Partir en avion, revenir à vélo
Quand on est pilote de ligne, on va d'un point A à un point B et on a l'impression de faire le plus beau métier du monde. Qu'en est-il de tout l'espace qui sépare les deux points ? Pour le pilote, c'est le mystère, l'inconnu.
François Suchel est commandant de bord à Air France. Comme ses collègues et la plupart des voyageurs qu'il transporte, à force de cumuler les kilomètres, il cumule la quantité mais pas la qualité. L'avion, finalement, ce n'est qu'un raccourci. François Suchel a donc l'idée d'aller voir ce qui se passe en bas. Il prend une ligne qu'il a servie plusieurs fois, Paris-Canton, et il fait le retour… à vélo !
C'est cette expérience qu'il raconte dans un livre paru chez Guérin, "Sous les ailes de l'hippocampe". L'hippocampe c'est le symbole de la compagnie Air France. (Un film est aussi disponible)
François Suchel achète son vélo à Canton et décide de partir en même temps que l'avion du retour en suivant son itinéraire au plus près. Psychologiquement, c'est important. Tant que l'avion est dans le ciel, il l'accompagne. A tel point que lorsque l'équipage se pose à Paris, François Suchel se sent seul tout d'un coup. Livré à lui-même.
La traversée de la Chine se passe plutôt bien. A part que ce pays est un vaste chantier et que souvent les panneaux indicateurs sont installés bien avant que les routes soient construites. Et puis à quelques encablures de la frontière du Kazakhstan, notre randonneur est arrêté par la police. Il est dans une ville du Xinjiang interdite aux étrangers et en plus il est en possession d'un GPS. Douze jours de résidence surveillée pour se rendre compte qu'il n'est pas un espion.
François Suchel passe ensuite au Kazakhstan, en Russie et puis l'Europe. Au ras du sol, il découvre des paysages magnifiques, il fait des rencontres émouvantes.
Mais sa famille lui manque et il manque à sa famille. François Suchel reconnaît que ce voyage a un prix…
"Ma femme a vécu ce voyage quand même difficilement et donc, du coup, moi-même, je n'ai pas pédalé tous les jours le cœur léger. Il y avait cette interaction familiale. Ça fait partie du package, j'oserais dire. Mais, voilà, comme disait Nicolas Bouvier, un voyage, il vous essore, il vous rince, sinon c'est du tourisme. Donc, dans ce sens-là, je n'ai pas fait du tourisme, j'ai fait un vrai voyage. J'ai été puiser un petit peu au fond… au fond de nous-mêmes. Ce n'est pas que au fond de moi-même, parce que, voilà, c'est au fond de notre relation et de l'interaction de nos deux personnalités. J'ai été puiser au fond de tout ça et je pense qu'au final, cela nous a enrichis."
Ce voyage au ras du sol a changé François Suchel. Aujourd'hui, les escales de 24 heures au bout du monde ne font plus rêver le commandant de bord.
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