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Le sens de l'info. La pénurie

Le philosophe et académicien Michel Serres et Michel Polacco parlent de la pénurie, qui pour Michel Serres est "mère d’expédients".

Article rédigé par franceinfo, Michel Polacco - Michel Serres
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Représentation symbolique de La Divine comédie de Dante par Domenico di Michelino (1417-1491) (IMMAGINA/LEEMAGE - AFP)

La pénurie, ça rappelle la guerre et les tickets de rationnement pour les plus âgés d’entre nous. Ce mot rappelle les crises, lorsque le pétrole manquait à nos véhicules. Les grandes grèves. Mais, pour les jeunes générations qui ont la chance de ne pas vivre dans des pays touchés par les guerres ou la misère, c’est un mot quasi inconnu.

La pénurie réapparaît dans notre quotidien

Dans notre pays gavé de richesses et de nourriture, les étals ont manqué de beurre, durant des mois, sans que pour autant on manque de lait ou de crème fraîche, les matières premières du beurre.

Bizarre ! Affaire de financiers qui font ainsi monter les cours. Pénurie artificielle ! Excès de demande des pays voisins. La pénurie nous guette donc même en période d’abondance. Et nos gouvernants s’en émeuvent peu.

Les années de grande famine en France

On connaît, grâce aux sources historiques, les années de grandes famines depuis le haut Moyen Âge. En l'an 584, Grégoire de Tours rapporte qu' "une grande famine ravagea presque toutes les Gaules : bien des gens firent du pain avec des pépins de raisin, des fleurs de noisetier, quelques-uns même avec des racines de fougère".

Au cours des IXe et Xe siècles, la gravité de certaines famines est telle qu'elle entraîne des pratiques de cannibalisme. En 1032, Raoul Glaber signale qu'on vit quelqu'un apporter de la chair humaine cuite au marché de Tournus.

La pénurie et l'inégalité sociale

Face à la pénurie, les différentes catégories sociales ne sont évidemment pas sur un pied d'égalité. Les errants sont les premières victimes.Les témoignages ne manquent pas : en 1694, à Saint-Germain-de-Fly (Oise), des mendiants venus du Pays de Caux sont "tellement épuisés et abattus de la faim qu'ils ne pouvaient pas même desserrer les dents pour manger" ; en 1575, dans le Velay, "les pauvres mouraient de faim par les chemins, ne mangeant que de l'herbe qu'on leur trouvait à la gorge".

La vulnérabilité est aussi différente selon les lieux géographiques

Une province telle que la Bretagne, grâce à la culture du sarrasin et à la proximité des ports d'importation de grains, a davantage été préservée que les plateaux céréaliers, voués à la monoculture, ou des régions isolées et surpeuplées, telles que le Craonnais, le Perche et la majeure partie du Massif central à la fin du XVIIe siècle. Quant aux villes closes, elles peuvent connaître des situations dramatiques. Qu'advienne un siège et les tabous alimentaires tombent : à Sancerre, assiégée par les catholiques en 1573, les habitants se replient successivement sur la viande de cheval - non consommée jusqu'à la fin du Second Empire - avant d'absorber chats, rats, taupes, cuir, parchemin bouilli, fiente, racines de ciguë ...

Source : Larousse

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