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Le sens des mots. Divulgâcher, du québécois pour ne pas gâcher la langue française

Tout l'été sur franceinfo, Marina Cabiten et la sémiologue Mariette Darrigrand s’arrêtent sur les termes qui ont marqué l’actualité de l’année écoulée. Aujourd'hui, le mot "divulgâcher".

Article rédigé par franceinfo, Marina Cabiten
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
L'interface d'Amazon Prime Video, en septembre 2019. (RICCARDO MILANI / HANS LUCAS / AFP)

Divulgâcher, ce mot évite de dire “spoiler” pour parler des désormais incontournables séries télé, lorsque leur fin ou celle d'un film, d'un livre, est révélée à une personne malgré elle.

franceinfo : Mariette Darrigrand, vous êtes sémiologue spécialisée dans l'analyse du discours médiatique et dirigeante du cabinet Des faits et des signes. Il s'agit là d'un mot-valise venu du Québec, où il est important d’éviter les anglicismes et en l’occurrence le verbe “spoiler”. Mais, au-delà de cet attachement à ne pas “gâcher” la langue française, "divulgâcher" marque aussi une différence culturelle avec “spoiler".

Mariette Darrigrand : dans "to spoil", on entend bien "spolier", en latin "spoliare". Si on vous prive d’une surprise, d’un bon système, vous vous sentez en effet spolié. C’est un vol par rapport à votre abonnement ou au prix du livre que vous avez acheté. La différence entre la culture américaine et la culture européenne saute ainsi aux yeux. Dans l’une, le commerce est vraiment central. Dans l’autre, c’est plutôt la valeur de l’information, voire du secret. "Divulguer" est un terme très fort : on vulgarise au plus grand nombre une info, on fait du sensationnalisme… Au risque d’une certaine vulgarité.

Le mot-valise est un procédé inventé par Lewis Caroll, l’auteur d’Alice au pays des merveilles… Sauf que lui disait précisément “portemanteau-word", puisque son image c’était de suspendre deux mots qui se touchaient dans une même malle-penderie comme on en voyait beaucoup au 19e siècle. Dans les mots-valises de notre époque on peut citer Bobo pour bourgeois bohème, adulescent qui mélange adulte et adolescent… Finalement le principe c’est de créer un mot qui désigne très vite une idée ?

Oui, l’imagination crée un court-circuit dans le langage. En prenant le meilleur des deux notions. Ce qui crée souvent de l’humour, comme quand Rimbaud se moquait du "patrouillotisme" par exemple. Le mot-valise est donc souvent drôle et toujours expressif, chargé d’émotion. Nous le ressentons immédiatement.

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