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Cinq sites pornographiques vont-ils devoir fermer ? Comment et pourquoi empêcher leur accès aux mineurs ? Le Vrai du Faux Junior

Cette semaine, dans le Vrai du Faux Junior, des collégiens et lycéens s'interrogent sur l'impact que peut avoir sur des mineurs la consultation de sites pornographiques et se questionnent sur les façons de restreindre les accès à ces sites.

Article rédigé par franceinfo - Emilie Gautreau
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Il suffit de déclarer avoir plus de 18 ans pour accéder à des sites pornographiques, (illustration), (10 février2021). (STEPHANE DUPRAT / HANS LUCAS)

Chaque semaine, des collégiens et lycéens s'interrogent, dans le Vrai du Faux Junior, sur des publications ou affirmations qu'ils voient passer et cherchent à les vérifier. Le point de départ de la réflexion des élèves cette semaine émane d'articles et de messages laissant entendre que des sites pornographiques vont devoir fermer. 

Cinq sites pornographiques rappelés à l'ordre

"Est-ce que c’est vrai que les cinq sites pornographiques majeurs vont être fermés par le CSA ?" demande ainsi Raphaël. "Est-ce vrai que d’un point de vue judiciaire le CSA peut fermer ces sites", ajoute Yoni.

Pour vérifier, Raphaël suggère de croiser les informations trouvées sur les réseaux sociaux et dans les articles qu'il a lus. 

La Cellule Vrai du Faux l'invite à croiser avant tout des articles issus de médias fiables. Une autre piste de vérification est de contacter le Conseil supérieur de l’Audiovisuel, mentionné par Raphaël et qui est récemment devenu l’Arcom, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique

En complément des informations que l'on peut trouver sur le site de l'Autorité de régulation, l'Arcom précise aux élèves que telles quelles, ces affirmations sont fausses. "La loi du 30 juillet 2020 qui vise à lutter contre les violences conjugales, nous précise-t-on, prévoit que l’Arcom s’assure que les sites pornographiques aient bien mis en place un système de blocage de leurs contenus, pour les rendre non accessibles aux mineurs." Trois associations, qui reprochaient à certains sites de déroger à la loi, ont saisi l’Arcom pour qu’elle intervienne. Après constats d’huissier, elle a envoyé un avertissement (une "mise en demeure") à ces cinq sites pour leur demander de se mettre en conformité avec la loi.

Ils avaient 15 jours pour le faire. L’Arcom va désormais demander à un huissier de justice de vérifier qu’une solution a été mise en place par ces sites. Si ce n’est pas le cas, l’Arcom a la possibilité de saisir la justice (le tribunal judiciaire de Paris). Néanmoins elle n’a pas le pouvoir de fermer ces sites. Si aucune solution de blocage efficace n'est mise en place, c’est la justice qui peut décider de bloquer et/ou de retirer les sites en question des moteurs de recherche accessibles en France. Il ne s’agit pas en soi de fermer les sites qui peuvent continuer d’exister, mais bien d’empêcher au public vivant en France d’y accéder.

Une sécurisation des sites complexe à mettre en œuvre

"Pourquoi ces sites sont-ils si peu sécurisés ? demande Mélissa. "Comment les systèmes de vérification d’âge peuvent voir si les personnes ont bien l’âge recommandé ? ", ajoute Leandra.

Les sites pornographiques sont obligés de ne recevoir que des majeurs. Il leur appartient donc de trouver un moyen de demander aux majeurs de prouver qu'ils le sont ", explique aux élèves Justine Atlan, directrice générale de l’association E-enfance, mobilisée entre autres sur les questions de prévention des dangers sur Internet. Le problème en effet à l'heure actuelle, est qu'il suffit de déclarer qu'on a plus de 18 ans pour accéder à ce type de sites. L'idée serait donc de fournir une preuve de sa majorité et "si le majeur n'arrive pas à le prouver par un moyen qu'on lui donnera", ajoute Justine Atlan, "on considérera par défaut, qu'il n'est pas majeur donc qu'il est mineur et auquel cas, on lui bloque l'accès." 

Pour cela, dit-elle, "il y a plein de choses qui existent" : "Ça peut être: envoyer une copie de carte d'identité, des dispositifs de reconnaissance faciale. Justine Atlan reconnaît que "ces systèmes sont plus ou moins perfectibles et qu'aucun n'est idéal et aucun n'est parfait." Elle souligne qu'on ne demande pas à ces sites d'avoir nécessairement la solution parfaite, "ils n'ont pas d'obligation de résultat", dit-elle, "en revanche, il faut qu'ils prouvent leur bonne volonté d'appliquer la loi."

L'impact des vidéos pornographiques sur les mineurs

Les élèves se demandent aussi quels sont vraiment les risques pour les adolescents à aller sur des sites pornographiques.

"Est ce que le porno est dangereux pour la santé mentale ? Est-ce que l’exposition à la pornographie chez les mineurs influence une sursexualisation chez certaines filles ou chez certains garçons? Va-t-elle influencer le comportement des garçons envers les filles ? " s'interrogent deux élèves prénommées Camille.

La pornographie est fabriquée pour les adultes et n'est en aucun cas une éducation à la sexualité, leur répond Justine Atlan. Or, on estime qu'en moyenne, à 12 ans, près d’un enfant sur trois a déjà été exposé à la pornographie et 62 % des jeunes ont vu leurs premières images pornographiques avant d'entrer au lycée, soit avant 15 ans.

A un âge où ils ont énormément de questions et d'inquiétudes par rapport aux relations sexuelles, "comme personne ne leur dit rien",  ajoute Justine Atlan, "comme ils n'ont aucune information, la seule chose qu'ils trouvent et qui leur est proposée, ce sont souvent les contenus pornographiques."

Pour la directrice générale de l’association E-enfance, la pornographie met en avant "des mises en scène très spécifiques, avec plein de choses totalement fausses, qui sont maquillées, transformées, avec des trucages, avec parfois un manque de consentement des acteurs ou surtout des actrices".

Pour Justine Atlan tout ceci est dangereux pour les adolescents qui vont avoir tendance à prendre cela pour un mode d'emploi "parce que cela va inciter les garçons comme les filles" ajoute-t-elle, "à avoir des comportements dans des relations sexuelles qui sont censées être faites par envie, par désir personnel, par consentement, par volonté d'échange, en répétant des choses qu'ils ont vues et qui sont tout sauf la réalité."

Ajoutons que l'Assemblée nationale a donné, le 18 janvier, un feu vert unanime en première lecture à un texte facilitant le recours au contrôle parental sur les objets connectés, avec entre autres pour objectif de protéger les mineurs face à la pornographie. Il existe, par ailleurs, un site internet, à destination des parents et plus globalement des adultes, consacré à la protection des mineurs contre la pornographie en ligne.

  

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