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"Les enfants de la Libération" (7/8) : Jouer au milieu des sacs de sable

À l'approche du 80e anniversaire du débarquement, notre série "Les enfants de la Libération" vous emmène dans les rues de Paris avec le récit de Jacqueline, qui raconte l'occupation avec ses privations, l'arrivée des chars de la division Leclerc, et finalement le retour de la joie.
Article rédigé par Benjamin Illy
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Jacqueline Brunel, chez elle à Paris, en mai 2024. Elle avait 9 ans au moment de la Libération qu'elle a vécu dans les rues de la capitale. (BENJAMIN ILLY / RADIO FRANCE)

Jacqueline avait 9 ans au moment de la Libération et ses souvenirs resurgissent par morceaux lorsqu'elle évoque l'occupation où la vie était misérable, pour elle et sa famille : "Je me souviens de ma mère qui faisait cuire des haricots blancs sur un poêle à bois dans le salon et c'est tout ce qu'on avait à manger."

Beaucoup de privations et d'obligations, pouvant paraître bizarres, étaient finalement normales et faisaient partie du quotidien des habitants de la capitale, "C'était normal d'avoir froid et d'avoir des coupures de courant, explique-t-elle. C'était normal que les vitres soient peintes en bleu pour ne pas éclairer la rue et que les avions ne nous voient pas." 

Un autre souvenir de Jacqueline, lui a valu les réprimandes de sa grand-mère, puisqu'elle aimait bien entendre les Allemands chanter. "Le soir, les Allemands passaient dans les rues du quartier en chantant, et c'était très beau de les entendre parce que c'était de la musique, raconte-t-elle. Ma grand-mère m'avait beaucoup grondée parce que c'étaient des Allemands et j'avais dit que j'aimais, donc je n'en parlais pas." 

L'arrivée des alliés

À l'approche de la Libération et des troupes alliées, Jacqueline et son petit frère se sont retrouvés au milieu d'une barricade, construite au coin de leur rue. "Il y avait plein de gens qui avaient amassé des sacs de sable pour monter la barricade et nous, on regardait, on écoutait et c'était très amusant, détaille-t-elle. Et tout d'un coup, il y a eu des miliciens qui étaient sur les toits et qui ont commencé à tirer. Des gens ont été blessés, on s'est mis à plat ventre, puis ma maman est venue nous chercher pour nous ramener à la maison, elle était très inquiète." 

Jacqueline se souvient d'une journée magnifique, pour la Libération, car elle a pu observer de très près les soldats. "Il y avait impossibilité pour la division Leclerc de passer par la rue Monge et donc ils sont passés dans notre rue et là ça a été vraiment le grand bonheur, parce que c'était la joie qui arrivait. Tout le monde était sur le pas de sa porte." 

Lors des célébrations, les rues étaient pleines de soldats, Français, comme Américains et il y a eu beaucoup d'embrassades entre civils et militaires. "On a eu l'impression que la gaieté revenait et j'ai embrassé des centaines de jeunes gens à l'époque parce qu'ils nous donnaient tous quelque chose, explique Jacqueline. On disait aux Américains, 'I am very glad to see you', (je suis très contente de vous voir), on avait appris ça par cœur et ils sortaient toujours des bonbons et du café soluble." 

Si les célébrations et la joie laissent à Jacqueline des souvenirs extraordinaires, elle a également entendu dire que des filles avaient été tondues. "Ça, je ne l'ai pas vu, mais oui il y avait des filles dans le quartier qui avaient beaucoup de facilités parce qu'elles sortaient avec des Allemands. Il y avait sans doute une énorme jalousie, qui avait gonflé."

Après la Libération, Jacqueline n'a retrouvé un sentiment de normalité qu'après trois ans, parce qu'"on faisait encore la queue, il y avait encore le marché noir et on attendait quand même de pouvoir se racheter des bonbons."


"Jouer au milieu des sacs de sable", épisode réalisé par Benjamin Illy. "Les enfants de la Libération", un podcast original franceinfo avec la Mission Libération, à retrouver sur franceinfo.fr, l'application Radio France et plusieurs autres plateformes comme Apple podcasts, Podcast Addict, Spotify, ou Deezer.

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