Vrai ou faux
Les chiens et les chats sont-ils des "catastrophes" pour la biodiversité et le climat ?

François Gemenne, membre du Giec, s'est attiré les foudres des amoureux des animaux en rappelant l'impact environnemental des chiens et des chats sur LCI. Pourtant, ses propos sont fondés sur des études scientifiques.
Article rédigé par Armêl Balogog
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Un chat errant et un chien jouent dans une rue de Bangalore, en Inde, le 19 juillet 2022. (MANJUNATH KIRAN / AFP)

Ce sont quelques mots, dits sur le ton de la blague, qui ont provoqué un énorme tollé. Mercredi 13 décembre, François Gemenne, membre du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec) était invité de LCI, alors que la COP28 touchait à sa fin et débouchait sur un accord appelant à sortir progressivement des énergies fossiles. Le chroniqueur de "Zéro émission" sur franceinfo a été amené à réagir à la diffusion d'un reportage sur les chats et a déclaré ceci : "Les chats sont une catastrophe pour la biodiversité. Les chiens sont une catastrophe pour le climat."

Que n'avait-il pas dit ? La SPA France s'est fendu d'un message bien senti sur le réseau social X, anciennement Twitter : "Personne n'avait encore osé culpabiliser les amis des animaux. C'est fait !" Sur le plateau de l'émission Quotidien sur TMC, jeudi 14 décembre, l'expert a même dit avoir reçu des menaces de mort de certains amoureux des bêtes. Plusieurs figures de l'extrême droite ont aussi vivement réagi. Florian Philippot, le prédisent du mouvement Les Patriotes, a dénoncé une supposée "propagande climatiste anti-animaux de compagnie, au nom du 'climat', [qui] se déploie". "Jusqu'où iront-ils dans leur folie ?", s'est agacé Nicolas Dupont-Aignan, "si on ne les arrête pas, ils vont bientôt nous interdire de respirer".

Pourtant, les propos de François Gemenne s'appuient sur plusieurs études scientifiques parues ces 15 dernières années (et il n'appelle pas du tout à tuer les chiens et les chats).

Les chats, prédateurs des oiseaux et des petits mammifères

Le chat est de loin l'animal le plus populaire en France. Quelque 14,9 millions de félins peuplaient le territoire en 2022, selon les estimations de Fediaf, le représentant au niveau européen de l'industrie alimentaire pour animaux, plus communément appelée la "Pet food". Et ils sont en effet des menaces pour la biodiversité.

Une étude américaine publiée en 2013 dans le journal Nature Communications estimaient que les chats tuaient chaque année aux États-Unis entre un et quatre milliards d'oiseaux, soit une médiane de 2,5 milliards d'oiseaux, et entre six et 22 milliards de petits mammifères, soit une médiane de 12 milliards. Elle précisait néanmoins que les chats sans propriétaires, errants ou harets (qui sont retournés à l'état sauvage), étaient les principaux responsables, et non les chats domestiques. Mais ces chats errants sont souvent des animaux abandonnés par les humains ou issus d'animaux abandonnés. L'étude concluait qu'il s'agissait de l'une des plus grandes, si ce n'est la plus grande cause de mortalité anthropique pour les petits animaux américains.

Des chercheurs du Muséum national d'histoire naturelle français et de l'Institut royal des sciences naturelles de Belgique ont également publié un article en 2019 portant sur l'impact des chats domestiques sur les populations d'oiseaux. Ils ont constaté qu'entre 2000 et 2015, la mortalité des oiseaux de jardin avait augmenté d'au moins 50%, à mesure qu'il y avait de plus en plus de chats en France et en Belgique. Entre 12% et 26% des morts d'oiseaux étaient provoquées par les chats. "La mortalité liée aux chats est l'une des plus grandes causes de mort observées, elle est de la même ampleur que les morts d'oiseaux dues à des collisions avec des fenêtres", expliquaient les spécialistes. Ils appelaient d'ailleurs à prendre en compte l'impact potentiel des chats sur la biodiversité urbaine dans la gestion des parcs et des jardins.

Les chats ont un plus grand impact en ville et dans les îles

C'est ce qu'explique aussi le Muséum national d'histoire naturelle sur son site internet, après avoir terminé un programme participatif entre 2015 et 2022 qui a permis d'observer 38 000 proies rapportées par les chats (68% de petits mammifères, dont les rongeurs, 22% d'oiseaux, 8% de petits reptiles). Selon lui, "dans les villes, c'est la concentration des félins qui aggrave l'impact de leurs prises, car elles sont démultipliées". C'est aussi le cas dans les îles, comme le rapporte Sciences et Avenir. Par exemple, les chats introduits dans les îles de Kerguelen, devenus sauvages, y ont eu un effet dévastateur sur la biodiversité au point que l'archipel a décidé de les réguler.

Mais "dans les zones où il n'est pas une espèce invasive, dans les campagnes françaises par exemple, le chat est un prédateur parmi d'autres", nuance le Muséum. "Le chat n'est pas le responsable direct du déclin des oiseaux communs. Leur raréfaction tient avant tout à la disparition des insectes et la perte d'habitat. Le chat représente toutefois une pression supplémentaire importante sur une population fragilisée."

Les chiens, plus pollueurs que les SUV ?

À présent, qu'en est-il des chiens ? Leur impact sur le climat est recensé depuis de nombreuses années. Une première étude scientifique est parue en 2009 aux États-Unis sous le titre provocateur Est-il temps de manger le chien ? Elle concluait que la consommation annuelle de viande d'un chien de taille moyenne polluait deux fois plus qu'un SUV qui parcourait 10 000 km tous les ans. Une conclusion qui avait fait vivement polémique déjà à l'époque.

"Beaucoup de personnes s'inquiètent du fait d'avoir un SUV mais ils ne s'inquiètent pas d'avoir un berger allemand et ce que nous disons dans ce livre, c'est que, peut-être, ils devraient aussi s'en inquiéter parce que l'impact environnemental est comparable", expliquaient les deux auteurs Brenda et Robert Vale à l'époque, selon le magazine néo-zélandais Stuff.

Conclusions similaires quasiment dix ans plus tard dans une autre étude portant sur l'impact environnemental de l'alimentation des chiens et des chats, publiée en 2017. Selon elle, les plus de 160 millions de chiens et de chats américains sont responsables de 25% à 30% de l'impact environnemental de la consommation de viande aux États-Unis. L'impact carbone dépend aussi du lieu de vie et de la taille de l'animal domestique. D'autres chercheurs se sont aussi intéressés à l'empreinte climatique de nos fidèles compagnons en 2019 et en 2022, concluant toutes les deux qu'il était nécessaire de mieux connaître cette empreinte.

Mais ces conclusions sont controversées. Kelly Swanson, professeur de nutrition animale de l'université de l'Illinois, estimait en 2021 auprès de l'AFP qu'elles reposaient sur de "nombreuses hypothèses inexactes", notamment parce que "la majorité de la nourriture pour animaux vient de sous-produits de l'industrie alimentaire humaine". En effet, peu de vaches ou de poules sont élevées dans le seul but de nourrir les chiens et les chats. Leurs croquettes et pâtées à base de viande sont fabriqués à partir de pièces que les humains rechignent à manger, comme les abats. 

Cependant, pour l'auteur de l'étude de 2017, Grégory Okin, cet argument ne tient pas. De fait, ces pièces pourraient aussi être mangées par les humains, s'ils gaspillaient moins. 

Comment réduire l'impact carbone de nos animaux ?

Une fois cela dit, personne n'appelle personne à se débarrasser de son chien ni de son chat. Ni François Gemenne ni d'autres défenseurs du climat. L'expert a expliqué qu'il s'agissait juste pour lui de rappeler un constat scientifique et d'inviter les amoureux des animaux à s'interroger aussi sur ce sujet qui est rarement abordé. 

D'ailleurs, il ne faut pas oublier aussi tous les bienfaits des animaux de compagnie, qui permettent d'abaisser la tension des humains, de réduire leur solitude, voire leur mortalité.

Mais il est possible de trouver des solutions pour diminuer l'empreinte climatique de ses animaux, par exemple en ne les nourrissant pas en trop grande quantité, en leur donnant plus de croquettes à base de légumes, en utilisant une litière biodégradable pour son chat, en jouant davantage avec son chat pour limiter sa prédation ou en choisissant des animaux domestiques plus petits, moins prédateurs, comme des hamsters, des lapins ou des oiseaux.

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