La diplomatie internationale : une longue histoire

"Grands diplomates, les maîtres des relations internationales de Mazarin à nos jours", sous la direction d’Hubert Védrine, est édité chez Perrin. Pour découvrir ou redécouvrir Charles Gravier de Vergennes, en compagnie de Bernard de Montferrand, diplomate honoraire.
Article rédigé par franceinfo - José-Manuel Lamarque
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"Grands Diplomates, les maîtres des relations internationales de Mazarin à nos jours", a été édité chez Perrin. (Illustration) (HAMZATURKKOL / E+ / GETTY IMAGES)

Aujourd'hui, focus sur la diplomatie internationale, avec un ouvrage sous la direction d'Hubert Védrine au titre évocateur, Grands Diplomates, les maîtres des relations internationales de Mazarin à nos jours , édité chez Perrin, et nous allons découvrir ou redécouvrir Charles Gravier de Vergennes, en compagnie de Bernard de Montferrand, diplomate honoraire. 

franceinfo : Vous êtes un spécialiste de Vergennes, vous avez déjà écrit sur Vergennes…  

Bernard de Montferrand : Oui, j'avais écrit une biographie de Vergennes qui était pour moi un très grand ministre des Affaires étrangères français, et qui était passé à la trappe, si j'ose dire. C’est-à-dire qu'on connaît son nom, mais on ne sait pas très bien qu'il a été l'artisan de l'indépendance des Etats-Unis. C'est lui qui a vraiment tiré les fils de toute cette affaire, et c'est un homme qui a défendu les intérêts de la France d’une manière que je considère comme exceptionnelle.

Vergennes, c'est sous Louis XVI, replaçons dans son époque, et Vergennes commence sa carrière diplomatique, son apprentissage grâce à son oncle… 

Alors, dans toutes les grandes carrières, il y a ce qu'on appelle un parrain, ou quelqu'un qui est un protecteur. Et Vergennes était un petit Bourguignon, si j'ose dire, d'une famille de noblesse bourguignonne qui n'avait pas accès à la cour. Et il se trouvait qu'il avait un grand-oncle qui a été un personnage absolument exceptionnel, très très grand ambassadeur et surtout, un homme qui avait une habileté, un culot et un entregent exceptionnel, et qu'il l’a pris sous sa coupe. Il lui a, si j'ose dire, passé tous les trucs du métier, et lui a appris les relations internationales et la dureté des relations de pouvoir.

Et Vergennes, quand vous citez son grand œuvre, l'aide aux futurs Américains, Vergennes a vraiment agi. Mais Vergennes amène aussi une notion dans la relation diplomatique par rapport à son expérience, c'est qu'il y introduit le droit public…  

Oui, alors c'est quelque chose de tout à fait novateur et remarquable. C’est-à-dire que Vergennes est un partisan de ce qu'on appelle l'équilibre des pouvoirs, c’est-à-dire, les pays ne sont pas toujours très raisonnables, et pour maintenir l'équilibre international, il faut que les forces s'équilibrent précisément. Mais là, il a fait quelque chose de tout nouveau et c'est ce qu'il a dit : "Je ne le fais pas pour les intérêts de la France ou de tel ou tel pays. Je le fais pour le droit public".

Et le droit public, qu'est-ce que c'était ? C'était au fond une notion assez imprécise, mais qui était en gros de respecter les accords établis. Vous signez quelque chose, vous le respectez. C'est à partir de cette règle que des relations internationales à peu près confiantes, et plutôt pacifiques, peuvent se dérouler. Et c'est lui qui a inventé ça. Vergennes a été un peu l'inventeur de l'équilibre des pouvoirs en Europe. 

Vergennes était l'homme du temps long ?

Vergennes voyait à long terme. Il avait, à mon sens, pour un ministre des Affaires étrangères, de très grandes qualités. La première, c'est qu'il savait très précisément définir les intérêts de la France, ne pas se tromper. Il ne faut pas, par exemple, se battre et sur la terre et sur la mer, parce que dans ce cas-là, on a à la fois les puissances continentales, plus l'Angleterre, il faut choisir soit la mer, soit la terre. Et donc dans un cas, par exemple, faire la paix, quoi qu'il arrive en Europe, pour être libre sur la mer.

La deuxième chose, c'est qu'il avait une espèce de capacité à définir des intérêts communs de la communauté internationale. Et ce que vous avez dit tout à l'heure, l'intérêt du droit public, c’est-à-dire, par exemple la liberté des mers, le principe de la liberté des mers, tout le monde peut se retrouver là-dessus. C'est un principe de base qui bénéficie à tout le monde. Et ça, c'est très difficile de réunir la communauté internationale sur des choses très simples où chacun se retrouve.

Avant Vergennes, c'est Choiseul, après Vergennes, c'est Talleyrand. Est-ce que quelque part, même s'ils ne se sont pas rencontrés, Vergennes a influencé Talleyrand ?

Sûrement, parce que les deux étaient des réalistes. Quand on dit réaliste, ça ne veut pas dire cynique. Vergennes considérait que quand on défend des idées, ou quand on défend des intérêts, il faut avoir la force derrière soi, et que si on n'a pas la force, on ne compte pas.

Et de Vergennes, il nous reste, bien sûr, son héritage diplomatique, mais aussi le fameux siège de Vergennes ?

Oui, alors c'est un symbole. C’est-à-dire que Vergennes est resté 12 ans ministre des Affaires étrangères. Alors, quand on reste très longtemps, on dit c'est quelqu'un qui a duré pour ne rien faire au fond, mais pas du tout. Vergennes, c'est quelqu'un qui a duré pour faire des choses. Et ce siège, quand on dit aujourd'hui à un ministre des Affaires étrangères s'asseyant derrière le bureau de Vergennes, ça montre bien l'importance de ce personnage, parce qu'il a incarné non seulement une politique, mais aussi une continuité et surtout l'action, l'action et le volontarisme. 

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