Peter Brook est un dramaturge et metteur en scène britannique, d’abord pour la Royal Shakespeare Company, puis avec le Centre international de recherche théâtral (CIRT) qu’il fonde à Paris en 1970. Ses nombreuses mises en scènes de Shakespeare ainsi que son spectacle Mahabharata, représenté pour la première fois au festival d’Avignon en 1985, participent à sa notoriété. Cinquante ans après Mai-68, il choisit un "non-pavé" contre la violence, et rend hommage au théâtre et son pouvoir d’ouvrir l’homme sur le monde. Il publie Du bout des lèvres aux éditions Odile Jacob. Olivier de Lagarde : Pourquoi est-ce que le théâtre désamorce la violence, selon vous ? Dans le théâtre, et Shakespeare notamment, il y a beaucoup de violence. Peter Brook : Oui, mais ce n’est pas ça. Aujourd’hui, on me demande très souvent : "Est-ce que vous pouvez changer le monde avec votre pièce ?" C’est tellement stupide. Je dis non. Mais dans un tout petit monde, pour une durée peut-être d’une heure à une heure et demi, avec quatre ou cinq acteurs et 200 à 300 personnes, on peut toucher à des choses terribles. Pour moi c’est extraordinaire et ça m’arrive de rencontrer des gens qui disent : "J’ai vu telle et telle chose il y a tant d’années et ça a laissé une trace aujourd’hui". Aujourd’hui le théâtre est un spectacle pour les élites, on rencontre beaucoup de gens qui disent : "Le théâtre ce n’est pas pour moi, je préfère le cinéma". Moi j’ai toujours préféré le cinéma, quand même. Mais en même temps ce n’est pas vrai, il y a théâtre et théâtre. Il y a un théâtre bourgeois, des gens qui vont là pour se sentir culturel. C’est tout simplement un passe-temps. Et puis il y a un autre théâtre, qui ouvre quelque chose d’inattendu pour tous ceux qui y assistent. Si on en sort avec quelque chose, on ne se sent pas exactement tel qu’on se sentait à l’arrivée.