Le vrai du faux. Non, on ne peut pas dire qu'il n'y a quasiment plus d'enfants juifs à l'école publique en Seine-Saint-Denis
Aurélien Accart passe au crible un fait repéré dans les médias et sur les réseaux sociaux. Aujourd'hui, les enfants juifs qui auraient complètement déserté l'enseignement public en Seine-Saint-Denis.
Alors qu'une marche pour lutter contre l'antisémitisme est organisée mardi 19 février à Paris, le député Les Républicains (LR) des Alpes Maritimes, Éric Ciotti, a affirmé sur franceinfo et France Inter dimanche 17 février que "dans les écoles publiques de Seine-Saint-Denis, il n'y a quasiment plus aujourd'hui d'enfants juifs", indiquant s'appuyer sur "des études qui ont été faites" et des "mises en gardes", notamment émises par le Conseil représentatif des juifs de France (CRIF).
Selon le secrétaire général adjoint du parti LR, ces enfants juifs sont "chassés par le communautarisme islamiste". Des propos qu'il avait déjà tenus sur franceinfo mercredi 13 février.
Eric Ciotti : "Est-ce qu'il y a encore un enfant juif dans une école publique de Seine-Saint-Denis ? On sait bien pourquoi"https://t.co/sipkJON7nY pic.twitter.com/7ejrgaofJi
— franceinfo (@franceinfo) 13 février 2019
C'est faux. C'est même "archi faux", selon le co-président de la fédération de parents d'élèves FCPE, Rodrigo Arenas, responsable de la fédération en Seine-Saint-Denis. Il nous affirme que plusieurs membres de la FCPE sont de confession juives et que leurs enfants sont scolarisés dans des écoles, collèges ou lycées publics. Même son de cloche chez des syndicalistes enseignants.
Des professeurs des écoles ou de collège joints par franceinfo, comme Rachel Schneider, du Snuipp 93, disent la même chose : "Bien sûr qu'il y a encore des enfants juifs dans les écoles publiques". Selon cette enseignante, "il faut arrêter de dire n'importe quoi". Elle accuse Éric Ciotti d'"inventer un sujet pour ne pas parler des vrais sujets, comme le manque d'investissement" dans l'éducation publique dans ce département.
Un rapport de 2004 évoque ce problème
De son côté, Éric Ciotti dit s'appuyer sur "des rapports" et sur des propos du CRIF pour étayer ses propos. Un rapport ancien de l'inspection générale de l'éducation nationale sur les signes religieux distinctifs à l'école, datant de 2004, évoque bien ce problème, mais sans parler spécifiquement de la Seine-Saint-Denis et sans donner aucun chiffre. On peut y lire, à la page 23, que "les enfants juifs – et ils sont les seuls dans ce cas – ne peuvent plus de nos jours être scolarisés dans n’importe quel établissement".
Le président du CRIF, lui, a bien partagé son inquiétude avec le ministre Jean-Michel Blanquer il y a quelques jours, disant regretter "la sortie progressive des enfants français juifs du système de l'Éducation Nationale", selon le communiqué de presse rédigé après la rencontre.
Quant au président du fonds social juif unifié, Ariel Goldman, il explique à franceinfo que les trois écoles privées juives de Seine-Saint-Denis font aujourd'hui le plein, alors que "ce n'était pas le cas il y a dix ans". Et que donc selon lui, il reste effectivement "peu d’enfants juifs à l’école publique" dans le département.
Les statistiques ethniques et religieuses n'existent pas en France
Mais il est impossible de quantifier ce phénomène et de dire, comme le fait Éric Ciotti, qu'il n'y a quasiment plus d'enfants juifs scolarisés dans le public dans ce département. Et pour cause, les statistiques ethniques et religieuses n'existent pas en France.
"Des enfants juifs scolarisés dans le public, il y en a, indique à franceinfo le président socialiste du département, Stéphane Troussel. Mais je serais bien incapable de dire combien. Et si moi je ne peux pas vous le dire, je ne vois pas sur quoi Éric Ciotti se base." Stéphane Troussel reproche à Éric Ciotti de vouloir "faire le buzz" : "Son seul objectif, c'est de braconner sur les terres de l'extrême droite".
Un sentiment partagé par Rodrigo Arenas, de la FCPE, qui envisage même des poursuites judiciaires à l'encontre d'Éric Ciotti. "Oui ça existe l'antisémitisme, mais la Seine-Saint-Denis, les enfants et les écoles, ce n'est pas le paillasson de la République", explique-t-il.
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