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"Un travailleur détaché coûte plus cher qu'un travailleur français" ?

Souvent accusés de faire du dumping social en France, les travailleurs détachés ne seraient donc pas une si bonne affaire pour les entreprises européennes, d'après l'ancienne ministre Roselyne Bachelot. Pas aussi simple, mais plutôt vrai.
Article rédigé par Antoine Krempf
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
  (Les travailleurs détachés ne coûtent pas moins chers que les travailleurs français ? © Maxppp)

Les travailleurs détachés en France sont très régulièrement accusés de faire du dumping social. Et pourtant, sur RMC, Roselyne Bachelot est catégorique : "Vous vous rendez compte qu'un travailleur détaché coûte plus cher, regardez les chiffres, qu'un travailleur français avec les exonérations de charges ". 

Avant de voir pourquoi cette phrase est exagérée mais plutôt vraie, un petit rappel. Un travailleur détaché, c'est donc un salarié d'une entreprise européenne qui va travailler dans un autre pays de l'Union pour une période de deux ans maximum. Concrétement, ça représentait offciellement 300.000 personnes l'an dernier, c'est à dire 1% de la population active. Le profil type de ces travailleurs en France, ce sont des ouvriers polonais, portugais ou espagnols qui viennent faire des chantiers de construction. 

Des travailleurs détachés payés sur la base du Smic

Des ouvriers qui doivent être payés, à minima, au niveau du revenu minimum du pays où il est envoyé. En clair, un ouvrier roumain ne peut pas être moins bien payé qu'un travailleur français au Smic. Reste la question des charges que paient les entreprises qui les envoient. En l'occurrence, l'entreprise roumaine qui fait travailler un salarié en France paie des charges sociales et patronales en Roumanie. Ces prélèvements étant plus élevés, en moyenne, en France, le coût d'un travailleur roumain détaché est donc plus faible que celui d'un travailleur français.

Allégements de charges au Smic

Mais ce constat est donc à relativiser. Ce que dit une note que Bercy vient de publier sur le sujet, c'est que la France a tellement allégé les charges patronales au niveau du Smic pour faciliter l'embauche en France qu'au final; "en termes de coût du travail, pour un emploi rémunéré au Smic, recourir dans un cadre légal à un travailleur détaché en France par une entreprise localisée au Portugal, en Roumanie, en Pologne ou en Espagne est équivalent à faire appel à la main d'œuvre d'une entreprise localisée en France ".

En clair, le statut de travailleur ne coûterait donc pas moins cher qu'un travailleur français, à condition de parler de salariés payés au salaire minimum, qui représentent la majorité des travailleurs officiellement détachés en France. Bercy précise que le travailleur français coûterait même moins cher si on prend en compte le CICE, le crédit impot compétitivité emploi, dont ne bénéficient pas les entreprises étrangères. 

De nombreuses zones grises

Si l'on se base sur cette note, Roselyne Bachelot a donc plutôt raison. Mais cette étude va un peu plus loin et pointe les nombreuses fraudes et détournements de ce dispositif européen. Et notamment des entreprises qui se domicilient artificiellement dans des pays à faible contributions sociales pour bénéficier d'un avantage concurrentiel, il y aurait également un manque de contrôle du réglement de ces contributions sociales dans le pays d'origine et de nombreuses illégalités dans les contrats et les conditions de travail dans le pays de détachement.

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