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Y a-t-il une dérive du droit du sol à Mayotte, comme l'affirme Eric Ciotti ?

Selon le finaliste de la primaire Les Républicains Eric Ciotti, des femmes comoriennes viennent accoucher dans la principale maternité des Comores pour que leur enfant bénéficie du droit du sol.

Article rédigé par franceinfo - Mathilde Bouquerel
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Le centre hospitalier de Mamoudzou (Mayotte), en juin 2020. (ALI AL-DAHER / AFP)

La situation à Mayotte apparaît régulièrement dans le discours de la droite et de l'extrême-droite sur l'immigration. L'île connaît en effet un fort afflux de migrants depuis les îles voisines de l'archipel des Comores (Grande Comore, Anjouan et
Mohéli) qui contrairement à elle, ne sont pas un département français. Le finaliste de la primaire Les Républicains Eric Ciotti dénonce notamment la situation de la principale maternité mahoraise, au CHU de Mamoudzou. "Depuis les Comores, on vient accoucher à Mamoudzou, qui est devenue la première maternité d'Europe, pour simplement bénéficier du droit du sol", a-t-il affirmé lors du dernier débat avant le vote des militants Les Républicains, mardi 30 novembre. C'est partiellement vrai, la cellule du Vrai du faux vous explique pourquoi.

Tout d'abord, Mamoudzou n'est pas la plus grande maternité d'Europe en termes de naissances dans l'Union européenne. Selon l'Insee, 6 218 enfants sont nés à la maternité de Mamoudzou en 2020, sur un total de 9 180 dans tout le territoire de Mayotte, soit près de 70%. C'est beaucoup, mais moins que le Rotunda Hospital à Dublin, en Irlande : contactée par franceinfo, la direction de cette maternité a communiqué le chiffre de 8 316 naissances en 2020. 

Un abus du droit du sol ?

Ensuite, il est compliqué d'affirmer que le grand nombre de naissances à Mamoudzou découle uniquement de l'arrivée de ces mères comoriennes souhaitant la nationalité française pour leur enfant. Certes, toujours selon l'Insee, 68,6% des femmes ayant accouché à Mayotte en 2020 étaient comoriennes. Par comparaison, les Mahoraises n'étaient que 25,8%. Mais plus de la moitié des enfants nés à Mayotte, 56%, avaient au moins un parent de nationalité française, et naissent ainsi français. Cela s'explique par la nationalité des pères. En 2020, 30,5% des enfants nés à Mayotte avaient ainsi un père français et une mère étrangère, 7,6% une mère française et un père étranger, et 18% deux parents français. 

Par ailleurs, toujours selon l'Insee, 48% de la population à Mayotte est de nationalité étrangère, soit 123 000 personnes (recensement de 2017), et 95% de ces étrangers sont Comoriens.

Le droit du sol "suspendu" à Mayotte ?

Pour Eric Ciotti, face à cette situation, il faut suspendre le droit du sol à Mayotte. "C'est déjà fait et validé par le Conseil Constitutionnel, parce que la situation était devenue strictement intenable", répond le président Les Républicains du Sénat Gérard Larcher, invité du 8h30 franceinfo lundi 6 décembre. Là encore, cette affirmation n'est qu'à moitié juste. 

En effet, le droit du sol à Mayotte n'a pas été suspendu mais limité. Pour qu'un enfant qui naît sur le territoire mahorais obtienne la nationalité française, il faut qu'au moins l'un de ses parents réside sur le territoire français de manière régulière et ininterrompue depuis plus de trois mois. La mesure a été adoptée en septemnre 218 par le Parlement à la faveur d'un amendement à la loi Asile et immigration proposé par le sénateur LREM de Mayotte Thani Mohamed Soilihi. 

En plus de cet amendement, un projet de loi doit être examiné par les deux chambres du parlement courant 2022. Il proposera d'allonger ce délai à un an. De quoi durcir encore l'accès au droit du sol à Mayotte, puisque pour résider sur le territoire français de manière régulière pendant plus de trois mois, il faut obtenir un visa d'installation ou visa de séjour long. Il est délivré par les autorités consulaires pour les études, le travail ou des raisons familiales.

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