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Istanbul, la ville mosaïque

A l’occasion de la sortie du "Dictionnaire amoureux d’Istanbul", "Micro européen" reçoit son auteur, Metin Arditi. Pour Metin Arditi, si Istanbul est la ville qu’elle est, c’est grâce aux eaux.  Ce sont des terres qui embrassent la mer.

Article rédigé par franceinfo - José-Manuel Lamarque
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Vue aérienne d'Istanbul avec la mosquée Süleymaniye et l'Université Haliç. (Illustration) (UGURHAN / E+ / GETTY IMAGES)

Istanbul est une grande ville turque à cheval entre l'Europe et l'Asie, séparée par le détroit du Bosphore. La corne d’or est en Europe, elle se jette dans le Bosphore, au nord, c’est la mer Noire, et au sud la mer de Marmara, qui, elle-même amène à la mer Égée et à la Méditerranée. Pour comprendre l’histoire d’Istanbul, il faut examiner sa géographie avec ces terres baignées par des mers stratégiques, qui le sont plus que jamais aujourd’hui.

Byzance, Constantinople et Istanbul

Cette terre a attiré tous les grands pouvoirs, parce que contrôler le Bosphore et le détroit des Dardanelles, c’est dominer une large part de cette région du monde. Istanbul est appelée La Sublime Porte, et ce n’est pas une image, tant elle est une porte entre Orient et Occident. Elle est le résultat de l’installation de différentes civilisations, païenne, chrétienne, musulmane, donc une mosaïque colorée et enrichie par des peuples divers et variés. 

De Byzance à Constantinople, cette ville comptait 500.000 habitants en 1250. À sa chute en 1453, alors que les Grecs demandaient l’aide de Rome, et d’autres pays européens, les Turcs s’y installèrent, ce sera le règne des Sultans. Mehmet, le Conquérant d’Istanbul, avait demandé de ne jamais toucher à la basilique Sainte-Sophie. Lors de l’Inquisition en Espagne, les juifs furent chassés en 1492, Bajazet II fit venir des navires pour récupérer les Séfarades, ainsi, Istanbul devint aussi une ville séfarade. Ils allaient vivre aux côtés des Grecs et des Arméniens, dans les quartiers de Balat et Fener, où se trouve le Patriarcat grec.

L’inclusion

Le principe de la politique des Sultans était l’inclusion. Au début du XVIe siècle, Selim 1er, père de Soliman le Magnifique, partit à la conquête de la Perse, prenant Tabriz et en emmenant 700 familles d’artistes et artisans qui travailleront au palais de Topkapi et contribueront à l’art ottoman, tout comme les artistes venus du Caire à cette époque. Ainsi, tant que l’empire était fort il avait – au regard des civilisations qui n’étaient pas la sienne – une attitude inclusive, constructive, pour le profit de l’empire.

Ce qui était le cas des Janissaires, ces enfants enlevés au cours des batailles ottomanes, convertis et élevés au palais, avec les enfants de dignitaires. Ils allaient devenir, pour les plus capables, des Pacha (généraux). Une vingtaine de grands vizirs sur 25 étaient d’origine chrétienne, ou encore de grands architectes, tel le sultan Sinan, le plus grand architecte de l’empire et de son siècle, qui a construit la mosquée Süleymaniye. Sinan, d’origine chrétienne, qui a édifié à la fin de sa vie une église à la mémoire de sa mère. D’ailleurs, une majorité de sultans étaient, par leurs mères, d’origine chrétienne.

Istanbul et la mer

Istanbul est aussi et peut-être d’abord une ville de marins à en observer le trafic maritime aussi dense. Pour un navigateur, c’est une certaine dextérité et un savoir-faire unique quant à la profusion de navires, petits, moyens et grands, qui se rencontrent, se croisent, tout cela dans un ballet maritime unique au monde.

Et puis, Istanbul ce sont les îles aux Princes. Les fameuses îles aux Princes que l’on appelait Prinkipo, là où les princes indésirables de Byzance étaient détenus, ainsi que ceux de l’empire ottoman. Ces îles aux Princes, que l’on rejoint d’Istanbul par une courte traversée, avec Büyükada, la plus grande, la plus symbolique, îles qui, dès Constantinople et par la suite, ont été investies par les élites économiques qui y ont fait construire de belles maisons. Büyükada, l’île aux calèches, sans automobiles, l’île qui se conjugue entre les fleurs qui l’embellissent et la mer de Marmara.

Et Constantinople deviendra Istanbul

À partir de 1930, Constantinople deviendra Istanbul, l’empire aura disparu, et comme le dit Metin Arditi : "L’empire était fort quand il était pragmatique, et cela a duré tant que les sultans préféraient la guerre au plaisir, quand ils ont favorisé les plaisirs à la guerre, au début du XIXe siècle, ceci a sonné le début de la fin de l’empire un siècle plus tard…" Aujourd’hui la ville conserve son charme, ses mystères, sa magnificence, en un mot, elle est toujours magique.

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>>> Le dictionnaire amoureux d'Istanbul de Metin Arditi est publié chez Plon.
>>> Constantinople 1453, Des Byzantins aux Ottomans sous la direction de                Vincent Déroche et Nicolas Vatin, aux éditions Anacharsis

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