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La chute d’un aiglon autrichien

Le jeune chancelier autrichien, Sebastian Kurz, a donc été poussé à la démission samedi 9 octobre, à la suite de soupçons de commandes de sondages en sa faveur auprès d’un institut de sondages et d’un quotidien gratuit.

Article rédigé par franceinfo - José-Manuel Lamarque
Radio France
Publié Mis à jour
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Sebastian Kurz, le jeune chancelier autrichien contraint à la démission, le 9 octobre dernier, ici en session au Parlement autrichien le 14 octobre 2021.  (CHRISTIAN BRUNA / EPA / MAXPPP)

Sebastian Kurz, le jeune chancelier autrichien, est à l’image du passé impérial de l’Autriche, le "schatzkammer", chambre des trésors de l’Europe, tant ses paysages prêtent au rêve, à la sérénité, et un passé aujourd’hui souvenir coloré d’absence.

Ce jeune chancelier, qui naguère fut le plus jeune ministre des Affaires étrangères en Europe, a été poussé à la démission samedi 9 octobre dernier, à la suite de soupçons de commandes de sondages en sa faveur, auprès d’un institut de sondages et d’un quotidien gratuit, comme nous l’a expliqué notre invité, le journaliste Danny Leder.

Jeune premier dans un film de Sissi

Sebastian Kurz avait tout du jeune premier des films en uniformes autrichiens des années 50, couleurs "agfa". La prestance, l’élégance, la distance, la capacité, et l’image d’un pays bien que devenu plus petit que ne fut son empire, Sebastian Kurz savait "garder son rang" au grand plaisir des Autrichiens, surtout quand l’ancien président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, voulait l’adouber par son éternel "bisou" politico-diplomatique si coutumier qu’il en devenait idiot et fruste à la fois.

Mais l’étoile montante de la politique autrichienne ne connaît point son chant du cygne, tout du moins une épreuve à surmonter, dans ce pays où l’on espère que la politique étrangère, diplomatique, deviendra une référence quant à une politique étrangère balkanique européenne. De démission en succession, c'est son fidèle ministre des Affaires étrangères, Alexander Schallenberg, qui lui succède à la chancellerie.

Paysage viennois

Aujourd’hui, l’Autriche est gouvernée par une coalition verte-conservateurs, il faut dire que les "clairs obscurs" n’ont jamais dérangé l’atmosphère viennoise. Ainsi le président de la République, Alexander Van der Bellen, ancien porte-parole des verts, partage le pouvoir avec le parti conservateur autrichien, l’ÖVP. Une nouvelle fois, les sociaux-démocrates sont dans l’opposition, eux qui avaient connu leur heure de gloire dans les années 80 avec leur chancelier Bruno Kreisky. Il faut dire qu’ils partagent l’opposition avec le parti libéral FPÖ, parti plutôt nationaliste, le parti de feu Jörg Haider.

Un nouveau chancelier

Alexander Schallenberg, le nouveau chancelier autrichien est donc l’ancien ministre des Affaires étrangères du gouvernement Kurz. Entre les deux hommes, il n’y a pas l’épaisseur d’un feuille de cigarette, tant ils sont liés. D’aucuns disent sur le Ring de Vienne que le système Kurz n’a pas disparu. En effet, mercredi 13 octobre, sur les chaînes de télévision autrichiennes, le nouveau chancelier a ouvertement revendiqué la continuité avec son prédécesseur, en évoquant un consensus très fort, et affirmant que le système Kurz est toujours là…

Un nouveau chancelier se disant convaincu de l’innocence de Sebastian Kurz, et cerise sur le gâteau, pour Alexander Schallenberg, Sebastian Kurz pourrait de nouveau être chancelier, comme le rapportent les quotidien Wiener Zeitung et Salzburger Nachrichten, et malgré tout, serait-il d’après l’hebdomadaire Der Spiegel de Hambourg, "toujours sous le charme des Autrichiens".

Se rendant à Bruxelles, Alexander Schallenberg s’exprimant après sa rencontre avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a estimé dans les colonnes du quotidien Wiener Zeitung qu’un remaniement gouvernemental est quelque chose de parfaitement normal. Ainsi le chancelier se prépare- t-il à accuser les coups de boutoirs de l’opposition quand Sebastian Kurz, lui, est redevenu député et chef de file de l’ÖVP au Parlement.

Les affaires de corruption

Si le parquet anti-corruption autrichien demande la levée de l’immunité parlementaire de Sebastian Kurz, ce dernier ne s’y opposant pas, les accusations de corruption au niveau du gouvernement autrichien commencent à poindre, et pas seulement au niveau du ministère des Finances.

Ainsi dans les semaines à venir le paysage politique risque d’être fortement secoué, et ce, malgré une étrange sérénité venant de Sebastian Kurz. Enfin, le remplaçant du nouveau chancelier au ministère des Affaires étrangères est Michael Linhart, l’actuel ambassadeur d’Autriche en France, un homme qui connaît parfaitement les rouages de la diplomatie et qui en a gardé une certaine forme d’humour "diplomatique".

En écrivant ces lignes autrichiennes, j’ai une pensée pour ma consœur Eva Twaroch, journaliste correspondante de la télévision autrichienne ORF, disparue trop tôt, "Servus Eva…".

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