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Que penser de l'étude américaine qui fait le lien entre cigarette électronique et cancer chez les souris ?

Une étude américaine publiée début octobre fait le lien entre vapotage et cancer du poumon chez les souris. La Cellule Vrai du Faux vous explique pourquoi ses conclusions sont à prendre avec précaution.

Article rédigé par franceinfo - Marie-Jeanne Delepaul
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Une femme fumant sa cigarette électronique à Bouzic (Dordogne), le 6 juin 2019. (GARO / PHANIE)

Parmi les souris exposées aux vapeurs de cigarette électronique, une sur cinq (22,5%) a développé un cancer du poumon. Plus de la moitié (57,5%) ont développé des tumeurs de la vessie. C’est la conclusion de l’étude publiée le 7 octobre par des chercheurs américains dans "Pnas", la revue de l'Académie des sciences aux États-Unis.

Ces résultats sont à prendre avec précaution, dans un contexte d’inquiétude grandissante. Début octobre, les autorités américaines ont revu à la hausse le bilan de l’épidémie de maladies pulmonaires. Dix-huit personnes sont mortes aux États-Unis, visiblement suite à un mésusage de la cigarette électronique.

Des conditions d’expérience contestables

Au cours de cette étude, quarante souris ont été exposées aux fumées de cigarette électronique pendant 54 semaines, soit un peu plus d’un an. Elles les respiraient quatre heures par jour, cinq jours par semaine. Pour le professeur Bertrand Dautzenberg, tabacologue, "c'est un vapotage extrême en-dehors de toute réalité."

Sébastien Anthérieu, enseignant-chercheur en toxicologie à l'université de Lille, confirme que ces doses "paraissent très élevées, surtout pour une souris". Dans ses propres études, lui-même expose les souris seulement une heure par jour. Il pointe aussi la concentration de nicotine utilisée (36 mg/mL), presque deux fois plus élevée que le seuil autorisé en France (20 mg/mL).

Tous deux soulignent aussi que le nombre de souris dans l'expérience témoin est trop faible, ce qui peut induire des biais statistiques. Seuls 18 animaux ont été exposés à de l'air pendant l'étude, c'est deux fois moins que le nombre de souris soumises au vapotage. "Au contraire, d'habitude dans une étude de toxicologie réglementaire, on prend cinquante animaux par lots", explique Sébastien Anthérieu. L’institut national du cancer, joint par franceinfo, partage ces critiques : "Il s’agit d’une étude isolée portant sur un faible nombre de cas."

Pas d’étude fouillée sur les conséquences pour l’homme

Au-delà de ces limites méthodologiques, plusieurs médecins et scientifiques soulignent la difficulté d’appliquer les conclusions de cette étude à l’homme. "Même si une étude est bien faite pour l’animal, c’est compliqué de tirer des conclusions pour les humains", explique Emmanuel Wiernik, chercheur en épidémiologie. Il faudrait compléter cette étude avec un modèle in vivo, sur des cellules pulmonaires humaines.

Une chose est sûre : il n’y a pour le moment aucune étude fouillée sur les conséquences de la cigarette électronique sur l’homme. Les chercheurs manquent de recul car elle n’est utilisée que depuis le début des années 2010. "La difficulté, c’est que les personnes qui vapotent sont d’anciens gros fumeurs donc c’est compliqué d’analyser ce qui est en cause s’ils développent des cancers ou des pathologies", ajoute Emmanuel Wiernik.

La foultitude d’études publiées sur la question sont "pour la plupart biaisées, selon que les chercheurs soient pro ou anti cigarette électronique", déplore le professeur Dautzenberg. "Le débat n’est pas serein parmi les scientifiques, les études sont à charge", regrette aussi Emmanuel Wiernik.

La cigarette électronique moins nocive que le tabac

Il existe cependant deux consensus dans la communauté scientifique. D’abord, les émissions d'e-cigarette sont "moins nocives" que la fumée issue de la combustion du tabac, selon Santé Publique France. "Tous les scientifiques qui travaillent sur le sujet s'accordent pour dire qu'elle est moins toxique", appuie Sébastien Anthérieu. Ce qui ne veut pas dire qu'elle est inoffensive : "On sait qu'elle induit des inflammations des cellules pulmonaires."

L’autre consensus porte sur l’utilité de la cigarette électronique dans l’aide au sevrage tabagique. L’étude de l’Inserm publiée en mai conclue que la cigarette électronique permet aux fumeurs de réduire leur niveau de tabagisme ou d’arrêter de fumer. L’AP-HP a lancé une étude sur le même sujet.

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