kolinda Grabar-Kitarovic de l’éternel parti conservateur HDZ aux multiples facettes, Zoran Milanovic du parti social-démocrate SDP, ex-Premier ministre que l’histoire ne retiendra pas, enfin le chanteur, économiste et grand homme d’affaire Miroslav Skoro qui s’est auto-proclamé candidat du peuple.
Une présidentielle pour quel pays ?
Hormis la beauté de ses paysages, mer, plaine, montagnes, îles ; sa gastronomie à découvrir et ses vins qui raviraient beaucoup d’épicuriens, son histoire, sa riche culture à commencer par son passé glagolitique, la Croatie n’est pas un pays en "bonne forme", pourrait-on dire…
D’une population d’environ 4,2 millions d’habitants, la Croatie a connu récemment le départ de 300 000 Croates, dont beaucoup de jeunes, ceci pour des raisons économiques, mais aussi en raison de la corruption qui gangrène ce très beau pays. L’économie croate n’est pas florissante, l’état croate fondé en 1991 par Franjo Tuđman, le premier président de la République, doit faire face à de nombreux défis, souvent retardés, voire oubliés.
Ainsi le réseau ferroviaire croate est aujourd’hui quasiment à l’abandon, supplanté par un lobby du transport routier qui fait que le moindre déplacement dans le pays se fait uniquement par autocar, alors que la structure ferroviaire existe, et ne demande qu’à être modernisée. Il en va de même pour le secteur agricole qui avait connu un excellent développement avec le conglomérat Agrokor, devenu aujourd’hui un scandale qui a secoué fortement le pays.
La Croatie bordée par la mer Méditerranée possède 1 000 km de côtes, plus belles les unes que les autres. Mais l’activité maritime n’est pas au rendez-vous de la région. Naguère pays réputé constructeur de navire, la construction navale croate est en forte baisse, tout comme l’activité portuaire à l’image du grand port de Rijeka (ancienne Fiume) qui mériterait aussi un investissement structurel afin d’en faire un des phares économiques de l’Adriatique, et qui voit pourrir sur place le navire de Tito. Et les côtes croates seront bientôt sujettes, d’après les scientifiques, au risque de submersion qui toucherait irrémédiablement le patrimoine culturel et économique.
Séduisante Croatie, seulement en images
Les institutions publiques sont elles aussi touchées par, autant l’héritage de 45 ans de communisme qui a sclérosé le mental croate, mais aussi des compromissions et un clientélisme qui obèrent le bon fonctionnement du système, pour exemple le service de santé publique croate.
Quant à l’administration croate, une certaine lourdeur héritée du Titisme, qui demanderait un véritable "nettoyage de printemps" n’a rien pour attirer les investisseurs étrangers, tant ses méandres et ses labyrinthes bureaucratiques découragent les plus courageux.
Enfin, la Croatie doit aussi faire face à la condition de la liberté d’expression et de la presse. Elle est classée par Reporters Sans Frontières au 64e rang mondial en 2019, alors que l’Autriche sa voisine se trouve au 16e rang mondial, la France au 32e, la Slovénie au 34e, l’Allemagne au 13e et l’Espagne au 29e rang mondial. Seule, une petite élite tire son épingle du jeu par le biais "d’arrangements", bien éloignée des réalités du quotidien, surtout de l’abandon de la population candidate à l’exil coûte que coûte, et ce depuis 2013.
Une figure de légende au rendez-vous de ce 22 décembre
Miroslav Skoro est une figure de légende en Croatie. Ce candidat considéré comme nationaliste est devenu très populaire lors de la guerre de Croatie dans les années 90 par sa chanson "Ne dirajte mi ravnicu", "Ne touche pas à ma plaine", véritable hymne d’espoir et de soutien à la jeunesse croate de l’époque, quand sévissait une guerre impitoyable. Soutien aux hommes croates qui avaient rejoint le front, pas tous hélas, et espoir d’un devenir croate pour la victoire après les batailles "Orage" et "Tempête" de 1995.
Aujourd’hui, ce docteur en économie, homme d’affaire reconnu, se présente aux élections présidentielles. Face à ses deux concurrents, l’actuelle présidente Kolinda Grabar-Kitarovic, qui avait beaucoup donné de sa personne lors de la dernière Coupe du monde de football, mais qui, par la suite, a déçu une partie de l’électorat croate, et le social-démocrate Zoran Milanovic, qui serait le moindre mal d’une gauche qui se cherche, Miroslav Skoro apparaît comme l’ultime recours.
Soutenu par les anciens combattants, certains militaires, une bonne partie de la population, celles et ceux dont la jeunesse a été marquée par la présence des tirs de snipers, les massacres, les exodes, et aujourd’hui ce qu’il reste d’une jeunesse croate en 2019, encore présente sur le territoire national. Son discours du 8 décembre dernier a été un véritable réquisitoire contre le système en place, contre la corruption qui mine la Croatie à tous les niveaux. Ce discours a déclenché un sursaut populaire, ses apparitions en ville, notamment sur le marché de Noël de Zagreb, suscitent l’engouement, et que ce soit en réunion électorale ou dans la rue, tout se termine par la mélopée de "Ne dirajte mi ravnicu", une nouvelle fois, l’espoir.
Un rendez-vous à risque
Le résultat de ces élections sera un signal pour la Croatie, soit un risque de stagnation et d’enlisement, soit l’élan tant attendu par les Croates, surtout par la jeunesse, qui ose toujours fonder des vœux de progrès et d’équité afin d’éradiquer une certaine résignation due, il faut le dire, au clientélisme et à une corruption étouffante.
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