Le vrai du faux. Les arguments de Benoît Hamon pour défendre son revenu universel
C'est la mesure phare proposée par la candidat socialiste à la présidentielle. Mais les arguments utilisés par Benoît Hamon pour justifier la mise en place d'un revenu universel tiennent-ils la route ?
Lorsqu'on lui demande ce qui justifie la mise en place d'un revenu universel en France, Benoît Hamon avance une raison : la disparition de milliers d'emplois dans les prochaines années à cause de l'automatisation de certaines tâches :
"Entre 10 et 50% des emplois peuvent être menacés d'existence à raison de cette révolution numérique", expliquait Benoît Hamon sur RTL le 6 février dernier
Jusqu'à la moitié des emplois menacés par la robotisation ?
Vrai, mais...
Si cette fourchette de "10 à 50%" est aussi large, c'est que le candidat socialiste a condensé plusieurs études qui évoquent les conséquences de l'automatisation sur l'emploi dans les années qui viennent. Sauf qu'il s'agit d'estimations basées sur des méthodologies différentes et qui ne concernent pas les mêmes pays...
Sur les "50% d'emplois menacés", Benoît Hamon tire ce chiffre d'une étude publiée en 2013 par deux chercheurs de l'Université d'Oxford. Carl Benedikt Frey et Michael A. Osborne estiment que "environ 47% du total des emplois américains sont menacés" dans les 10 ou 20 prochaines années. Il s'agit donc d'un chiffre qui vaut pour les Etats-Unis.
Quant aux "10% d'emplois menacés", le candidat socialiste est allé puiser dans deux autres études d'impact. La première vient de l'OCDE. On y lit que les deux chercheurs d'Oxford ont utilisé une méthodologie contestable et que leur estimation est largement exagérée.
L'OCDE avance plutôt une fourchette de 5 à 10% d'emplois menacés selon les pays, un peu moins de 9% pour la France. Et elle précise que "le risque de chômage massif technologique peut être écarté pour plusieurs raisons" et notamment parce qu'un "emploi créé dans le secteur de la haute technologie entraîne la création de cinq emplois complémentaires"
L'autre étude citée par Benoît Hamon a été publiée par le Conseil d'orientation pour l'emploi, organisme d'expertise rattaché à Matignon. Elle aboutit à deux conclusions identiques à celles de l'OCDE : "moins de 10% des emplois cumulent des vulnérabilités qui pourraient en menacer l'existence dans un contexte d'automatisation" et que ces "pertes d'emploi pourront être compensées, et plus que, par des créations".
Les jeunes ne sont pas éligibles aux minimas sociaux ?
Benoît Hamon répète régulièrement que son revenu universel serait mis en place par étapes. La première serait le versement d'une aide généralisée à l'ensemble des jeunes majeurs. Et voilà comment il justifie cette mesure :
"Aujourd'hui, les jeunes de 18-25 ans ne sont pas éligibles aux minimas sociaux. Alors qu'ils le sont dans beaucoup d'autres pays européens."
Plutôt faux
Il n'y a effectivement pas d'aide généralisée et universelle pour les jeunes Français. Sauf que la moitié des 5,5 millions de 18-24 ans ont malgré tout touché un minimum social pour l'année 2014, comme le précise Europe 1. Difficile donc d'affirmer que les jeunes ne sont pas éligibles aux minimas sociaux.
Il s'agit notamment des 700.000 étudiants qui ont touché une aide au logement. On peut également évoquer les 400.000 jeunes actifs qui ont touché une prime d'activité ces derniers mois. Ou encore les 100.000 moins de 25 ans qui bénéficient du RSA.
Ceci dit, les conditions d'accès à ces minimas sont très restrictives pour les jeunes. Pour le RSA par exemple, il faut avoir un enfant à charge ou avoir travaillé deux ans sur les trois dernières années. Par ailleurs, plusieurs Etats européens considèrent que les jeunes majeurs ont le droit aux mêmes aides que les autres, qu'ils aient travaillé ou non. C'est le cas notamment des pays scandinaves, des Pays-Bas ou encore de l'Irlande.
Les revenus et le suicide chez les agriculteurs
Les jeunes ne sont pas la seule catégorie de population concernée par la mesure de Benoît Hamon. Le candidat socialiste évoque régulièrement les agriculteurs lorsqu'il est interrogé sur son revenu universel :
"Qui est intéressé par la revenu universel ? Les agriculteurs qui, pour un tiers d'entre eux, vivent avec 350 euros par mois. 300 suicides par an"
Vrai sur le revenu
Le chiffre avancé par le candidat socialiste vient de la Mutuelle sociale agricole. D'après les déclarations des agriculteurs affiliés, 30% des exploitants ont touché des revenus professionnels inférieurs à 4 248 euros pour l’année 2015, soit 354 euros de revenus mensuels.
Faux sur les suicides
Le chiffre avancé par Benoît Hamon est largement exagéré. D'après les derniers chiffres de Santé publique France, il y a eu 296 suicides d'agriculteurs.... sur deux années : 2010 ET 2011.
Ceci dit, il y a bien une surmortalité par suicide chez les agriculteurs. Toujours d'après les études de Santé publique France, le risque est trois fois plus élevé pour un agriculteur que pour un cadre.
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