Le sens des mots. "Cluster", un agrégat naturel ou dangereux
Tout l'été sur franceinfo, Marina Cabiten et la sémiologue Mariette Darrigrand s’arrêtent sur les termes qui ont marqué l’actualité de l’année écoulée. Aujourd'hui, le cluster.
Le mot cluster a été énormément employé lors de la crise du coronavirus. Un anglicisme qui a remplacé le mot "foyer" pendant l'épidémie.
Franceinfo : Mariette Darrigrand, vous êtes sémiologue spécialisée dans l'analyse du discours médiatique et dirigeante du cabinet Des faits et des signes. Le mot "cluster" se balade dans différents univers : la science, l'entreprise, l'informatique ou encore l'astronomie. A-t-il été créé par le monde contemporain ?
Mariette Darrigrand : Non, il était déjà là en ancien anglais et pouvait se rencontrer aussi bien à propos d’atomes que de constellations d’étoiles. L’idée était la même : se regrouper, s’agréger. Dans la crise sanitaire, ce regroupement a été dangereux. Un cluster épidémique, c’est un endroit d’où part une forte chaîne de contaminations.
Le ministre de la Santé a dit ne pas aimer "cluster" et préfère dire "foyer de contamination". Mais "cluster" est très apprécié des épidémiologistes parce qu’il est plus précis dans ce qu’il désigne, c’est-à-dire vraiment un agrégat. Cela peut être un agrégat de cas pathologiques dans le cadre d’une épidémie, mais aussi, depuis les années 1990, un agrégat d’entreprises.
Oui, le professeur de Harvard Michael Porter l’a en effet introduit dans le monde de l’entreprise et du management. Il voulait désigner ainsi les pôles d’innovation qui se construisaient dans la Silicon Valley autour des premières start-up et de leurs partenaires, réunis dans des zones bien précises. Ce sont des clusters aux États-Unis, des pôles de compétitivité en France.
En musique également, on parle de cluster quand on joue simultanément plusieurs notes. On parle aussi de grappe de notes, comme pour la vigne, et on retrouve dans "cluster" cette notion de fructification.
En effet, comme si, même créés par l’Homme, ces clusters se développaient de manière naturelle et peut-être surtout inéluctable. On dit d’ailleurs “pousser comme des champignons”. Ce qui nous rappelle qu’au départ, cluster avait un sens positif et désignait une forme de fertilité et non un phénomène menaçant et invasif.
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