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Micro européen. Allemagne, 30 ans après la réunification

Ce samedi 3 octobre, c'est la fête nationale allemande, le jour de l'unité nationale. Henrik Uterwedde de l'Institut franco-allemand de Ludwisburg dresse le tableau de l’Allemagne unie, trente ans après la chute du mur.   

Article rédigé par franceinfo - José-Manuel Lamarque
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Le 3 octobre, jour de la fête nationale allemande. Illustration (GETTY IMAGES)

Il y a trente ans, tombait le mur de Berlin. L’Allemagne de l’Est disparaissait, ainsi que l’Ouest, 45 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne se retrouvait.    

30 ans après, promesse tenue ? 

Depuis les manifestations de Leipzig et la manifestation du 4 novembre 1989 à l’Alexanderplatz à Berlin - c’était cinq jours avant la chute du mur de Berlin, le 9 novembre 1989 - 30 ans se sont écoulés. D’un état centralisé, démocratie populaire, la RDA entrait dans le giron d’une République fédérale, et de l’Union européenne. On imagine l’esprit d’une Allemande, d’un Allemand de l’Est…

En quelques mois, tout change. Arrivent l’appartenance à un état démocratique, une union d’états de l’Europe, la fin de la police politique, une économie de marché, et un paysage quotidien qui, peu à peu, va se transformer de visu. Aujourd’hui, notre invité, Henrik Uterwedde de l’Institut franco-allemand de Ludwisburg nous dresse le tableau de l’Allemagne unie, 30 ans après la chute du mur.   

Un homme célébrant la chute du mur de Berlin, le 12 novembre 1989.  (POOL CHUTE DU MUR BERLIN / GAMMA-RAPHO / GETTY IMAGES)

Non, avant, ce n’était pas mieux….

Gdansk, Varsovie, Budapest, Berlin-Est, Moscou, le chemin fut long avant que ne tombe le mur. Nous étions bien loin de Budapest 56 et de Prague 68, mais il s’était passé quelque chose à l’est. Tout d’abord, le syndicat Solidarnosc avait ébranlé la fin des années 70 et le début des années 80, suivi par l’élection d’un Pape polonais, Karol Józef Wojtyła, Jean-Paul II, celui qui disait : "Non aver paura", "N’ayez pas peur"… Un message pour les décennies à venir, peut-être.

La Pologne tremblait et faisait trembler Moscou, mais un homme savait que rien ne serait plus comme avant, Iouri Vladimirovitch Andropov, Ю́рий Влади́мирович Андро́пов, le grand patron du KGB qui savait, bien avant de remplacer Brejnev à la tête de l’URSS, que plus rien ne pourrait arrêter l’érosion du bloc de l’est. Berlin-Est, dirigé par Erich Honecker, représentait la fin d’une chute annoncée. Un homme allait changer la donne de l’est, Mikhail Gorbatchev, et Honecker ne pouvait plus compter sur l’appui de Moscou. L’Allemagne de l’Est avait vécu des événements impensables, mais réels. L’Église évangélique à la tête de la contestation gagnait du terrain, l’Église St-Nicolas de Leipzig était devenue le symbole de l’opposition qui, chaque lundi, réunissait les Friedensgebet, les prières pour la paix.

Le parti communiste est-allemand voyait ses citoyens qui tentaient de gagner l’ouest par la Tchécoslovaquie ou la Hongrie. À la frontière austro-hongroise, l’archiduc Otto de Habsbourg avait fait cisailler les barbelés pour accueillir des Allemands de l’Est en Autriche. À Berlin, le mouvement du Neues Forum, le nouveau forum, prenait aussi de l’ampleur. Honecker n’avait plus qu’à prendre la fuite et se réfugier au Chili, étonnante destination dans l’ancien pays de Pinochet.

La nouvelle direction du parti communiste est-allemand ne pouvait plus tenir les digues de la contestation pacifique, le mur allait tomber, c’est-à-dire par l’ouverture des frontières le 9 novembre 1989 au soir, par l’annonce à la télévision de Günther Schabowski, membre dirigeant du Politbüro : "Ständige Ausreisen können über alle Grenzübergangsstellen der DDR zur BRD bzw. zu West-Berlin erfolgen“, "Des départs permanents peuvent être effectués via tous les points de passage frontaliers de la RDA vers la RFA ou vers Berlin-Ouest". S’en était fini du mur. Au moins, celui-là. 

Affiche pour la célébration du jour de l'unité allemande.  (GETTY IMAGES)

30 ans après… 

Le rapport annuel sur l'état de l'unité allemande est plutôt positif cette année, même si tout n’est pas réglé. Présenté le mercredi 16 septembre 2020, ce rapport compare en 300 pages les situations économiques et sociales des 16 Länder, les régions fédérales allemandes.

On peut dire que les indicateurs sociaux entre l’Est et l’Ouest sont très proches. Comparativement entre Est et Ouest, la richesse d’un Allemand de l’Est est à 20% de moins qu’un Allemand de l’Ouest, l’écart est en train de se réduire depuis 1990, 65% à cette époque. Le chômage a fortement baissé à l’Est, mais rien n’est terminé, il y a encore beaucoup à faire. Les salaires, en moyenne, restent plus bas à l’Est, 12% par rapport à l’Ouest, et d’anciens modes de vie sont aussi des conséquences de disparités.

À l’Est, les cantines scolaires existaient dans les écoles, pas à l’Ouest, donc encore aujourd’hui plus de femmes de l’Est travaillent, comparées aux femmes de l’Ouest, 74% contre 68%. Les infrastructures allemandes de l’Est se modernisent petit à petit mais n’ont plus rien à voir avec ce qu’elles étaient il y a 30 ans. Il reste la question politique, où la démocratie n’est pas encore bien perçue dans l’ancienne Allemagne de l’Est. C’est la raison pour laquelle la droite nationaliste y enregistre encore de bons résultats. 

Quelle Allemagne à l’Est aujourd’hui

Deux chiffres symbolisent 30 ans de réunification allemande, ceux de l’Allemagne de l’Est. Le PIB par habitant était de 37% il y a 30 ans, aujourd’hui il est de 79%  par rapport à l’ensemble de l’Allemagne. L’économie des Länder de l’Est décolle, et c’est tant mieux. À noter que la population des Länder de l’Est est moins nombreuse que ceux de l’Ouest, avec un certain nombre de villes moyennes peu développées, et une ruralité encore très importante.

Aujourd’hui des générations d’Allemands de l’Est partent en retraite, c’est une nouvelle jeunesse allemande qui prend le flambeau, et les sièges sociaux des grands groupes sont toujours à la peine de s’installer à l’Est, les Länder de l’Est connaissent petit à petit une floraison de PME-PMI, voire de TPE, où une jeunesse allemande qui ne renie en rien ses origines, représente un espoir que leurs parents ont fondé à la chute du mur, ne plus être considéré par "ceux de l’Ouest" comme des "Ossis", ceux de l’Est, mais plutôt  "wir sind an der wende", "ceux et celles du Tournant".              

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