Le sens des mots. Épidémie, quand la contagion propage le risque d'amalgames
Tout l'été sur franceinfo, Marina Cabiten et la sémiologue Mariette Darrigrand s’arrêtent sur les termes qui ont marqué l’actualité de l’année écoulée. Aujourd'hui, le mot "épidémie".
Le coronavirus est né en Chine mais s’est propagé dans le monde entier à une vitesse fulgurante. Dans "épidémie" il faut entendre "démos", comme dans démocratie. Une épidémie, c’est donc avant tout la maladie d’un peuple, et elle reste identifiée comme telle ensuite tout au long de sa migration.
franceinfo : Mariette Darrigrand, vous êtes sémiologue spécialisée dans l'analyse du discours médiatique et dirigeante du cabinet Des faits et des signes. Covid-19 et Chine, Chikungunya et Guadeloupe, entre autres… Ce n’est pas sans risque d’amalgame.
Mariette Darrigrand : oui car bien vite les imaginaires sont activés pour construire un récit d’invasion, on revient au sens de "démos". Une invasion dans laquelle les victimes de la maladies deviennent des bourreaux potentiels. D’où des réactions de rejet, voire de racisme avéré, comme avec le coronavirus. Est créée toute une dynamique de refus des produits venus de Chine en général.
C’est Hippocrate qui a utilisé le premier le mot épidémie à propos des oreillons, donc au départ il y a bien cette idée de contagion associée au mot. Mais au 20e siècle on utilise épidémie pour des maladies non transmissibles. Le cancer, l’obésité, la dépression. Et même en dehors du médical. On a parlé d’épidémie de suicides à France Télécom, aujourd’hui l’épidémie de l’addiction aux écrans. C’est toujours négatif ?
Oui, c’est un mot qui a été chargé de connotations très négatives, de dangers, alors que son préfixe -epi- est positif et protecteur en grec ancien : l’épiderme protège le derme. Ou alors dédramatisant : un “épiphénomène” est moins central, moins grave qu’un phénomène. Il est vrai cependant que parfois, ce lieu précis, limité, peut représenter une grande menace : par exemple quand on parle de l’épicentre d’une tornade.
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