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Les ratés du climat (1/6) : le fiasco de la COP15 de Copenhague

En décembre 2009, la COP15 réunit les délégations de 193 États. L'objectif principal est de négocier un accord international qui pourra remplacer le Protocole de Kyoto. Mais cette conférence des parties sur le climat sera un échec.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Le fiasco de la COP15 de Copenhague. (STEPHANIE BERLU / RADIO FRANCE)

Nous sommes le 17 décembre 2009. Nicolas Sarkozy, alors président de la République, tient un discours pour le moins offensif à la conférence de l'ONU sur le climat de Copenhague. La COP15 réunit les délégations de 193 États. L’objectif principal : négocier un accord international qui pourra remplacer le Protocole de Kyoto, qui arrive à expiration en 2012. Il faut un nouveau protocole, plus ambitieux, qui inclue également des engagements des pays du Sud.

Nicolas Sarkozy ne le sait pas encore, mais cette COP15 sera un échec. Un échec retentissant parce que les attentes étaient énormes. "Des affiches qui annonçaient 'la dernière chance pour sauver la planète'", se souvient Paul Watkinson, négociateur pour la délégation française. Les objectifs se bousculaient, raconte-t-il, il fallait "avancer sur le climat et sur la coordination de l'action" dans les pays développés, "associer les Américains qui étaient sortis du processus" au moment de l'accord du Protocole de Kyoto, quelques années auparavant, et également "commencer à associer pleinement les grands émergents" comme la Chine, l'Inde. "Donc il y avait des objets concrets, mais en cherchant à tout faire, on s'est fixé la barre trop haute", regrette-t-il.

Un climat détestable s'installe dans la confusion

Les enjeux étaient énormes, non seulement pour le climat, mais aussi pour le Danemark. Le Danemark est alors considéré comme le pays modèle en matière d'écologie, qui avait réussi à concilier croissance économique et protection de l'environnement. Et il s'agit aussi de montrer qu'un petit pays nordique, par la force de sa diplomatie, peut livrer au monde un accord capital, comme la Norvège l'avait avec les accords d'Oslo, 16 ans auparavant. Mais la pression sur le gouvernement danois est très importante. Trop importante, peut-être. Les Danois ont été un peu dépassés par l'importance de la conférence. Accueillir Barak Obama, des milliers de gens qui débarquent avec des files d'attente parfois pendant des heures sous la neige. De plus, le Danemark ne veut pas seulement faciliter la négociation, il veut aussi tenir la plume. Lors de la première monture du texte, les pays du Sud, les pays africains en particulier, sont vexés de ne pas avoir été consultés et considéraient que le texte était calibré pour les pays occidentaux. À partir de là, c'est un climat détestable qui va s'installer sur la conférence. La négociation patine et s'enlise. Comme l'écrira par la suite la ministre chargée de l'événement : "On avait mis deux ans pour construire une relation de confiance, et il n'a fallu que quelques heures pour la détruire."

Pour aboutir à un accord, il reste des divisions importantes, à la fois entre les pays du Sud et les pays industrialisés, mais aussi entre la Chine et les États-Unis, notamment sur la question de la contrainte associée aux réductions d'émissions. Comme l'explique l'historienne des sciences Amy Dahan : "Quand Obama arrive à Copenhague en 2009, on espère que le monde va changer et que ça va être extraordinaire. Et finalement, qu'est ce qui se passe ? Eh bien, il se comporte exactement comme Bush. Il a la même position. Il va d'une certaine façon, reléguer les Européens à leur place subalterne, c'était une humiliation pour la présidence danoise." Il cherche à s'entendre avec les Chinois qui, eux, sont très habiles et s'entourent des autres grands émergents.

Un accord concocté à la va-vite entre cinq États

Ceux-ci avaient désormais pris la main et il n'était plus question pour eux d'accepter que des accords internationaux leur soient imposés par les pays occidentaux. Le président chinois, Wen Jiabao, refusait de rencontrer Barack Obama, qui était pourtant arrivé le vendredi matin. Exaspéré d'être snobé par son homologue chinois, le président américain s'est décidé à forcer la porte d'une réunion, pour trouver le leader chinois en pleine discussion avec ses homologues indiens, brésilien et sud-africain. Et c'est là, dans cette réunion à cinq, que va se sceller le destin de la COP15. Ils concluent un accord minimaliste : l'objectif d'une hausse maximale de la température moyenne mondiale de 2 degrés d'ici 2100, et sur quelques financements pour l'adaptation. Et aussitôt Barack Obama s'en retourne à Washington, non sans avoir tenu une conférence de presse pour annoncer qu'il y a un accord.

Pour le Premier ministre danois Rasmussen, c'est l'humiliation. Les pays du Sud refusent d'adopter un document qu'ils estiment "illégal" et négocié en secret, au mépris de toutes les règles des négociations multilatérales. La séance finale est houleuse. Les délégués vocifèrent. Plusieurs pays s'opposent à l'accord, et il ne pourra donc pas y avoir d'accord : l'assemblée se contente de prendre note du document. La COP15 s'achève dans un fiasco total, avec un retard de 24 heures.

C'est la COP suivante, à Cancun au Mexique, qui va remettre le train sur les rails. Mais il faudra encore cinq longues années avant qu'on ne parvienne à conclure un accord ambitieux, à Paris en 2015. Mais si l'Accord de Paris a été possible, c'est avant tout parce qu'on a pu tirer les leçons de l'échec de Copenhague.


"Les ratés du climat", un podcast franceinfo de François Gemenne en collaboration avec Pauline Pennanec'h, réalisé par François Richer, mis en ondes par Thomas Coudreuse. Un podcast à retrouver sur le site de franceinfo, l'application Radio France et plusieurs autres plateformes comme Apple podcasts, Podcast Addict, Spotify, ou Deezer.

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