Jean Galfione, médaille d'or à la perche à Atlanta : "Elle m'a montré que j'avais le droit de croire en tout ce que j'avais envie de faire"
Médaillé d'or à la perche en 1996 à Atlanta, Jean Galfione, 52 ans, a été le premier perchiste français à effacer la barre des 6 mètres. Installé en Bretagne, il se consacre désormais à sa seconde passion, la voile.
franceinfo : Le 2 août 1996 à Atlanta, dès votre premier essai, vous passez une barre à 5,92 mètres et devenez champion. Vous souvenez-vous de ce moment au pied du podium à commenter cette médaille d'or ?
Jean Galfione : C'était un moment très fort. Chaque seconde en sortant de ce podium était important, parce que je savais que ma vie était en train de doucement changer. Et à partir de ce moment-là, les choses ont été différentes dans plein de domaines, parce qu'on est beaucoup plus sollicité. On est reconnu par le public, et pas que par les spécialistes de l'athlétisme ou du sport en général.
On rentre un peu dans l'histoire du sport français, donc le grand public est fier de son champion, et toutes les raisons sont bonnes pour appeler un champion. C’est-à-dire que ça va de l'inauguration d'un stade à celle d'un magasin de sport, en passant par les fêtes privées. Et, tout ça, il faut le gérer.
Cela signifie que vous avez dû faire du tri ?
Énormément. J'étais bien structuré avant, il y avait des gens qui s'occupaient un petit peu de moi, mais je me suis réfugié derrière eux, parce que le plus difficile, c'est de dire "non". Les gens ont une grande sincérité, ils sont sympas. Pour eux, leur projet est le plus beau projet du monde. Et c'est compliqué de savoir dire non, de choisir.
Donc il a fallu m'aider. Ce qui était difficile, c'est qu'il fallait s'entraîner dur, il fallait continuer. Et à côté de ça, il fallait répondre aux sollicitations. On était le plus beau, le plus fort, le plus intelligent. Et ça, c'était tous les jours. Il y avait un petit contraste où il faut accepter d'aller au combat, d'être dans le dur, accepter de faire des séances d'entraînement, où on finit et on n'est pas bien. Et il faut aller un peu vers son inconfort. Et le soir, on me mettait dans le plus grand des conforts, donc c'était parfois compliqué.
Ça, c'était pendant la période où vous avez continué votre carrière d'athlète de perchiste, après les JO d'Atlanta, mais une fois que vous avez rangé les perches, vous avez gardé ce statut, cette notoriété. Comment ça s'est passé ?
Je suis parti aux Jeux de Sydney en première classe, parce que j'étais champion olympique sortant, et je suis rentré en classe économique, parce que je m'étais planté là-bas. Vous voyez, tout ça est relatif. Celui qui se trompe, c'est celui qui pense qu'il sera au sommet de sa reconnaissance et de sa gloire toute sa vie. Ce n'est pas vrai.
Mais, en revanche, ce que m'a permis ce titre olympique, c'est de pouvoir aller jusqu'au bout de mes rêves, de ce que j'avais vraiment envie de faire. J'avais envie de naviguer, j'avais envie de faire de la voile, du bateau et ça m'a permis à un moment donné d'accepter que je puisse repartir pas vraiment à zéro, mais de repartir à la conquête de quelque chose qui me tenait beaucoup à coeur.
Le titre olympique vous a servi sur le plan humain ?
Exactement. Moi, j'étais un gamin pas forcément bien dans sa peau, avec plein de complexes. Être champion olympique, faire une carrière complète, avec des hauts, des bas, mais avec des choses assez exceptionnelles, ça m'a simplement montré que j'avais le droit d'y croire, le droit de croire en tout ce dont j'avais envie. Et je pense que c'est un peu ce qui manque parfois, c'est de se dire et pourquoi pas moi ? Et moi, je sais que ma première vie m'a permis de me dire : "Mais pourquoi pas moi ?" Rien n'est interdit.
La médaille d'or décrochée à Atlanta, vous la regardez souvent ? Elle a une bonne place chez vous ?
Oui. Je la prends de temps en temps, je la montre à des enfants quand je fais des conférences parfois, on me la demande, donc je la promène.
Et qu'est-ce que vous en raconter en la promenant ?
Je raconte que ce bout de médaille d'or est extrêmement rare sur notre territoire, parce qu'aujourd'hui, on est que quatre champions olympiques français (NDLR: d'athlétisme) vivants. Et, en fait, c'est comme dans Le Seigneur des Anneaux, c'est "Mon précieux". C'est quelque chose que tout le monde ne peut pas toucher.
Il y a des gens pour qui ça représente tellement quelque chose de puissant et de fort, c'est un engagement de toute leur vie de sportif, d'admiration pour l'olympisme, que quand ils sont devant cet objet, ils se brûlent à le toucher, et d'ailleurs ils ne le touchent pas, ils ont tel respect. Et ça, je l'ai découvert avec le temps. Il y a des gens qui le prennent dans les mains, qui se mettent à pleurer, et c'est assez étonnant comme symbole, juste autour de ce bout de métal.
Quand je prends cette médaille, ça me fait toujours quelque chose. Je ne la mets jamais autour de mon cou par exemple. Pour moi, la remettre autour de mon cou aujourd'hui, c'est comme un déguisement. Et par respect pour l'olympisme, pour les valeurs de l'olympisme, pour les valeurs du sport en général et de cette victoire, il y a quelque chose qui m'empêche de le faire.
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