Micro européen. Ces dates méconnues de la construction européenne : Le traité de Bruxelles du 17 mars 1948
Dans son rendez-vous "Micro Européen", José-Manuel Lamarque et son invité, Jean-Dominique Giuliani, nous font découvrir ou redécouvrir les grandes dates qui ont marqué la construction européenne. Aujourd'hui, le 17 mars 1948.
Pour notre invité, Jean-Dominique Giuliani, le président de la Fondation Schuman, "Le traité de Bruxelles est le symbole de l’inquiétude des Européens, face au communisme, renforcé par le discours de Churchill à l’université de Fulton où, pour la première fois, il prédit le rideau de fer entre les deux Europes. Ainsi, il faut agir en faveur d’une défense mutuelle, tout d’abord face aux provocations de l’Europe de l’Est, mais aussi face à la crainte que l’Allemagne ne relève la tête."
Contexte historique
Petit à petit, la guerre froide s'installe en Europe après la fin de la guerre. En 1947, les Européens de l’Ouest voient que Staline, ayant libéré une partie de l’Europe de l’Est, ne retire pas ses troupes, bien au contraire. L’Allemagne est occupée par les quatre puissances victorieuses ; la dénazification a commencé, et autant de doutes subsistent dans les esprits, tant par la crainte de voir Staline renforcer son pouvoir dans les territoires occupés en y installant ses fidèles, que de voir que l’Allemagne reste, encore et toujours, une nation à laquelle on ne peut pas faire confiance.
D’ailleurs, la menace soviétique est dénoncée par le ministre des Affaires étrangères britannique, Ernest Bevin, le 22 janvier 1948, à l’occasion de son discours à la Chambre des Communes. Pour lui, face au risque de la menace stalinienne, il n’est que temps que le Royaume Uni et la France mettent en place une coopération avec les pays du Benelux, soit cinq pays en tout. Ainsi, le 17 mars 1948, ces cinq pays signent, à Bruxelles, le traité dit "de Bruxelles" qui va instituer l'Union occidentale, soit la première communauté de défense.
La guerre froide
En somme, le message de ce traité est double. Tout d’abord montrer aux soviétiques que les Européens savent s’unir face au danger, sans oublier que les Américains sont présents en Europe de l’Ouest, et pour autant, démontrer à l’allié américain que l’Europe, elle aussi, n’est pas passive, autant face au risque de pénétration des troupes soviétiques, que de la présence des troupes américaines. Le traité ne passe pas inaperçu puisque le président américain Truman le cite devant le Congrès américain. Ici le traité de Bruxelles aura devancé le traité de l’Atlantique Nord d’une année, peut-être l’a-t-il inspiré…
Quel traité ?
Au-delà du traité commun de défense, c’est aussi un traité de collaboration en matière économique, sociale et culturelle. Au-delà de la coopération entre États, le traité comporte une clause de défense mutuelle, donc un engagement de tous, si l’un est attaqué, et sa durée est de 50 ans. À noter que ce traité arrive en même temps que le plan Marshall.
Un rythme chronologique soutenu
Il faut dire que ce traité suit le discours de Zurich, ainsi que le Congrès de la Haye, mais il anticipe aussi le traité de l’Atlantique Nord, signé en avril 1949, par les cinq signataires du traité de Bruxelles, rejoint par sept autres États membres.
Le traité de Bruxelles servira de base à la fondation de l’Union de l’Europe occidentale, union de défense, en octobre 1954. Ainsi, l’acte de Joseph Staline d’occuper les pays libérés de sa zone d’influence aura déclenché ce traité de défense commune, qui précédera le discours de Robert Schuman et la création de la Communauté européenne du Charbon et de l’acier de 1950, où surgiront les Pères de l’Europe, les français Robert Schuman et Jean Monet, le belge Henri Spaak, l’allemand Konrad Adenauer et l’italien Alcide de Gaspéri. Sans s’en douter, Staline aura t-il été lui aussi un "Père" de l’Europe sans le vouloir ?
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