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"Les enfants de la Libération" (5/8) : "Le ciel était en feu"
Aujourd'hui âgée de 91 ans, Odette se souvient bien des années d'occupation avant que les alliés ne débarquent sur les plages de sa Normandie natale. La plupart des gens n'avaient pas beaucoup pas à manger et il était difficile de voir les Allemands tous les jours, "il leur fallait tout, raconte-t-elle. Ils regardaient le fermier faire du pain et s'il y en avait sept, ils en embarquaient six et ils en laissaient un."
La crainte et la peur faisaient partie du quotidien d'Odette et de ses amis, "on était plusieurs dans le bourg et on essayait de s'amuser, comme on pouvait, mais rien que de voir la tenue, on avait peur". Dans son village, les Allemands avaient réquisitionné une maison pour en faire un hôpital, pas très loin de la maison d'Odette. Un jour, alors qu'elle se promenait avec d'autres enfants, ils ont trouvé une botte, "mais la jambe était dedans. Vous vous rendez compte ? Ils lançaient ça n'importe où", explique-t-elle.
L'angoisse de la vie avec les Allemands
Après une exécution à Saint-Lô, les Allemands ont ramené les cadavres devant la maison des parents d'Odette qui se trouvait en face du cimetière. "Ils ont réquisitionné tous les hommes du village pour faire un trou pour les mettre dedans, détaille-t-elle. Le sang sortait par l'arrière du camion, non ce n'était pas possible."
Elle se rappelle parfaitement la nuit où les Allemands ont abattu le pont de Condé, situé à quelques kilomètres de sa maison, "le ciel était en feu et les avions passaient au-dessus de chez nous, c'était atroce." Pourtant le souvenir qu'Odette garde le plus en tête est celui d'un jeune soldat allemand, mortellement blessé, "ils l'avaient recouvert d'une couverture et toutes les demi-heures, ils venaient voir s'il était fini, raconte-t-elle. Il a appelé sa mère tout l'après-midi, c'était un gamin de 17 ans et il était pourtant allemand, mais ça me touchait tellement de l'entendre appeler sa mère ! J'en pleure encore."
L'exode puis l'espoir
Juste après la naissance de sa petite sœur, cinquième enfant du foyer, la famille d'Odette a dû fuir en direction de Percy-en-Normandie, dans des circonstances compliquées, "un cultivateur nous avait prêté sa carriole et son cheval et des fusées nous passaient sur la tête", explique-t-elle. Les Américains ont fini par arriver à Percy et Odette a commencé à reprendre un peu d'espoir puisqu'ils leur distribuaient de la nourriture. "Ils nous lançaient des boîtes de conserve et nous gamins, on les secouait pour voir si c'étaient des gâteaux ou pas, parce que le pâté ne nous intéressait pas", se souvient-elle.
Le soulagement est finalement arrivé, quand les Américains ont annoncé que les familles pouvaient retourner chez elles. Mais l'horreur était toujours présente, "les roues de la voiture dans laquelle on était passaient sur tous les morts restés sur les routes, explique Odette. C'était affreux et épouvantable." Une fois rentrée à Mesnil-Raoult, la famille a découvert que leur maison avait été touchée par une bombe, mais elle tenait encore debout, contrairement au reste du village où l'école et l'église, notamment, avaient été détruites.
Aujourd'hui, Odette se dit chanceuse parce qu'"il n'y a pas eu de tué dans la famille, on ne pouvait pas en demander plus". Elle a continué sa vie en essayant de mettre ses terribles souvenirs de côté, mais elle ne peut pas vivre sans, "j'espère que les jeunes ne verront pas ce qu'on a vu, c'est tout ce que je leur souhaite, parce que ce n'est pas à voir."
"Le ciel était en feu", épisode réalisé par Benjamin Illy. "Les enfants de la Libération", un podcast original franceinfo avec la Mission Libération, à retrouver sur franceinfo.fr, l'application Radio France et plusieurs autres plateformes comme Apple podcasts, Podcast Addict, Spotify, ou Deezer.
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