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Comment l'Allemagne aborde ce début d'année 2023 ?

Comment les Allemands appréhendent-ils 2023 ? En ce début d'année, "Micro européen" prend le pouls des pays d'Europe, avec aujourd'hui le journaliste Kai Littmann pour l'Allemagne. 

Article rédigé par franceinfo - José-Manuel Lamarque
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Alexanderplatz, à Berlin. Les Allemands "sont pris par une angoisse énorme. Ils ont peur d'une baisse du niveau de la vie, ils ont peur de perdre leur logement, de perdre leur travail", souligne le journaliste Kai Littmann. (Illustration) (SPREEPHOTO.DE / THE IMAGE BANK RF)

Micro européen en ce début de janvier 2023 reçoit des journalistes européens afin de prendre le pouls des Européens, pays par pays. Aujourd’hui l’Allemagne, avec Kai Littmann. Kai Littmann est le directeur de eurojournalist.eu.

franceinfo : Comment les Allemands vivent ce début 2023 ?

Kai Littmann : Premier constat : les Allemands sont pris par une angoisse énorme. Les Allemands, ont peur. Ils ont peur d'une baisse du niveau de la vie, ils ont peur de perdre leur logement, leur travail. Ils ont peur de l'augmentation du coût de la vie. Et ce phénomène-là concerne quand même plus des deux-tiers des Allemands.

C'est dû à quoi cette peur ?

C'est toute l'évolution qu'on vit depuis trois ans. Et c'est très intéressant, parce que les sujets qui font peur changent un peu au niveau de leurs priorités. C'est très intéressant de suivre ça sur un laps de temps de trois ans, et de voir comment cette peur se déplace.

Cette angoisse, c'est aussi la guerre en Ukraine ?

Énormément. Il y a 80% des Allemands qui ont peur que cette guerre puisse évoluer de façon à ce que des soldats allemands soient directement impliqués dans les combats, chose qui n'est pas tout à fait réaliste. Le 1ᵉʳ janvier, l'Allemagne a pris le commandement de la troupe d'intervention rapide de l'OTAN : 8000 soldats sur les 11 500 de ces troupes. Et quand on considère l'état de l'équipement et le moral des troupes allemandes, ce n'est pas ça qui fera peur au Kremlin.

En plus du moral des troupes allemandes, de cette angoisse, il y a aussi la question politique ?

Et là-dessus, c'est catastrophique. 80% des Allemands ne font plus confiance en leur gouvernement. On estime que ce gouvernement n'est pas en mesure de faire face aux multiples crises. On constate que toutes les promesses concernant des solutions européennes ont été vaines, et là-dessus, quand il y a cette majorité de la population qui n'a plus confiance en son équipe dirigeante, c'est très mauvais.

Ça veut dire que le gouvernement ne peut plus non plus faire fonctionner la planche à billets ?

On arrive quand même à un point où on ne peut plus casser la tirelire, parce qu'il n'y a plus de tirelire. Et celle qui existe encore, il n’y a rien dedans.

Pour les Allemands, il y a un manque de ligne claire de la part du gouvernement, il y a toujours ce risque d'explosion de la coalition ?

Il est tout à fait concret. On constate quand même depuis quelques mois que les trois partenaires de la coalition affichent de plus en plus des positions très divergentes. Il y a le FDP, qui s'oriente de plus en plus vers la droite.

Ça, ce sont les libéraux ?

Ce sont les libéraux qui sont un peu le partenaire traditionnel des conservateurs de la CDU. De l'autre côté, on a les Verts et le SPD, et même entre ces deux équipes dites de gauche, il n'y a pas de cohésion. Scholz, le chancelier, travaille aujourd'hui presque contre Annalena Baerbock, qui est la ministre des Affaires étrangères qui diffuse des théories de sécurité européenne, assez bizarres. Il n'y a plus d'unité dans cette coalition à trois, et je pense que ça peut être une des choses qui peut arriver en 2023, l'explosion de cette grande coalition à Berlin.

Est-ce que la pandémie fait partie de cette angoisse ?

Étonnamment, non. Elle est tombée à la 12ᵉ ou 13ᵉ place dans le classement des soucis des Allemands. Et les discours politiques, comme dans d'autres pays, veulent que cette pandémie soit terminée, malgré les informations inquiétantes qui nous arrivent de Chine. Pour les Allemands, la pandémie, c'est presque quelque chose qui fait partie du passé, jusqu'à la prochaine grande vague.

Dans cette angoisse, est-ce que les Allemands font toujours confiance à l'euro ?

Oui, à l'Europe, non. L'Allemagne est le pays qui a le plus profité de l'introduction de l'euro. C'est un pays totalement axé sur les exportations. Donc l'euro est une bonne chose pour l'Allemagne, par contre les institutions européennes, avec les scandales de corruption, avec l'inefficacité dans quasiment tous les grands sujets d'aujourd'hui, les Allemands sont sceptiques.

L'Allemagne qui a toujours été un pays fervent défenseur de l'Union européenne. On entend de plus en plus de gens qui demandent : "Mais l'Europe, ça sert à quoi ?". Et ça, c'est une évolution qui est également très inquiétante. Parce qu'à partir du moment où la majorité des Allemands commencent à avoir une attitude anti-européenne, ce sera difficile de maintenir l’Union en l'état.

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