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"Le flanc sud de l'Europe est en train de bouger considérablement", estime Pascal Ausseur, directeur de la FMES

L'Europe tournée vers la Méditerranée. Décryptage avec Pascal Ausseur, directeur de la Fondation méditerranéenne d'études stratégiques, invité de José-Manuel Lamarque.
Article rédigé par franceinfo - José-Manuel Lamarque
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
L’Atlas stratégique de la Méditerranée et du Moyen-Orient de la Fondation méditerranéenne d’études stratégiques. (FMES)

La Méditerranée est un lieu stratégique qui nous tient à cœur en Europe. Pascal Ausseur, directeur de la Fondation méditerranéenne d'études stratégiques, FMES, est l'invité de Micro européen.

franceinfo : Pascal Ausseur, vous avez commis un atlas, l'Atlas stratégique de la Méditerranée et du Moyen-Orient. Particularité, votre atlas, on peut l'avoir en papier, mais il est surtout sur Internet et en plus, c'est gratuit, ouvert à tous ? 

Pascal Ausseur : Absolument, la Méditerranée, le Moyen-Orient, c'est extrêmement important pour nous Français, pour nous Européens. Ce qu'on pourrait appeler le flanc sud de l'Europe est en train de bouger. Il bouge considérablement, il se tend. C'est un bouillon de culture en termes stratégiques, en termes de tensions. Et notre avenir est là.

Et il nous a semblé avec Pierre Razoux, avec Pascal Orcier, qui est un très bon cartographe, qu'il était important que le citoyen, même celui qui n'est pas un expert, comprenne de la manière la plus claire possible, ce qui se passe dans cette région. On a pensé que c'était essentiel que le maximum de gens s'approprie les enjeux de sécurité de cette zone, qui est vitale pour la France et pour l'Europe.

Zone qui a toujours été vitale dans l'histoire du monde ?

Qui a toujours été vitale. Mais c'est vrai qu'avec la globalisation, on pouvait croire que les choses se passaient ailleurs. En fait, pas du tout. Ces deux rives de la Méditerranée, au lieu de converger comme on pensait qu'elles le feraient, il y a une trentaine d'années, au contraire, divergent sur tous les points de vue : culturel, démographique, politique, économique, de développement, etc…  Donc, on a un vrai besoin de comprendre ce qui se passe, de comprendre ces tensions. Et en plus, on a des tensions extérieures qui viennent s'inviter sur ce théâtre.

Plusieurs parties : les grands enjeux du bassin méditerranéen, un Moyen-Orient au carrefour des rivalités mondiales, les défis sécuritaires dans le bassin méditerranéen et au Moyen-Orient, les recompositions géopolitiques dans le bassin méditerranéen, et vous dites toujours au Moyen-Orient, et en troisième plan, ce sont les bilans et rapports de force de la zone Afrique du Nord et Moyen-Orient.

Donc vous allez beaucoup plus loin que la Méditerranée en réalité ? 

Absolument, parce qu'en fait, c'est un continuum. Ce qui se passe en Méditerranée et ce qui se passe au Moyen-Orient est de plus en plus interconnecté. On assiste d'ailleurs à une forme de, si l'on peut dire, de "Moyen-Orientalisation" de la Méditerranée. Les acteurs du Moyen-Orient, le Qatar, les Emirats, l'Arabie Saoudite, l'Iran, sont de plus en plus actifs en Méditerranée, que ce soit dans la rive sud, mais également chez nous en France, dans la rive nord.

Les lobbies sont là, et les conflits entre eux, se règlent aussi chez nous. Donc, on a voulu à la fois donner des clés de lecture globale, on part de la situation du monde, puis régionale, et puis après pays par pays, on essaie d'analyser, par des fiches-pays assez simples, avec beaucoup de rigueur et en même temps, compréhensible par tous.

Pour chaque pays, on explique quels sont les enjeux stratégiques, quelle est la politique du pays et quelles sont ses capacités militaires, avec non seulement une approche quantitative, mais également (l'Ukraine nous montre que c'est important) un avis qualitatif sur la réalité de l'efficacité et de la capacité de ces armes.

Et on essaie de voir pour chacun des pays, quelles sont ses forces et ses faiblesses, quelles sont ses ambitions. Et puis, on a pris le risque aussi d'étudier des scénarios de conflits dans cette Méditerranée. Donc on en a identifié trois : le Maroc et l'Algérie ; l'Iran, Israël et le Hezbollah ; la Turquie, la Grèce et Chypre. Trois types de scénarios méditerranéens qui, malheureusement sont crédibles.

Avec un pivot en Méditerranée, c'est la Turquie ? 

Absolument. C'est une puissance qu'on n'aurait probablement pas été considérée, en tant que telle, il y a 10 ans ou il y a 15 ans, qui aujourd'hui, est incontournable en Méditerranée. C’est une puissance régionale, mais qui s'affirme comme une puissance avec tout ce que ça sous-entend comme vision politique de long terme, comme volonté de peser sur les événements et sur son entourage, comme stratégie à la fois culturelle, politique, économique, militaire bien sûr, industrielle, pour développer cette volonté de puissance. Et donc aujourd'hui, la Turquie est incontournable en Méditerranée.

Une fois encore, l'objectif, c'est que tout le monde puisse s'approprier ces sujets, parce que ce ne sont pas des sujets d'experts. Ce n'est pas réservé à une petite élite de gens qui s'intéressent à la géopolitique. Je pense que n'importe quel citoyen qui réalise que ce qui se passe à l'extérieur impacte fortement son quotidien, qu'il soit économique, des problèmes d'emploi, des problèmes de coût de l'énergie, qui sont des problèmes quelquefois, aussi, de survie. Parce que quelquefois la guerre s'invite, là où on ne l'attend pas.

Et vous n’avez pas oublié l'environnement dans cet atlas...

Bien entendu, on a des cartes sur l'impact environnemental et de la dégradation environnementale sur les enjeux stratégiques. Évidemment, tout cela rajoute de la tension à la tension préexistante.

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