Le vrai du fake. Weinstein démasqué, la rumeur raciste du pâté lorrain
Vrai ou fake ? Marie Colmant et Antoine Krempf passent au crible deux infos repérées sur le web et les réseaux sociaux.
Le vrai : des témoignages accablent Weinstein
Il ne se passe pas une journée, sans un nouveau coup de théâtre, concernant Harvey Weinstein, accusé par une enquête du New York Times, de se comporter comme un prédateur sexuel depuis trente ans. On apprenait par exemple, mardi dans la presse américaine, que la police new yorkaise était sur le point d’arrêter Harvey Weinstein en 2015, après la plainte d’un mannequin, lourdement pelotée par le producteur. Et pourquoi ne l’a-t-elle pas fait ? Parce que le procureur ne l'a pas suivie. Ce même procureur qui avait instruit l’affaire Strauss-Kahn pour finalement abandonner les charges, et qui a eu peur d’un nouvel échec. Lundi matin, Harvey Weinstein est viré de la compagnie qu’il a lui même créée, et on apprend d’ailleurs qu’elle cherche à changer de nom pour limiter les dégâts. De son côté, il porte plainte contre le New York Times à qui il réclame 50 millions de dollars. Mais pour cela, il lui faudra trouver les services d’un autre avocat, pour remplacer Lisa Bloom, sa première avocate. Elle a claqué la porte dimanche soir.
Les réactions n’en finissent pas. Des actrices d’abord, Meryl Streep qui déclarait lundi : "Ces infos atroces ont sidéré tous ceux d’entre nous qu’il a soutenus. Ce comportement est inexcusable." Glenn Close admet avoir été au courant des rumeurs concernant Weinstein et se dit triste et très en colère. D'autres actrices comme Julianne Moore, Jennifer Lawrence, Jessica Chastain, affichent leur soutien à celles qui ont osé parler. Quelques hommes aussi, tels le réalisateur Ryan Murphy, qui écrit que Hollywood est un véritable "champ de mines pour les femmes". Michael Keaton écrit : "Beurk, Harvey Weinstein est aussi dégoutant que notre président", en faisant allusion ici aux dérapages sexistes de Donald Trump. Et il y a George Clooney, qui est sorti du bois mardi : "Indéfendable c’est le seul mot qui me vienne à l’esprit sur le comportement de Harvey Weinstein, il a reconnu les faits et pourtant, c’est un homme que je connais depuis 20 ans, c’est lui qui m’a fait démarrer au cinéma avec Une nuit en enfer en 1996."
Reste une journaliste américaine très en colère dans cette affaire. Elle avait tenté de la révéler en 2004, alors qu’elle travaillait… au New York Times. À l’époque, Matt Damon et Russell Crowe l’avaient contactée pour lui conseiller gentiment d’arrêter ses recherches. Le New York Times n’a jamais publié son enquête.
Le fake : le pâté lorrain et le sous-préfet
Peut-on tuer une rumeur circulant sur les réseaux sociaux ? La question se pose pour celle qui concerne le pâté lorrain, une spécialité culinaire qui nous vient de la ville de Baccarat. Voilà ce qu'en dit Wikipedia : "C'est la plus ancienne recette de spécialité lorraine qui remonte au moins à 1392." Autant dire qu'il s'agit d'une institution. Ce pâté lorrain est composé principalement d'échine de porc et de noix de veau, le tout entouré de pâte feuilleté.
Le sous-préfet de Meurthe-et-Moselle, Imed Bentaleb, est directement ciblé par une rumeur sur Facebook, depuis maintenant plus d'un an. C'est un message qui dit ceci : "Imed Bentaleb, nouveau sous-préfet de Meurthe-et-Moselle est Tunisien. Il a demandé aux boulangers de Baccarat de changer la recette du pâté lorrain pour éviter les ennuis pendant la fête du pâté. Il a dit : 'mettez de l'agneau à la place du porc et tout ira bien'". Le tout est accompagné de la photo du sous-préfet visé et une source est même citée : Édition de Nancy, Est Républicain. Des réactions indignées s'affichent sur Facebook. Cela donne en résumé : touche pas à mon pâté et rentre chez toi.
Cette histoire relève pourtant du grand n'importe quoi. Dès les jours suivant l'apparition de cette rumeur, il y a tout juste un an, le journal L'Est Républicain dément. Imed Bentaleb dément formellement également, en sa qualité de "citoyen français, de sous-préfet" et donc de représentant de l'État. Mais rien n'y fait, la rumeur du pâté lorrain continue de faire son chemin, jusqu'à ce que la justice s'en mêle.
En mars dernier, un certain André, 69 ans, est condamné par le tribunal correctionnel de Nancy à 1 000 euros d'amende avec sursis pour diffamation et provocation à la haine raciale parce qu'il a partagé le texte du pâté lorrain sur son compte Facebook.
Aucun effet. Depuis quelques jours, c'est reparti. L'histoire du pâté lorrain et du sous-préfet est à nouveau partagée des milliers de fois sur Facebook. Ni la victime, ni la presse, ni la justice n'arrivent à mettre fin à cette rumeur. Et désormais lorsque vous tapez le nom d'Imed Bentaleb sur Google, on ne trouve rien ou presque sur son parcours et ses actions aux affaires économiques de la préfecture de Meurthe-et-Moselle. Son nom est désormais seulement attaché à une sombre et totalement fausse histoire de pâté lorrain.
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